Non, la carte de presse n’est pas obligatoire pour être journaliste en France
Le reporter Gaspard Glanz, a été interpellé lors de l’acte 23 des « gilets jaunes » et il sera jugé en octobre pour « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique« , a expliqué ne pas posséder de carte de presse. Celle-ci est-elle pour autant obligatoire pour être en droit d’exercer la profession de journaliste ? « Absolument pas », répond Bénédicte Wautelet, présidente de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP).
mis à jour le 10/10/19
La carte de presse est-elle obligatoire ?
« On peut être journaliste et ne pas avoir de carte de presse« , assure Bénédicte Wautelet, qui est également directrice juridique du groupe Figaro. « Journaliste n’est pas une appellation protégée. Et il n’y pas de conseil de l’ordre comme les médecins ou les avocats« , ajoute-t-elle. La CCIJP est composée de représentants des éditeurs de journaux et de syndicalistes élus par les journalistes. « Certains (journalistes) ne font pas la demande, presque de façon militante, d’autres parce qu’ils pensent qu’il n’y ont pas droit », ajoute Vincent Lanier, premier secrétaire du SNJ (Syndicat national des journalistes).
Selon l’article L7111-3 du code du travail, qui ne fait pas mention de la carte de presse, « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources« .
A quoi sert-elle ?
La carte est « un outil de travail » souligne Bénédicte Wautelet. Elle facilite ainsi le quotidien de son titulaire en permettant, par exemple, d’accéder plus aisément à des manifestations sportives ou des conférences de presse. Elle permet également d’accéder gratuitement aux musées publics. « Parfois, la commission délivre des cartes en urgence pour clarifier la situation de journalistes qui seraient bloqués à l’étranger« , souligne par ailleurs Vincent Lanier.
Est-elle cependant obligatoire pour bénéficier de l’abattement fiscal de 7.650 € réservé aux journalistes ? « La détention de la carte n’est pas un prérequis pour l’administration fiscale, mais dans certains cas de litiges elle peut être utilisée pour prouver qu’on est bien journaliste. C’est forcément un plus« , répond M. Lanier.
Quelles sont les conditions d’obtention ?
Selon la CCIJP, il faut que le demandeur justifie que son activité de journaliste constitue « une occupation principale et régulière » et lui procure l’essentiel de ses ressources, « soit plus de 50% ». Enfin, l’employeur doit être une entreprise ou une agence de presse. La carte doit être renouvelée chaque année.
En 2018, la commission a accordé 34.890 cartes de presse à des journalistes (47% de femmes et 53% d’hommes) en France.
Dix-huit rédactions apportent leur soutien au reporter Gaspard Glanz
Voir ARTICLE – LE FIGARO Publié le 23/04/2019
Journalistes, avec ou sans carte de presse
16 mai 2018
Lettre ouverte à la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels pour la reconnaissance du travail effectué par ceux à qui on refuse un document qui peut les protéger et leur permettre de faire leur travail, parfois dans des conditions périlleuses.
Des photographes, reporters et réalisateurs très connus qui partent en zone de guerre sans carte, une jeune journaliste reporter d’images qui renonce à la demander alors qu’elle traverse la Méditerranée avec des migrants sur des radeaux de fortune, d’autres qui, faute de renouvellement de leur carte, ne peuvent obtenir de visa pour la Tchétchénie ou ne peuvent accéder aux conférences de presse des procureurs dans les tribunaux français : des centaines de journalistes indépendants, reporters, réalisateurs, photographes sont empêchés dans leur travail à cause des conditions draconiennes de renouvellement d’un document indispensable à l’exercice de leur métier, la carte de presse, par la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP).
Combien sont-ils, ces refusés ? Selon les statistiques de la CCIJP, il y a à peine 1,5 % de refus, pour les quelque 35 000 cartes accordées chaque année. Cela fait déjà 550 personnes et c’est largement sous-évalué. Parce qu’il faut ajouter à ceux-là des centaines de journalistes indépendants qui, sans changer de métier, ont renoncé à demander le renouvellement de leur carte qu’ils avaient depuis plusieurs années, faute d’envie de se battre avec la Commission.
Qui plus est, il existe une troisième catégorie de «refusés». Pour eux, c’est systématique : les journalistes télé qui optent pour le statut de réalisateur «intermittent du spectacle».
Passent-ils à l’ennemi ? Préfèreraient-ils le spectacle, le «showbiz», au journalisme ?
La réalité est plus triviale : pour subsister, quand on est journaliste indépendant, il est plus facile de se faire indemniser sous le statut d’intermittent, auquel ont droit les réalisateurs de documentaires, que de s’inscrire à Pôle Emploi comme journaliste au chômage, ce qui requiert une fin de contrat.
Les reportages et documentaires de ces journalistes indépendants «écartés» sont regardés par des millions de téléspectateurs et contribuent à la réputation de sérieux et de courage d’une profession de plus en plus attaquée, qui prend des risques sur le terrain, mène des investigations solides et produit des sujets de société essentiels.
Quand on se mobilise pour faire libérer des journalistes français, c’est au nom de la liberté de la presse et du courage de ses membres, alors que, régulièrement, ils sont sans carte professionnelle sur le terrain. Quand on rend hommage à des reporters tués dans l’exercice de leur métier, ce sont des «journalistes» qu’on enterre, alors que, régulièrement, ils sont morts sans carte.
Pour voyager en zone de guerre, de grands reporters privés de la protection que pourrait leur conférer une identité de journaliste sont obligés de se faire faire de fausses cartes de presse à Bangkok pour quelques baths…
Pourquoi? Ubu, Kafka, Coluche : on ne sait plus qui convoquer dans ce débat.
Qu’on en juge : des prix Albert Londres, des prix Bayeux, des lauréats des prix les plus prestigieux décernés par notre profession sont ainsi privés de leur carte de presse.
Dans une étude fouillée, un chercheur de l’Ecole normale supérieure de Cachan a fait le compte: les deux tiers des refus de notre Commission de la carte de presse sont invalidés en appel.
Les gardiens du temple du journalisme feraient-ils du zèle avec les indépendants?
La Commission supérieure d’appel, elle, est présidée par 3 magistrats professionnels (Cour de cassation et Cour d’Appel de Paris), assistés d’un délégué journaliste et d’un délégué employeur. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de l’étude: les magistrats se montrent plus ouverts aux réalités de la vie du journaliste indépendant et de ses activités multiples, que nos confrères, nos pairs.
Pourquoi une telle rigueur ? De 37 000 en 2012, le nombre de cartes est redescendu à un peu plus de 35 000 l’an dernier. C’est 2000 cartes en moins : ne seraient-ce pas celles qui manquent aux journalistes indépendants, confrontés à la mauvaise foi d’une administration poussiéreuse, qui ne tient aucun compte de leurs arguments ?
Ses verdicts de non-renouvellement tombent par l’envoi d’une «lettre type», se retranchant derrière la lecture, froide et incomplète, de l’article L 7111 du Code du travail. Verdicts d’autant plus incompréhensibles que notre profession se précarise, et que les journalistes indépendants sont les premiers fragilisés…
Nous, journalistes réalisateurs indépendants de reportages et de documentaires, sommes la variable d’ajustement du monde de la production télévisée. Nous risquons désormais, en plus, d’être exclus par la Commission de la carte faute de preuves comptables puisque nous écrivons trop souvent nos projets de films à compte d’auteur, sans rémunération. C’est malheureux, mais c’est comme ça. Les producteurs mettent leur logo dessus, les envoient aux chaînes, et nous attendons ensemble que «ça morde». Tout cela gratuitement, sachant qu’une chaîne peut mettre un an à répondre… Vous nous imaginez, au milieu de ce marasme, refuser le projet d’une société de production, sous prétexte qu’elle n’est pas une agence de presse reconnue par la CCIJP ?
Cette situation sociale ne mériterait-elle pas que la Commission de la carte s’y arrête ? N’y a-t-il pas matière pour les membres de la CCIJP à montrer plus de compréhension, de compassion, à renouveler la carte professionnelle essentielle à des indépendants qui continuent de produire de l’information ? Dans notre monde journalistique en péril, l’état de la presse et les attaques dont les journalistes et le droit d’informer font l’objet, on attendrait de la part de la CCIJP une évolution des mentalités vers plus de solidarité. Et plus de modernité.
Nous comprenons qu’il faille un cadre et des critères d’admission pour que la carte de presse conserve une valeur et un sens. Nous comprenons que la Commission cherche à déceler les abus. Nous comprenons que, n’ayant pas un CDI habituel, un journaliste indépendant constitue un cas atypique à examiner.
Mais nous souhaitons désormais que la Commission de la carte s’ouvre à nos réalités professionnelles de journalistes indépendants, réalisateurs, photographes, pigistes de toute sorte, puisque nous défendons les mêmes valeurs que la CCIJP, sur le terrain.
A l’issue des élections qui ont démarré le 19 avril, nous souhaitons engager des discussions confraternelles sur une évolution des conditions de renouvellement de nos cartes de presse, dès que la nouvelle composition de la CCIJP sera connue.
Les Journalistes signataires sont reporters, grands reporters, correspondants à l’étranger, photographes, réalisateurs : Alex Alévêque, Miyuki Droz Aramaki, Jean-Marie Barrère, Caroline Benarrosh, Linda Bendali, Stéphane Bentura, Laure-Anne Berrou, Lise Blanchet (Prix Albert Londres, présidente de la Commission des journalistes de la SCAM), Bertrand Bolzinger, Sophie Bouillon (prix Albert Londres 2009), Benoît Bringer, Jean-Christophe Brisard, Pedro Brito Da Fonseca, Frédéric Brunnquell, Benoît Bertrand-Cadi, Fabrizio Calvi, Jean-Pierre Canet, Marisa Cattini, Gilles Cayatte, Anne Chaon, Camille Courcy, Marine Courtade, Thomas Dandois, Frédéric Dupuis, Magali Einig, Charles Emptaz, Aude Favre, Julien Fouchet (prix Albert Londres 2014), Jérôme Fritel, Emmanuel Gagnier, Laurence Geai, Stéphane Girard, Marjolaine Grappe, Anthony Headley, Pascal Henry, Luc Herman, Etienne Huver (prix Albert Londres 2016), INDPI (Informer n’est pas un Délit), Jean-Marc Illouz, Nicolas Jaillard, Pierre Jean-zami, Marina Ladous, Caroline Langlois, Hélène Lam-Trong, Meryem Lay, Bernard Lecomte, Julie Lerat, Sylvain Lepetit (prix Albert Londres 2014), Delphine Lopez, Erwan Luce, Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac, Yuri Maldavsky, Stéphanie Malphettes, Mylène Massé, Stéphane Malterre, Stéphane Marchetti (prix Albert Londres 2008), Alexis Marrant (prix Albert Londres 2006), Fred Mergey, Paola Messana (prix Albert Londres 1994), Alexis Montchovet (prix Albert Londres 2008), Julia Montfort Corre, Paul Moreira, Sophie Nivelle-Cardinale (prix Albert-Londres 2016), Anthony Orliange, Sylvain Pak, Jean-Louis Perez, Olivier Ponthus, Philippe Sprang, Marine Pradel, Stenka Quillet, Emmanuel Razavi, Jean-Baptiste Renaud, Marc Saint-Sauve, Felix Seger, Coline Tison, Nicoals Tonev, Pierre Toury, Oriane Verdier, Nicolas Vescovacci, Sophie Villeneuve (compagne de Stéphan Villeneuve, grand reporter, mort à Mossoul (Irak) en juin 2017), Antoine Vitkine.
CONDITIONS D’ATTRIBUTION DE LA CARTE PROFESSIONNELLE http://www.ccijp.net/article-10-conditions-d-attribution-de-la-carte-professionnelle.html
Le journaliste et le mythe de la carte de presse
En France, ils sont nombreux à exercer le métier de journaliste sans toutefois posséder de carte de presse.
Loi Cressard
La « loi Cressard » (loi 74-630 du 4-7-74, article 2, insérée à l’article L.761-2 alinéa 4 du Code du Travail) précise que : » toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure moyennant rémunération le concours d’un journaliste professionnel… est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».
La « loi Cressard » présume donc que le contrat de travail existe. Mais cette présomption existe seulement dans le cas d’un journaliste professionnel.
L’article L.761-2 du Code du Travail en donne la définition, la seule définition légale : « celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources ».
On peut prouver que l’on est journaliste sans pour autant avoir une carte de presse.
La carte de presse n’est pas obligatoire. Elle n’est qu’un moyen parmi d’autres de prouver votre qualité de journaliste. Elle permet, dit la loi, « de se prévaloir de la qualité de journaliste soit à l’occasion de l’établissement d’un passeport ou de tout autre acte administratif, soit en vue de bénéficier des dispositions prises en faveur des représentants de la presse par les autorités administratives ». Mais, ajoute la jurisprudence constante de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat, elle n’a aucune incidence sur les relations entre le journaliste et son employeur.
Sachez donc que, si tel ou tel journal exige la possession de la carte de presse pour vous faire bénéficier du statut de salarié et des avantages de la convention collective des journalistes, vous pouvez protester. Si on obtient un contrat de plus de trois mois, l’employeur est tenu de demander la carte de presse pour le journaliste. (S’il ne l’a pas, cf article 6 de la CCN : Cliquez ici).
Mais, bien entendu, si vous n’avez pas la carte de presse, il se peut que l’employeur vous demande de prouver par d’autres moyens votre qualité de journaliste professionnel (par exemple en produisant votre déclaration de revenus prouvant que le journalisme est bien votre « activité principale, régulière et rétribuée »).
De toute façon, si vous travaillez régulièrement pour un journal, il devra respecter pour vous l’obligation de « ne pas employer plus de trois mois des journalistes professionnels qui ne seraient pas titulaires de la carte professionnelle ou pour laquelle cette carte n’aurait pas été demandée ».
Il est de votre intérêt d’exiger cette carte.
Carte de presse en cas de problème
La carte de presse n’est pas la condition pour se voir appliquer les droits des journalistes. On peut prouver d’une autre manière qu’on est journaliste. Cependant la carte de presse reste le moyen le plus simple. Elle est très utile pour exercer la profession (conférences de presse, manifestation, établissement d’un passeport, etc…). La convention collective indique que tout journaliste doit faire sa demande après trois mois d’exercice de la profession Il faut pour cela remplir un dossier – que vous pouvez vous procurer au siège de la Commission de la Carte (221, rue de Lafayette, 75010 Paris. Tél : (1) 40 34 17 17) ou encore au siège du Syndicat CFDT. A l’appui de leur demande, les pigistes doivent fournir la justification de leur activité de journalistes pendant trois mois.
• Pour retrouver l’intégralité de la loi Cressard sur Légifrance : cliquez ici.
Source : http://www.journalistes-cfdt.fr/loi-cressard
« Le journalisme, c’est publier quelque chose que quelqu’un ne veut pas voir publié. Tout le reste relève des relations publiques » George ORWELL
* Depuis Orwell, on a remplacé le mot propagande par « relations publiques »…
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