La profession d’avocat, “première victime” du rapport Delevoye

Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris, Basile Ader, vice-bâtonnier de Paris et Joël Grangé, membre du conseil de l’ordre du barreau de Paris, s’élèvent contre le rapport rendu jeudi par le haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye. Un rapport qui engendre selon les signataires des inégalités entre avocat et professions libérales d’un côté, et salariés de l’autre.

Par Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris, Basile Ader, vice-bâtonnier de Paris et Joël Grangé, membre du conseil de l’ordre du barreau de Paris


Publié le le 20 juillet 2019

Voici la tribune de Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris, Basile Ader, vice-bâtonnier de Paris et Joël Grangé, membre du conseil de l’ordre du barreau de Paris sur la future réforme des retraites : “Après dix-huit mois de travaux, le rapport sur la réforme des retraites a enfin été dévoilé par le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye. Ses préconisations relatives à l’avenir des retraites des avocats sont d’autant plus irrecevables qu’elles sont le fruit d’une concertation en trompe-l’œil concernant les avocats. Peu de démonstration sur l’équilibre intrinsèque du régime comme si une gestion publique et centralisée serait garante d’équilibre… Notre conviction est que l’empilage de 42 régimes n’aboutira pas à un régime universel équilibré. Ce rapport confirme en réalité les inquiétudes légitimes que nous avions pour la profession d’avocat, qui apparaît comme la première victime de la création d’un régime universel par points.

Une grave injustice sociale. La réforme des retraites relève tout d’abord d’une grave injustice sociale pour les avocats, puisque d’un côté la majorité d’entre eux verra ses cotisations doubler et de l’autre les pensions vont diminuer. La dégressivité du futur régime fera peser la charge de cotisations la plus lourde aux revenus les plus bas.

Une atteinte caractérisée à la confiance légitime des avocats dans leur système de retraite

La réforme mettra en outre fin à notre principe de solidarité professionnelle, au titre duquel, dans notre régime de base, ceux qui disposent de faibles revenus ont les mêmes droits à la retraite que les plus hauts revenus : une véritable solidarité voulue par les avocats. De surcroît, il ruine les efforts de notre profession en faveur de l’égalité homme-femme. Il est par ailleurs faux d’affirmer que les droits déjà constitués seront préservés ; lorsqu’on convertit des droits dans un régime bénéficiaire, comme celui des avocats, en droits dans un régime universel qui dès l’origine en 2025, malgré des hypothèses optimistes de chômage et de croissance retenues, il apparaît déjà déficitaire de plus de 10 milliards d’euros. C’est une atteinte caractérisée à la confiance légitime des avocats dans leur système de retraite qu’ils ont bâti année après année depuis les années 70.

Fondamentalement, le rapport du Haut-Commissaire aux retraites méconnaît les spécificités des professions libérales, dont nous faisons partie, et engendre d’importantes inégalités avec les salariés. En effet, si les salariés ne payent que 40% de leurs cotisations (le reste étant supporté par l’employeur), les avocats sont tenus de supporter seuls la totalité de leurs charges. L’âge de départ à la retraite des avocats est également plus élevé que celui des salariés, et leur espérance de vie à la retraite moindre.

Le doublement de nos taux de cotisation, accompagné d’une baisse de nos droits à la retraite, représente ainsi un risque majeur pour la pérennité de nombreux cabinets d’avocats, qui ne pourront supporter une telle augmentation encore des charges et seront amenés à disparaître, entraînant avec eux près de 35.000 emplois salariés induits.

Le régime de retraite des avocats n’est pas un régime spécial, mais est un régime autonome

Pour les autres, l’augmentation des charges se répercutera nécessairement sur les honoraires dont les justiciables devront s’acquitter pour défendre leurs droits. Certes, le Haut-Commissaire propose une période de transition mais il entend faire supporter l’essentiel de la charge qui en résulte sur une solidarité professionnelle dont il redécouvre les vertus. En réalité, on ne peut traiter de manière uniforme des situations profondément différentes. C’est ce qui avait conduit à l’origine à la création de régimes autonomes et de ce point de vue, rien n’a véritablement changé pour les avocats.

Régime autonome ne veut pas dire régime spécial. Le régime de retraite des avocats n’est pas un régime spécial, mais est un régime autonome. En cela, il ne coûte strictement rien à l’État. Mieux, il lui rapporte de l’argent. Les avocats participent déjà à la solidarité nationale, par le versement de plus de 80 millions d’euros par an au régime général, soit 1.350 euros par avocat. Une distinction doit donc être faite entre régime spéciaux et régimes autonomes, celui des avocats présentant le double avantage d’être solidaire et équilibré financièrement.

Prélever les assurances-vie pour financer le déficit du régime universel. La réforme envisagée par le Haut-Commissaire aux retraites prévoit par ailleurs de s’accaparer les réserves de notre profession, constitué par des générations d’avocats, pour l’intégrer au futur régime universel. Nous ne pouvons accepter une telle mainmise sur nos réserves, qui représentent une assurance constituée en prévision d’un retournement démographique de notre profession.

C’est exactement comme si l’Etat décidait de s’emparer de l’assurance-vie des Français pour financer le régime universel! Et quel signe donné à tous ceux qui ont une gestion saine et équilibré de leurs prévoyances, s’il suffit désormais de constater que les économies qu’ils ont mises par sécurité de côté peuvent leur être confisquées pour combler les déficits abyssaux de ceux qui ont été moins prévoyants!

C’est l’avenir même de l’accès au droit pour tous qui se joue

Derrière la volonté du gouvernement d’instaurer un régime unifié et équitable, se cache en réalité une réforme porteuse d’injustice sociale pour les professionnels libéraux que nous sommes. Notre contribution à la solidarité nationale et notre présence auprès des plus démunis n’est pourtant plus à démontrer, entre missions pro bono et aide juridictionnelle pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pas les moyens d’être représenté par un avocat.

Le message envoyé aux jeunes avocats et futures générations d’avocats est terrible, car avec l’augmentation déraisonnable de leurs cotisations, ce sont des milliers d’étudiants en droit et d’élèves-avocats qui devront être contraints de renoncer à poursuivre cette mission de service public qu’est la défense des droits. Et derrière, c’est l’avenir même de l’accès au droit pour tous qui se joue.

L’Ordre des Avocats de Paris continuera donc de se mobiliser contre la réforme des retraites, pour maintenir l’autonomie de son régime, qui présente les vertus d’être équilibré, pérenne, solidaire, ne coûte rien à l’Etat et contribue déjà au régime général.”

Marie-Aimée Peyron, 3e femme bâtonnier du Barreau de Paris : « J’ai toujours veillé à être traitée exactement comme mes confrères »

Marie-Aimée Peyron est le 220e bâtonnier de Paris mais seulement la troisième femme à ce poste. Durant son mandat, elle représente et porte la parole des 29 000 avocat(e)s parisien(ne)s. Son combat au sein de l’institution ? Faire de l’égalité une réalité pour toutes les avocates. Le magazine Elle l’a rencontrée avant le lancement des premières Assises de l’Egalité du Barreau de Paris qui se sont tenues le lundi 11 mars 2019, à la Maison du Barreau.

Marie-Aimée Peyron. Nous sommes arrivés à un point où les mentalités doivent absolument changer. La situation est désastreuse : 51% d’écart de revenus entre femmes et hommes, 40% d’avocates quittent la profession après 10 ans d’exercice, 24% seulement deviennent associées en France. Si une femme bâtonnier ne met pas un point d’honneur à changer la donne, ça ne bougera pas. Nous sommes d’ailleurs le premier conseil de l’ordre totalement paritaire depuis l’entrée en vigueur des binômes aux élections ordinales. C’est en s’impliquant tous, hommes et femmes, que nous avancerons. C’est notre conviction, au vice-bâtonnier Basile Ader et moi-même.

ELLE.fr. Un an s’est écoulé depuis votre élection. De quelles initiatives êtes-vous la plus satisfaite ?

Marie-Aimée Peyron. Nous avons inscrit, le 6 mars 2018, dans le règlement intérieur du Barreau de Paris, le principe d’égalité et l’interdiction de faits de harcèlement, d’agissement sexiste ou de discrimination. Le fait que ce soit officiellement écrit permet une prise de conscience et des recours puisque les avocates et avocats sont dans l’obligation de respecter cette discipline. Nous voudrions d’ailleurs diffuser cette disposition à l’échelle nationale. Sur la même thématique, nous avons nommé des référents harcèlement à l’École de formation professionnelle du Barreau de Paris (EFB) où les élèves-avocats font leur apprentissage une fois qu’ils ont passé l’examen du Barreau. Nous avons également renforcé les prérogatives de la Commission harcèlement et discrimination rattachée au Barreau de Paris. L’idée est de libérer la parole et surtout, d’inverser la tendance : ce ne sont plus les collaboratrices harcelées ou discriminées qui doivent avoir peur de parler mais ce sont les cabinets ou l’avocat qui fait un manquement qui doivent être inquiétés (ndlr : Aujourd’hui, seules 4,7% des avocates entament des démarches formelles pour faire valoir leurs droits lésés selon une enquête du Défenseur des droits de 2018.)

SUITE DE L’ARTICLE de ELLE publié le 8 mars 2019

La bâtonnière Marie-Aimée Peyron contestée sur sa transparence financière

Le MAC (Manifeste des Avocats Collaborateurs), c’est d’abord un syndicat régulièrement constitué pour la défense des intérêts des avocats collaborateurs et en installation, ainsi que des avocats libres et indépendants. Les avocats collaborateurs représentent 40 % des avocats parisiens, soit plus de 10 000 avocats du Barreau de Paris, et 30 % des avocats des barreaux français.
Cependant, le statut des avocats collaborateurs est très précaire.

LE MAC DÉNONCE LE PROJET DE LOI JUSTICE – PANTAGRUEL MACRON (MAC HEBDO – HORS SÉRIE).


samedi, 15 décembre 2018

« Par la fenêtre vous voyez la lumière de la 1e Chambre du tribunal… C’est l’ancienne salle du Parlement de Paris sous l’Ancien Régime, c’est la salle du Tribunal révolutionnaire. C’est vrai que cette salle de la première chambre elle est spéciale, si vous voulez. On se doit dans la 1e chambre, quand on ne plaide pas, de chuchoter. Il y a une espèce de respect des lieux qui existe…la boise-rie… je dirais même qu’il y a une odeur très spécifique. Vous ne la sentez peut-être pas, mais moi je la sens. »

Tels furent les mots que j’entendis de mon Parrain de promotion, Henri Leclerc, lorsque je me présentais devant la Cour d’appel de Paris le 7 janvier 2015 pour prêter mon petit Serment. Lire la suite ICI

Marie-Aimée Peyron et Basile Ader, nouveaux Bâtonniers de Paris, l’ont annoncé haut et fort : ils seront transparents ! 

Le problème, c’est qu’ils ont commencé par supprimer, dès leur entrée en fonctions en janvier 2018, la retransmission en vidéo des débats ordinaux …. Cette décision a été prise par les nouveaux Bâtonniers personnellement, sans vote du Conseil de l’Ordre et en violation manifeste du Règlement intérieur du Barreau de Paris, qui prévoit expressément l’obligation d’enregistrement en vidéo des débats (article P 63) : 

Pas facile de s’en sortir dans la jungle règlementaire … n’est-ce pas Madame le Bâtonnier ?

C’est bien dommage, car la diffusion des séances ordinales était une belle avancée démocratique, que le MAC avait réclamée de longue date (lire notre motion « Pour un Ordre des avocats plus démocratique et plus transparent« ) et que le Bâtonnier Frédéric Sicard avait mis en oeuvre depuis début 2016.

Désormais, nous ne saurons donc plus ce que nos élus – qui s’expriment pourtant au nom de leurs Confrères électeurs – disent et votent. Les séances du Conseil de l’Ordre sur le budget et l’approbation des comptes se tiendront donc à huis clos, à l’abri de nos regards indiscrets. Nous ne connaitrons plus les détails de l’usage qui est fait de nos cotisations ! 

Nos nouveaux Bâtonniers avaient pourtant annoncé avec grandiloquence qu’il allaient réformer l’Ordre pour plus de transparence financière. 

Comme l’avaient fait avant eux le Bâtonnier Pierre-Olivier Sur, qui avait créé une ‘Commission de contrôle des coûts’ : elle s’était réunie une ou deux fois en deux ans, et n’avait abouti à aucune réforme. Comme l’avait fait aussi le Bâtonnier Frédéric Sicard, qui avait publié un Bulletin spécial ‘transparence’, où les rémunérations versées par l’Ordre étaient mentionnées … mais uniquement pour les avocats bénéficiaires qui avaient accepté cette révélation. Au résultat, ce bulletin ressemblait à un gruyère ! 

Enfin, le Vice-Président du MAC a tout de même écrit aux Bâtonniers pour demander à participer à la concertation proposée sur la transparence :

Les missives intempestives du MAC …

Le MAC a ainsi été reçu le 22 février dernier par le Bâtonnier Marie-Aimée Peyron, avec les autres syndicats. Elle nous a expliqué le processus de concertation mis en place. 

Le MAC étant magnanime, nous donnerons une chance à cette concertation. Une seule, pas deux : si cette concertation n’aboutit pas à une réelle transparence financière de l’Ordre, nous reprendrons nos actions judiciaire, politiques et syndicales. 

Rendez-vous bientôt !