Mobilisation de la société civile. Fin des poursuites contre le journaliste Ivan Golounov

Face à la mobilisation de la société civile, la Russie abandonne les poursuites contre le journaliste Ivan Golounov.

Le Monde avec AFP

L’affaire a provoqué une onde de solidarité rare dans la société russe. Deux hauts responsables de la police vont être limogés.

Les autorités russes ont disculpé mardi 11 juin le journaliste d’investigation Ivan Golounov, accusé de trafic de drogue, opérant un recul rarissime, à la mesure de l’indignation et de la mobilisation suscitées par cette affaire dans la société civile.

Dès l’annonce par Vladimir Kolokoltsev, le ministre de l’intérieur, de ce revirement spectaculaire, le reporter de 36 ans, assigné à résidence depuis samedi, a été conduit dans les locaux de la police où il s’est vu signifier la fin des poursuites et retirer son bracelet électronique.

assuré qu’il comptait poursuivre le travail d’investigation qui a fait sa réputation, portant sur la corruption des élites et les malversations dans des secteurs opaques, comme le microcrédit et les pompes funèbres.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  En Russie, le soutien au journaliste Ivan Golounov prend de court le pouvoir

Deux hauts responsables limogés

Le journaliste avait été interpellé jeudidans le centre de Moscou en possession de près de 4 grammes de méphédrone, une drogue de synthèse, trouvés dans son sac à dos, avait affirmé un porte-parole de la police. Selon la même source, les policiers ont ensuite trouvé lors d’une perquisition à son domicile d’autres sachets avec des stupéfiants et une balance.

Bémol dans cette histoire racontée par la police russe : les analyses effectuées sur demande de la justice n’ont révélé aucune trace de drogue dans son sang et aucun des sachets saisis ne portait ses empreintes, selon les avocats du journaliste.

La justice devra désormais évaluer « la légalité des actions des policiers qui ont interpellé » le journaliste à Moscou. Selon M. Kolokoltsev, les policiers ayant procédé à l’arrestation ont été suspendus de leurs fonctions le temps de l’enquête.

Deux hauts responsables de la police seront, en outre, limogés. Il s’agit du général de la police, Andreï Poutchkov, responsable des forces de l’ordre dans le district ouest de la capitale russe, et du général Iouri Deviatkine, qui dirige l’antenne moscovite du département de la lutte contre le trafic de drogue, selon la même source. 
Le sacrifice de hauts fonctionnaires est un signe de fragilité : dans toutes les affaires précédentes impliquant des membres des forces de l’ordre, le pouvoir avait choisi de faire corps et de ne pas abandonner les siens. Après la mort en prison du juriste Sergueï Magnitski, en 2009, et malgré l’émotion suscitée, ses tortionnaires avaient même été promus. Reste à savoir si les sanctions annoncées s’accompagneront d’une réforme réelle des méthodes policières, alors que les fausses accusations de trafic de drogue font partie des abus fréquemment dénoncés par les défenseurs des droits de l’homme.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  En Russie, « dès lors qu’un média atteint une certaine taille, le pouvoir intervient »

Onde de solidarité

Il s’agit d’une victoire sans précédent pour la société civile, donnée quasiment morte, confrontée à un arsenal législatif toujours plus répressif, et qui a réussi à l’emporter en seulement quelques jours.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Contre ses opposants, le Kremlin élargit son arsenal législatif

Partie des rédactions moscovites, la mobilisation s’est vite répandue à d’autres couches de la société, comme en témoignaient les centaines de personnes qui faisaient la queue depuis vendredi pour manifester, seules, devant le siège de la police, rue Petrovka. En Russie, la loi ne permet en effet les manifestations spontanées que si les participants sont séparés de 50 mètres les uns des autres.