Violences policières, “Les Yeux perdus de Bourbon”

Ils sont trois, Cédric, Jacky et Ritchie. Trois hommes qui ne se connaissaient pas avant d’être reliés par un sinistre point commun : ils ont perdu un oeil fin novembre 2018 suite aux affrontements entre gilets jaunes et forces de l’ordre. En métropole, les médias n’ont pas ou très peu parlé de ces mutilés. Ils sont passés totalement inaperçus.

JACKY SINÉDIA : UNE PLAINTE CLASSÉE SANS SUITE

Âgé de 58 ans, Jacky Sinédia ne se souvient pas du coup qui l’a mutilé à vie. Ce dont il est sûr, en revanche, c’est qu’il n’était pas allé manifester ce 27 novembre, jour où le quartier de Bel-Air à Saint-Louis s’est muté en zone de guérilla.

Il affirme avoir bricolé toute la journée chez un ami. À son retour chez lui, dans sa petite case derrière la gare routière, son épouse l’informe que le domicile de leur fille est la proie des gaz lacrymogènes. N’écoutant que son instinct de père et grand-père, il s’élance alors vers le théâtre des opérations.

« C’était comme la guerre là-bas, l’hélicoptère lançait des grenades sur le quartier. La pluie tombait fort. On ne voyait pas à cent mètres. J’ai gagné le coup quand je suis passé sur le terrain derrière la gare. J’ai perdu connaissance. Des gens m’ont tiré sur 200 mètres pour me mettre à l’abri. Quand je me suis réveillé j’avais le visage en sang et une douleur insupportable ».

Conduit aux urgences de Saint-Pierre par les pompiers, Jacky Sinédia est pris en charge à 19 h 29. Il sera opéré le lendemain pendant une heure et demie. Le compte-rendu est sans appel : les fractures sont multiples, l’œil est perdu. L’origine du « tir de flash-ball » est inscrite à deux reprises.

La plainte qu’il a déposée pour obtenir réparation de sa mutilation définitive a été classée sans suite le 21 janvier dernier au motif « d’auteur inconnu ». Le procureur lui a indiqué que « l’enquête n’a pas pu déterminer si le projectile provenait des forces de l’ordre ou des manifestants ».

“Les Yeux perdus de Bourbon” : un documentaire sur les éborgnés réunionnais

Le cinéaste NiKO qui parlent d’eux, en vue d’en faire un documentaire. Son projet : suivre le quotidien et la reconstruction de ces trois hommes. (Photo rb/www.ipreunion.com)

NiKO n’est pas réunionnais mais il compte bien mettre La Réunion au coeur de son prochain documentaire. Sa famille vivant ici depuis 10 ans, le cinéaste a eu l’occasion de venir à de nombreuses reprises sur l’île. “Les violences policières font partie des thèmes qui me tiennent particulièrement à coeur. Quand j’ai vu ce qu’il s’était passé avec ces trois hommes, j’ai eu envie d’en faire un sujet”.

 le Jeudi 11 avril 2019

Jacky Sinédia, 58 ans, a été blessé à Saint-Louis (sud de l’île de la Réunion) le 27 novembre 2018. L’AFP a pu le joindre téléphoniquement le 14 mars 2019. Ses propos ont été traduits depuis le créole.

Pourquoi était-il sur place ?

Selon Jacky Sinédia, rencontré par l’AFP, les faits se sont produits à Saint-Louis (une commune de sud de La Réunion) vers 18 heures le 27 novembre. Il affirme qu’il ne soutenait pas le mouvement des gilets jaunes, “je n’avais rien à voir avec tout ça” dit-il. Il y avait des affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants. Il y avait beaucoup de bruit, on entendait les explosions des grenades lacrymogènes et des grenades assourdissantes, les gens criaient et couraient partout. On aurai cru que c’était la guerre, je n’avais jamais vu ça se souvient-il.

Que s’est-il passé ?

Je ne participais pas du tout à la manifestation . J’ai voulu aller voir l’une des mes deux filles qui s’était enfermée avec son fils dans la maison de sa grand-mère un peu plus loin dans le quartier. J’avais peur pour ma fille et mon petit-fils raconte-t-il. J’étais à peine dans la rue que j’ai reçu un projectile en plein dans mon oeil gauche, j’ai cru que j’allais mourir et puis il y a eu un trou noir, poursuit-il.

Je pense que j’ai reçu une balle de LDB”, souligne-t-ilIl indique qu’une chirurgie réparatrice va être faite sur son visage mais que son oeil “est définitivement perdu”.

Quelle est votre vie maintenant ?

Depuis les faits, Jacky Sinédia, agent d’entretien, est en congé maladie. “Tous les soirs, j’entends encore les cris des gens et les bruits des explosions“. Il ajoute : Je veux que cette affaire aille jusqu’au bout, je ne suis pas un animal sur qui on tire et qu’on enterre dans un coin. Je n’ai rien fait de mal, je n’ai agressé personne, je veux réparation pour avoir l’esprit en paix, être clair dans ma tête

Retrouvez le dossier sur les manifestants, passants, lycéens grièvement blessés à l’oeil depuis novembre.

EDIT 11/04 : Jacky Sinédia a bien porté plainte, article rectifié.

Tandis que Christophe Castaner a annoncé le jeudi 14 mars que 174 enquêtes sont en cours concernant l’usage du lanceur de balle de défense (LBD) pendant les manifestations de Gilets jaunes, plusieurs affaires font moins de bruit et elles se passent chez nous, à La Réunion. Trois hommes affirment avoir perdu un oeil suite à des tirs de LBD en marge de manifestation du mouvement contestataire. Cédric Posé, Ritchie Alexis et Jacky Sinédia, deux trentenaires et un quinquagénaire au destin brisé qui, quatre mois après les faits, cherchent encore des réponses… 

Ils disent avoir perdu un oeil à cause d’un tir de lanceur de balle de défense Voir article complet


Cédric Posé, Gilet jaune éborgné- 16 mars 2019

dav

Cela fait quatre ans que nous recensons les mutilations graves par des armes de police.

Nous avons pu contacter ou rencontrer un certain nombre de blessés, d’autres non.

Certain-es sont aujourd’hui devenu-es des amis.

D’autres sont devenu-es subitement des combattant-es, à qui la blessure a donné la rage.

Nous exprimons notre soutien envers tou-tes, et notre solidarité particulière envers ceux et celles avec qui nous partageons nos idées, notre vision du monde et notre combat contre les violences d’État.

Les armes incriminées : le FLASH BALL, le LBD 40 et les GRENADES DE DESENCERCLEMENT (DMP)

Notre objectif principal est de désarmer l’État, et nous nous y employons quotidiennement. Mais il nous manque la force du collectif, alors nous appelons tou-tes les mutilé-es à prendre contact avec nous pour envisager la suite :

desarmons-les@riseup.net

GILET JAUNE : VOILA LE DRAPEAU DE LA RÉSISTANCE A LA RÉUNION

26 nov. 2018

En séance à l’Assemblée Nationale, lors de la deuxième lecture du PLFSS 2019, Jean-Hugues RATENON a décidé de porter la voix de La Réunion qui souffre et apporter son soutien aux #GiletsJaunes.