Le Sénat approuve l’élargissement de l’usage des données de santé.

Durant l’examen du projet de loi relatif à la réorganisation du système de santé, les sénateurs ont validé les dispositions qui prévoient de nouveaux usages pour les données de santé de la population, et l’instauration d’une nouvelle base de données, importante pour le secteur de la recherche.

Le volet numérique du projet de loi santé a reçu l’assentiment du Sénat. Les sénateurs ont en effet adopté dans la soirée du 6 juin les articles 11 – élargissant l’utilisation des données de santé – et 12, donnant la possibilité aux patients d’ouvrir un espace numérique de santé.

La réforme portée par Agnès Buzyn prévoit d’instaurer un groupe d’intérêt public, la Plateforme des données de santé (Health data hub dans la communication ministérielle), qui prendra le relais de l’Institut national des données de santé, avec au passage, un élargissement des missions. Cette nouvelle base, qui fonctionnera comme un « guichet unique » et « sécurisé », mettra à la disposition des chercheurs un outil d’une grande richesse.

La France, « un pays leader dans ce domaine »

 Les données envoyées au Système national des données de santé (SNDS) ne seront seulement médico-administratives, comme c’était le cas jusqu’à présent, elles seront étendues aux données cliniques, à celles des services de protection maternelle et infantile (PMI) ou encore de la médecine scolaire. Dans leur version, les sénateurs ont également ajouté les données qui concernent les niveaux de perte d’autonomie des personnes âgées

Déjà qualifié (par lui-même) « d’unique en Europe, voire au monde », le Système national des données de santé (géré par la Caisse nationale d’Assurance maladie) comprenait déjà cinq grandes familles de données : celles de l’Assurance-maladie, celles des hôpitaux, les causes médicales de décès, les données relatives au handicap ou un encore certaines données issues de complémentaires santé.

Pour le sénateur (La République en marche) Dominique Théophile, « cet écosystème fera de la France un pays leader dans ce domaine ». La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a déclaré en séance que « la prise en charge sanitaire des Français s’en trouvera améliorée, grâce à l’intelligence artificielle ».

« La prise en charge sanitaire des Français s’en trouvera améliorée » (Agnès Buzyn)

« La loi Informatique et libertés et le RGPD s’appliquent pleinement »

La ministre a également justifié la suppression d’une exigence de finalité précise dans le nouveau dispositif. Il s’agit, selon elle, de « ne pas faire obstacle à la constitution de bases de données pérennes croisant données sanitaires, sociales ou environnementales ». Pour ce qui est de la protection et des libertés individuelles, elle a rappelé que « la loi Informatique et libertés et le RGPD [Règlement général sur la protection des données] s’appliquaient pleinement ».

Le rapporteur (LR) du texte, Alain Milon, a lui aussi cherché à dédramatiser les risques pesant sur cette nouvelle super-plateforme. « La création d’une plate-forme des données de santé ne présente pas les risques que certains députés ont cru identifier », a-t-il avancé.

« La création d’une plate-forme des données de santé ne présente pas les risques que certains députés ont cru identifier » (Alain Milon)

La Caisse nationale d’Assurance maladie ne sera plus le seul organisme aux commandes de la future plateforme. Le projet de loi indique qu’elle sera constituée entre « l’État, des organismes assurant une représentation des malades et des usagers du système de santé, des producteurs de données de santé et des utilisateurs publics et privés de données de santé, y compris des organismes de recherche en santé ».

Vives inquiétudes face au risque d’une utilisation commerciale des données

Ce changement de gouvernance n’est pas sans poser des questions, selon certains sénateurs. « La multiplication des détenteurs de données augmente le risque de dispersion par inadvertance ou par manœuvre crapuleuse », craint la sénatrice communiste Michelle Gréaume. Après avoir échoué à supprimer l’article, les sénateurs de son groupe ont d’ailleurs tenté de le modifier, sans y parvenir, pour préciser que l’utilisation des données par des organes privés devrait se faire « à des fins non commerciales ». « Nous craignons que cette base, financée par l’État, soit mise gratuitement à la disposition des géants du numérique […] On peut aussi redouter des cyberattaques. Plusieurs millions de dossiers médicaux ont été piratés aux États-Unis entre 2010 et 2017. Les criminels s’intéressent davantage à notre carte vitale qu’à notre carte bancaire ! » a ajouté la sénatrice Cathy Apourceau-Poly.

Plateforme des données de santé : « On peut redouter des cyberattaques » (Cathy Apourceau-Poly)

Le groupe socialiste a lui estimé qu’il n’était pas « opportun » de faire une exception au contrôle de la CNIL pour les traitements de données de santé mises en œuvre par l’État dans le cadre de l’évaluation des politiques de santé ou de statistique. « Il s’agit simplement, pour l’État, de pouvoir utiliser pleinement ces données sans en référer à chaque fois à la CNIL, par exemple en cas d’épidémie. Mais rien n’empêche les contrôles a posteriori », leur a répondu la ministre.

Feu vert à l’espace numérique de santé

Le Sénat a également donné son feu vert au lancement de l’espace numérique de santé, ce compte personnel en ligne auquel les assurés pourront accéder par exemple à leur dossier médical partagé, le carnet de santé numérique centralisé. Ni l’hémicycle ni le gouvernement ne seront revenus sur les modifications apportées par la commission des Affaires sociales, qui voulait favoriser la généralisation du dossier médical partagé et de l’espace numérique de santé.

Dans la version initiale du texte, l’ouverture de l’espace numérique de santé n’était prévue que par l’initiative d’une personne. Ou bien, elle serait automatique (sauf opposition des parents) pour les personnes nées après le 31 décembre 2021. L’ouverture de l’espace se fera automatiquement pour « tous les usagers du système » (sauf opposition de la personne).

Les sénateurs ont également, sur proposition du groupe La République en marche, rétabli l’obligation de prescrire les arrêts de travail de manière dématérialisée, qui avait été supprimée en commission.

Par Guillaume Jacquot pour Public Sénat.