Armes chimiques en Syrie : Corruption et manipulation…

Attaque chimique en Syrie : WikiLeaks remet en cause un rapport.

(La Haye) Le directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), Fernando Arias, a défendu lundi 23 novembre 2019 un rapport de ses enquêteurs sur une attaque aux armes chimiques présumée en Syrie, malgré la divulgation de documents qui jettent le doute sur ses conclusions.

Selon WikiLeaks, un enquêteur dont l’identité n’a pas été rendue publique a exprimé dans un courriel ses «préoccupations des plus graves», affirmant que le rapport de l’OIAC «dénature les faits» et reflète un «parti pris non intentionnel».

… l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) a fabriqué un prétexte pour la guerre en éliminant ses propres recherches scientifiques.

Des fuites de l’OIAC indiquent que sa direction a ignoré, ou manipulé, les informations que sa mission d’inspection des faits avait fournies sur l’incident de la Douma survenu en avril 2018 en Syrie.

1 décembre 2019/Réseau International

L’histoire de l’incident de la Douma et de l’OIAC ainsi que la manipulation des médias qui l’entoure sont disponibles auprès du Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias sous le titre : « Comment l’enquête de l’OIAC sur l’incident de Douma a été trafiquée ».

La direction de l’OIAC a ignoré le fait que les analyses techniques, chimiques et médicales de ses propres spécialistes ont innocenté le gouvernement syrien de l’allégation selon laquelle il aurait empoisonné une quarantaine de personnes à Douma en larguant des bidons de chlore par hélicoptère.

Le personnel scientifique de l’OIAC a constaté que le fait de laisser tomber les bidons n’aurait pas pu causer les dommages constatés. Ces bidons doivent avoir été placés à la main. La quantité de produits chimiques organiques chlorés trouvés sur les deux scènes était très faible et il est très peu probable qu’ils résultent d’une réaction avec le chlore gazeux. Les symptômes médicaux des victimes, comme le montrent diverses vidéos au moment des faits, étaient incompatibles avec le décès par inhalation de chlore.

La direction de l’OIAC a déformé les rapports, intermédiaire et final, de l’incident afin de donner l’impression que le gouvernement syrien était coupable d’avoir largué des bidons de chlore. L’analyse technique interne détaillée a été ignorée. Elle a été remplacée par une analyse externe provenant de sources inconnues qui ont affirmé le contraire de ce que les ingénieurs et les chimistes de l’OIAC ont découvert. Le libellé du rapport suggère que des concentrations élevées de produits chimiques organiques chlorés ont été détectées sans donner les très faibles concentrations – en parties de milliards – qui ont été réellement trouvées. L’analyse médicale interne a été éliminée du rapport officiel.

Des courriers électroniques et des documents de l’OIAC ont été divulgués et des lanceurs d’alerte se sont présentés pour parler à des journalistes et à des avocats internationaux. Le journaliste vétéran Jonathan Steele, qui a parlé aux lanceurs d’alerte, a écrit un excellent article sur ces questions. Peter Hitchens, chroniqueur du journal Mail on Sunday, a relevé le problème et en a parlé  sous l’en tête « Un nouveau dossier trafiqué : un courrier électronique explosif a fuité, il affirme que le rapport de l’organisme de contrôle de l’ONU faisant état d’une attaque au gaz toxique par Assad avait été falsifié – était-ce pour justifier les tirs de missiles britanniques et américains sur la Syrie ? »

Les « journalistes citoyens » de l’organisme de propagande financé par le gouvernement américain Bellingcat,tentèrent de manière risible de réfuter les affirmations du lanceur d’alerte. Caitlin Johnstone les a mis en pièces.

Hitchens a également réagi à l’escroquerie de « Bellingcat Bellingcat ou Chien de garde de l’establishment ? »

Citant Bellingcat, Peter Hitchens (PH) écrit :

« Bellingcat: Cependant, une comparaison des points soulevés dans la lettre par rapport au rapport final sur Douma montre clairement que l’OIAC a non seulement traité ces points, mais a même modifié la conclusion d’un rapport précédent afin de refléter les préoccupations dudit employé.

PH : Mis à part les mots « une » et « la », tout le contenu du paragraphe ci-dessus est, pour le dire poliment, erroné. Les Bellingcat ont été si impatients de ridiculiser la fuite de l’OIAC qu’ils se sont précipités – comme beaucoup l’ont fait lorsque l’attaque a été rendue publique – pour juger sans attendre les faits. Les lanceurs d’alerte de l’OIAC en savent plus long que ce qui a été publié, mais les procédures de vérification ont ralenti sa publication. J’espère que d’autres documents seront bientôt révélés.

L’un, que j’ai vu, est très intéressant. C’est un mémorandum de protestation, rédigé plusieurs mois après le courriel de protestation publié ce week-end. Celui-ci a été envoyé au Directeur général de l’OIAC, Fernando Arias – il y a un doute sur le fait que cela lui soit jamais parvenu – par un enquêteur de l’OIAC, l’un de ceux qui se sont rendus à Douma, le 14 mars 2019. Il m’a été communiqué par des sources fiables jusqu’à présent. Cela fait presque deux semaines après la publication du rapport « final » du vendredi 1er mars 2019 censé avoir dissipé les doutes des dissidents ».

Dans sa discussion sur le problème, Hitchens mentionne également notre blog :

« La revendication suivante dans le rapport de l’OIAC : « Divers produits chimiques organiques chlorés ont été trouvés dans des échantillons des emplacements 2 et 4, ainsi que des résidus d’explosif. Ces résultats figurent à l’Annexe 3. Les travaux de l’équipe visant à établir l’importance de ces résultats sont en cours », a donné lieu à des reportages remarquables dans les médias. Ceux-ci sont présentés ici.

Bellingcat et ses partisans n’apprécient peut-être pas la source, et je ne l’aime pas beaucoup moi-même, mais c’est un enregistrement unique, autant que je sache, de la réponse initiale des médias à la question du rapport du 6 juillet. J’ai fait vérifier ces affirmations auprès de Reuters et de la BBC et ils ne contestent pas ce qui est dit, bien qu’ils aient ensuite corrigé le résultat».

C’est triste, Peter, que tu n’aimes pas trop ce blog mais j’ai peur de ne rien pouvoir faire pour toi.

Il y a quelques heures, Hitchens a publié un autre article « En défense du journalisme – les « journalistes citoyens » n’en sont pas. Il s’en prend de nouveau à Bellingcat et à d’autres « journalistes citoyens » et « chercheurs » pour révéler que lui-même avait maintenant parlé à un lanceur d’alerte de l’OIAC :

« Heureusement pour moi [le lanceur d’alerte], j’ai le soutien de personnes qui savent, au fond d’elles-mêmes, que le journalisme doit prendre des risques pour être bon. Quelqu’un a dû me dire « d’accord » quand je suis parti à la dernière minute il y a quelques jours, pour aller dans une maison sûre quelque part dans une grande ville du continent européen.

Quelqu’un a dû débourser mes billets de train et d’hôtels pas chers. Quelqu’un a dû avoir le courage de me laisser raconter mon histoire à propos de ce que j’ai découvert quand je suis arrivé là-bas – comme un honnête homme tourmenté.

Son travail consistait à dire la vérité et il était empêché de le faire. Alors je pouvais l’aider. En quatre décennies de journalisme, je me suis rarement senti plus proche du Saint Graal, de la vérité à raconter et de la vérité qui ferait trembler le pouvoir. C’était donc ça. Un prétexte pour la guerre avait été fabriqué par la suppression de l’enquête ».

Le « prétexte pour la guerre » ne peut pas faire référence à la frappe de missile F-UK-US lancée le 16 avril 2018, huit jours après l’incident de Douma et avant que des inspecteurs de l’OIAC ne se soient rendus sur le site.

Hitchens doit faire référence à une guerre imminente censée être basée sur le rapport désormais disgracié de l’OIAC.


Le siège social de l’OIAC, à La Haye.

Il y a en effet un chemin possible vers la guerre.

L’accord initial concernant les enquêtes de l’OIAC en Syrie stipulait que celle-ci rendrait compte des résultats de ses enquêtes dans le cadre d’un mécanisme d’enquête conjointe (JIM) des Nations Unies, suite auquel le Conseil de sécurité imputerait la culpabilité à l’une ou l’autre des parties au conflit. Les États-Unis ont tenté d’utiliser le processus JIM pour imputer au gouvernement syrien des incidents chimiques douteux en Syrie. La Russie a mis son veto à ces tentatives. Les États-Unis ont alors décidé de contourner le processus des Nations Unies.

En 2018, les États-Unis et leurs mandataires ont manipulé le statut de l’OIAC et lui ont ajouté la tâche consistant à identifier le coupable d’incidents chimiques et le mettre à l’ordre du jour de l’OIAC :

« [La décision] appelle également le secrétariat [de l’OIAC] à prendre des dispositions «pour identifier les auteurs de l’utilisation d’armes chimiques en République arabe syrienne en identifiant et en rendant compte de toutes les informations potentiellement pertinentes pour l’origine de ces armes chimiques,  dans les cas où la mission d’établissement des faits de l’OIAC détermine, ou a déterminé, qu’un ou plusieurs usages ont eu lieu, et les cas pour lesquels le mécanisme d’enquête conjoint OIAC / ONU n’a pas établi de rapport».

La décision affirmait en outre que, chaque fois que des armes chimiques étaient utilisées sur le territoire d’un État partie, il fallait identifier « les auteurs, les organisateurs, les sponsors ou les autres personnes impliquées » et soulignait « la valeur ajoutée du Secrétariat menant une enquête indépendante sur une prétendue utilisation d’armes chimiques en vue de faciliter l’attribution universelle de toutes les attaques par des armes chimiques ».

Le rapport manipulé de l’OIAC, qui omettait les conclusions de ses propres scientifiques, constituera désormais le document de base que le nouveau groupe de l’OIAC, l’Équipe d’enquête et d’identification, utilisera pour déclarer le gouvernement syrien coupable. Ce verdict de culpabilité peut ensuite être utilisé pour justifier publiquement une guerre contre la Syrie sans autre intervention du Conseil de sécurité des Nations Unies.


La ville de Douma a été la cible d’attaques le 16 avril 2018.

C’est ce que veut dire Hitchens lorsqu’il écrit qu ‘« un prétexte pour la guerre avait été fabriqué par la suppression de l’enquête ».

La Russie, la Chine et plusieurs autres gouvernements ont protesté contre le changement de statut de l’OIAC. La déclaration russe à la conférence de cette année sur la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CWC) dit :

« La décision d’attribuer au secrétariat technique de l’OIAC des fonctions d’identification des parties responsables de l’utilisation d’armes chimiques, adoptée en juin 2018 lors de la CSP-SS-4 en violation de la Convention, est illégitime. Cette innovation imposée à l’OIAC dépasse le cadre de la CWC et de l’Organisation. La décision elle-même a été adoptée en violation de la Convention et sa mise en œuvre n’est rien d’autre qu’une ingérence dans la compétence exclusive du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Comme résultat prévisible de cette décision discutable, des problèmes fondamentaux se sont posés, à savoir le manque de transparence et de responsabilité du mécanisme « d’attribution », aux organes directeurs de l’OIAC, de l’équipe d’enquête et d’identification. Les États parties doivent encore se renseigner sur le mandat de cette entité, ses conditions de fonctionnement, ses critères de sélection des « incidents » sur lesquels enquêter ou les sources et modalités de son financement ».

Les scientifiques de l’OIAC ont trouvé des preuves sérieuses que le gouvernement syrien ne peut pas être coupable de l’incident de Douma. Sous la pression des États-Unis, la direction de l’OIAC supprima les rapports techniques de ses scientifiques ou les remplaça par ceux d’experts externes pour donner l’impression que le gouvernement syrien était à l’origine de l’incident. Le nouveau groupe d’attribution de l’OIAC utilisera ce rapport manipulé pour déclarer la Syrie coupable de l’incident. Les États-Unis et d’autres pouvaient alors utiliser ce verdict de culpabilité comme prétexte pour déclencher une guerre.

Nous n’avons appris l’existence de ce plan que parce que des scientifiques et des ingénieurs courageux de l’OIAC ne veulent pas que leur organisation soit maltraitée pour trouver des prétextes pour mener des guerres contre des innocents. Ils se sont manifestés et ont dit au public ce qu’il devait savoir. Ils méritent notre gratitude.


source : OPCW Manufactured A Pretext For War By Suppressing Its Own Scientists’ Research

Traduit par jj, relu par Hervé pour le Saker Francophone

via https://lesakerfrancophone.fr/syrie-la-saga-des-armes-chimiques-corruption-et-manipulation

L’OIAC et les fausses attaques chimiques en Syrie : la Russie refuse de financer ces dérives. – 30 novembre 2019/ Réseau Internationalhttps://reseauinternational.net/loiac-et-les-fausses-attaques-chimiques-en-syrie-la-russie-refuse-de-financer-ces-derives/

Syrie : une nouvelle attaque chimique contre des civils – publié le 4 avril 2017 : https://www.franceinter.fr/monde/syrie-une-nouvelle-attaque-chimique-contre-des-civils

Les grandes puissances pourraient toutefois s’entendre sur une question importante au cours de cette réunion : celle de l’ajout potentiel de l’agent innervant Novitchok à la liste des substances interdites de l’OIAC. 

Le Novitchok, un agent neurotoxique de qualité militaire mis au point par l’Union soviétique pendant la Guerre froide, avait notamment été utilisé en mars 2018 lors de l’attaque à Salisbury contre l’ex-agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia. 


Un ex-agent double russe a été la victime d’une attaque au Novitchok en mars 2018, en Angleterre.


L’OIAC, qui a remporté le prix Nobel de la Paix en 2013, affirme avoir contribué à éliminer plus de 96% des stocks mondiaux déclarés d’armes chimiques depuis son entrée en vigueur en 1997.


L’ambassadeur des États-Unis auprès des Nations unies, Nikki Haley, présente des photos de victimes de l’attaque chimique syrienne lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, le 5 avril 2017, à New York, après le pire usage des armes chimiques en Syrie.