Le LBD classé arme de guerre

Le lanceur de balles de défense mis au point par la société bretonne Redcore a été classé comme arme de guerre !

LE 06/01/20

Plus précis mais interdit. Un fabricant de LBD en colère saisit le Conseil d’Etat

C’est un dossier épineux et il le sait. Fatigué de batailler, Gaël Guillerm a décidé de rendre public son combat contre l’administration. Cet ancien gendarme basé à Lorient a fondé la société Redcore, un bureau d’étude spécialisé dans la confection d’armes de défense. Depuis plusieurs années, la start-up morbihannaise travaille sur un modèle de lanceur de balles de défense (LBD) nouvelle génération.

Une arme notamment utilisée lors des manifestations et très décriée. « Le Flashball, tout le monde dit qu’il est dangereux. Il y a des personnes qui ont perdu un œil, d’autres qui ont été gravement blessées. Mais cette arme est toujours en action. Je ne comprends pas », dénonce Gaël Guillerm. « On fait avec ce qu’on a », témoignaient récemment des policiers sur le site de 20 Minutes.

S’il se permet ses critiques contre l’arme fabriquée par le leader français Verney-Carron, c’est que le patron de Redcore assure avoir développé un modèle plus précis que le Flashball actuellement utilisé par les policiers et gendarmes. « Nous avons adopté un canon rayé qui permet d’avoir un effet gyroscopique. La balle tourne sur elle-même et est plus précise », assure Gaël Guillerm. Le ministère de l’Intérieur ne l’a pas perçu ainsi et a classé l’arme de Redcore en catégorie A2 assimilée aux armes de guerre comme le lance-roquettes. De fait, la start-up bretonne ne peut proposer son Kann44 aux polices municipales, le marché qu’elle visait.

Des armes utilisées sans autorisation

Sûre de son droit, la société a porté son dossier jusque devant le Conseil d’État, qui doit statuer courant janvier sur la pertinence de ce classement. Mais Gaël Guillerm souhaite aller au-delà de son cas personnel et aimerait qu’un débat s’ouvre autour de la notion de létalité. « Aujourd’hui, les armes comme le LBD ou les grenades de désencerclement sont utilisées sans aucune existence légale. C’est comme si un laboratoire pharmaceutique vendait ses médicaments sans autorisation. Chacun fait ce qu’il veut ! Et après, ce sont les policiers ou les gendarmes qui se retrouvent au tribunal, tout ça parce que leur matériel est inadapté ». Une pétition a d’ailleurs été lancée avec un succès très modeste.

Pour aider les forces de l’ordre, le bureau d’études lorientais a également mis au point une « boîte noire » adaptable sur les lanceurs. Grâce à ce système, le tireur pourrait en temps réel savoir si son tir est autorisé ou non. Mais là aussi, la société est en conflit avec le ministère de l’Intérieur. « Il faut un débat et que tout le monde se conforme à la loi ». Le Conseil d’État devra statuer.

Le policier reconnaît un tir de LBD raté blessant un lycéen, le parquet le blanchit

3 JANVIER 2020 PAR PASCALE PASCARIELLO

«J’ai touché ce jeune involontairement et j’en suis vraiment désolé. » Cet aveu est celui de Laurent A., policier de la brigade anti-criminalité (BAC) et auteur du tir de lanceur de balles de défense (LBD) qui a fracturé la mâchoire d’Achraf lors des mouvements lycéens de décembre 2018. Lorsqu’il a été touché, le jeune homme explique « avoir craché du sang et des dents, car [il] ne voulai[t] pas les avaler » : « Je me suis relevé en allant vers les policiers en les suppliant d’arrêter, ils m’ont dit de dégager ». 

Le LBD 40, dangereux successeur du Flash-Ball

Le LBD est un terme générique, qui définit les armes non létales lançant des balles en caoutchouc, aussi appelées “gomme-cogne”. Les premières armes de ce type ont été inventées dans les années 1990. Leur usage a été étendu aux policiers de la BAC (Brigade anticriminalité) en 1995, puis en 2000 aux policiers de proximité, rappelle Franceinfo. 

Le plus connu de ces LBD demeure le Flash-Ball. Il est pourtant, depuis le début de l’année 2018 et de façon progressive, retiré de l’équipement des forces de l’ordre, policiers et gendarmes (certains policiers municipaux en sont toujours équipés), pour être remplacé par une autre arme, de fabrication suisse et non plus française, le LBD 40 (40 car le canon mesure 40 millimètres). Une source policière précisait dès 2016 à LCI que pour chaque LBD arrivé dans un service, un flash-ball est retiré de l’équipement”.  

Si elles font partie de la même famille des lanceurs de balles de défenses, le Flash-Ball et le LBD 40, arme jugée plus précise, présentent quelques différences : le second est un fusil qui se porte à l’épaule, car muni d’un viseur, et dispose d’une portée plus longue pour projeter ses balles semi-rigides de calibre 40 mm. 

“La tête n’est pas visée”, selon une note de l’Intérieur

L’usage de ces armes non létales, dites ”de force intermédiaire” (AFI), est encadré et nécessite une habilitation pour les policiers et gendarmes, qui doivent bénéficier de formations obligatoires et d’un certificat d’aptitude. 

Une note datant de 2014, signée par les directeurs de la police et de la gendarmerie indique que le LBD 40 “permet la neutralisation à distance d’un individu dangereux pour autrui ou lui-même”, par un tir avec “un fort pouvoir d’arrêt jusqu’à une distance maximale de 50 mètres, avec des risques lésionnels plus importants en deçà de 10 mètres.” Elle souligne aussi qu’il ne s’agit pas d'”une arme létale, dans le sens où il n’est ni conçu, ni destiné à tuer (mais) il n’en demeure pas moins une arme dont il convient de ne pas sous-estimer la dangerosité.” 

“Dans la mesure du possible, le tireur s’assure que les tiers éventuellement présents se trouvent hors d’atteinte, afin de limiter les risques de dommages collatéraux”, explique le texte, qui ajoute que cet usage de LBD 40 doit correspondre à “une réponse graduée et proportionnée à une situation de danger, lorsque l’emploi légitime de la force s’avère nécessaire pour dissuader ou neutraliser une personne violente et ou dangereuse.” 

Avec des injonctions qui ne semblent pas toujours respectées, au vu des récentes blessures au visage recensées : “Le tireur vise de façon privilégiée le torse ainsi que les membres supérieurs ou inférieurs. La tête n’est pas visée.”  

Autre obligation : “Après un tir, il convient de vérifier sans délai si la personne atteinte par un projectile et qui a été interpellée ne présente aucune lésion.” Cette dernière doit faire l’objet d’un examen médical et le tir doit faire l’objet d’un “compte rendu précis”, souligne aussi la note. 

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Le Défenseur des droits demande leur retrait

Avant même les prémices de la protestation des gilets jaunes, le défenseur des droits, Jacques Toubon, s’était insurgé contre l’utilisation de ces lanceurs lors de manifestations publiques. D’abord avec le Flash-Ball en 2015, au vu de la “gravité des lésions” qu’il peut causer puis, plus récemment, avec le LBD 40. 

Dans un rapport remis à l’Assemblée nationale en janvier 2018, il demandait même le retrait de la dotation des forces de sécurité de ce LBD 40, “dont les caractéristiques techniques et les conditions d’utilisation sont inadaptées à une utilisation dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre”. 

Plus récemment, le 14 décembre, des manifestants blessés ont également effectué une requête urgente auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) visant à faire interdire provisoirement l’utilisation des LBD en France. Une requête rejetée. 

La multiplication récente de ces blessures liées au LBD a par ailleurs poussé 200 personnalités à appeler l’exécutif, dans une tribune publiée le 6 décembre 2018 sur le site de Libération, à cesser “immédiatement” l’usage de ces armes envers les lycéens. Parmi ces signataires, des députés de gauche, des sociologues, historiens, écrivains et cinéastes.  

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