LBD – Interview de la patronne de l’IGPN

L’IGNP annonce ce jeudi 13 juin une hausse de plus de 200 % de l’usage de LBD et grenades de désencerclement par la police en 2018.


Cette hausse est concentrée sur les mois de novembre et décembre, au début des manifestations des «gilets jaunes».
En 2018, les policiers ont utilisé 19 071 munitions de LBD et 5 420 munitions de grenades de désencerclement, soit des hausses de 203 % et 296 % par rapport à l’année précédente, selon un rapport de la « police des polices ».

Il s’agit d’une hausse inédite et importante, souligne le rapport de l’IGPN

« Aujourd’hui, sur des manifestations de type classique, on n’a jamais connu des manifestations qui aient tourné en émeutes de cette façon-là, explique Brigitte Jullien, directrice de l’IGPNOn avait des manifestants en face de nous qui étaient peut-être inexpérimentés, qui ne connaissaient pas les lieux, qui ne connaissaient pas les règles des manifestations et puis qui ont été certainement un peu manipulés par des « professionnels de la manifestation ». »

Si elle « réfute le terme de violences policières », la patronne de l’IGPN est néanmoins bien consciente de la nécessité de mener une réflexion sur l’usage du LBD. « On n’y échappera pas, mais ce n’est pas le moment de le faire »

« La période du 17 novembre au 31 décembre représente pour les seules manifestations de +gilets jaunes+ près du tiers des déclarations d’usage du lanceur de LBD40 (le lanceur de balles de défense) », a détaillé la directrice de l’IGPN, Brigitte Jullien, lors d’un point presse. Pour la grenade de désencerclement, cette période concentre 72% de l’augmentation enregistrée.

Mais pour l’instant, aucune des 265 enquêtes ouvertes par l’IGPN depuis le début du mouvement des « gilets jaunes » n’a abouti à une sanction contre un policier.

L’enquête prend du temps car utiliser une arme de défense n’est pas synonyme de violence policière, rappelle Brigitte Jullien : « Un manifestant qui est sur la voie publique, qui incendie, qui pille des magasins, est dans une situation illégale. Le policier a la loi pour lui, il peut faire usage de la force. Et l’usage de la force est forcément violent. » Un usage autorisé qui rend les enquêtes plus longues mais l’IGPN précise que 40 % des dossiers ont déjà été transmis à la justice.

Ces enquêtes sont « compliquées » à mener, remarque la cheffe de l’IGPN, Brigitte Jullien. Les enquêteurs doivent déterminer si l’usage de la force a été légitime et si la riposte apportée a été « proportionnée à l’attaque subie ». Mais « les personnes ne viennent pas déposer plainte immédiatement ». Or les vidéos des caméras de surveillances installées dans les rues ne sont conservées que 30 jours. Et les enquêteurs doivent souvent s’en passer. 

Macron défend l’usage des LBD face aux critiques du Conseil de l’Europe : Voir ARTICLE

Interview : La patronne de l’IGPN «réfute totalement le terme de violences policières»


Brigitte Jullien, directrice de l’IGPN

Quel a été l’impact du mouvement des Gilets jaunes sur l’activité de l’IGPN ?

BRIGITTE JULLIEN. Cette crise a eu de fortes répercussions sur nos missions, notamment en termes d’organisation de travail. Et ceci de façon durable. Certains mois, nos 110 enquêteurs n’ont travaillé que sur les dossiers liés au mouvement des Gilets Jaunes, notamment au sein de la délégation de Paris, où l’IGPN a été saisie de très nombreuses enquêtes. Certaines affaires, de corruption par exemple, ont dû être temporairement mises de côté sans être évidemment abandonnées. Il fallait répondre aussi vite que nous pouvions, sans pour autant tomber dans la précipitation.

Combien d’enquêtes sont liées à ce mouvement ?

Au total, du 17 novembre 2018 au 8 juin, nous avons reçu 555 signalements sur la plateforme de l’IGPN mise à disposition du public. 265 enquêtes judiciaires ont été ouvertes. Parmi celles-ci, 105 – soit 45 % – sont terminées et ont été renvoyées aux différents parquets pour analyse. Dans une majorité de cas, nous n’avons pas pu identifier les policiers. Beaucoup de victimes présumées ne sont pas parvenues à déterminer les lieux et horaire précis des faits, et dans certaines villes ou rues, il n’existe pas de vidéoprotection. Les parquets peuvent désormais classer le dossier ou demander un complément d’investigations. Dans les cas où des fonctionnaires ont été identifiés, les parquets peuvent décider de les renvoyer devant un tribunal correctionnel s’ils estiment les faits caractérisés.

Comment expliquez-vous qu’aucun policier ne soit suspendu à ce jour ?

Pour qu’il y ait suspension, il faut qu’il y ait faute. Or, à ce jour, aucune enquête n’a permis de conclure que la responsabilité d’un policier était engagée à titre individuel. Cela ne veut pas dire que cela n’arrivera pas…

Avez-vous des instructions de la part du ministère de l’Intérieur ?

Aucune. L’IGPN est un service d’enquête indépendant.

Y a-t-il eu selon, vous, des violences policières ?

Je réfute totalement le terme de violences policières. Il y a eu des blessures commises à l’occasion de manifestations durant lesquelles la police a fait usage de la force. Notre travail est de chercher à savoir si cet usage était légitime et proportionné. Nous devons évaluer la proportionnalité et la légalité de la riposte. Il y a peut-être eu des situations où cela n’a pas été le cas. Mais il est encore trop tôt pour le dire.

On a le sentiment d’une justice à deux vitesses. Les manifestants sont jugés très rapidement alors que les sanctions contre les policiers tardent à venir…

Je conçois que ce décalage dans le temps soit mal compris. Policiers et manifestants ne se trouvent pas dans la même situation. Quand on participe à une manifestation non déclarée et qu’on commet des exactions, qu’on est interpellé en flagrant délit, il est logique que l’on passe rapidement devant le tribunal. Le policier, lui, se trouve dans une situation différente. La loi lui confère le droit de recourir à la force, ce qui est en soi une violence. Il faut déterminer si cet usage est légitime.

Des policiers ont-ils tiré avec leur arme à feu ?

Non, aucun tir de ce type n’a été recensé.

Dans le mouvement des Gilets jaunes, quelle part de vos enquêtes porte sur l’utilisation du LBD ?

Environ un tiers. La période du 17 novembre au 31 décembre 2018 a concentré plus du tiers des déclarations annuelles de tirs et la moitié des munitions tirées. Mais n’oublions pas les incidents en marge de la Coupe du monde, le 14 juillet, ainsi que les violences urbaines au moment d’Halloween.

Avez-vous engagé un retour d’expérience sur l’usage de cette arme ?

Nous n’échapperons pas à cette réflexion.

Le Parisien

Illustration : Affiche de 2016 – info’com CGT

https://www.facebook.com/GiletsJaunesAnonymous/videos/369761443818330/
ONU – Usage excessif de la force contre les GJ.

« Usage excessif de la force » contre les Gilets Jaunes : l’ONU réclame à la France une enquête.L’ONU demande à la France d’ouvrir une enquête sur l’usage excessif de la force contre des Gilets JaunesL’ONU s’érige en défenseur des Gilets Jaunes. En effet, dans un discours tenu ce mercredi 6 mars, Michelle Bachelet, haut-commissaire des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme, a présenté un rapport annuel dans lequel elle a vigoureusement dénoncé la violation des droits de l’homme dans un certain nombre de pays, dont la France.« En France, où des Gilets Jaunes s’indignent d’avoir été exclus de leurs droits économiques et de leur participation dans les affaires publiques, nous encourageons le gouvernement à poursuivre le dialogue, y compris le Grand Débat et qu’il ouvre une enquête sur tous les cas d’usage de force excessif », a déclaré Michelle Bachelot.

Publiée par Lanceur d'alerte. sur Jeudi 7 mars 2019

Comments are closed, but trackbacks and pingbacks are open.