La « baise » du livret A

C’est un coup de rabot pour pour les 55 millions de Français qui détiennent un Livret A.
Le taux du placement préféré des Français va tomber au 1er février 2020 de 0,75 % à 0,5 %.
Le gouvernement incite à diversifier les placements.

« Les Français ne vont pas être contents, c’est une certitude », prévient le député LR Gilles Carrez, ex-président de la Commission des Finances. « Pour tous les gouvernements de droite comme de gauche, la révision du taux a toujours été très compliquée à assumer politiquement. C’est pour cette raison qu’un mécanisme de fixation automatique a été mis en place, avec un garde-fou à 0,5 %. »

Pourquoi cette décision ?

À en croire le ministre de l’Économie,  c’était la seule décision responsable . Bruno Le Maire se plie aux injonctions de la Banque de France, qui révise le taux du Livret A en fonction de la hausse des prix et du niveau des taux d’intérêt. Les prévisions d’inflation étant limitées (1,1 %), et les taux d’intérêt durablement faibles, voire négatif, il aurait été  incohérent  de maintenir un taux de rendement à 0,75 %, selon le ministre.

Cet ajustement constitue une nouvelle atteinte au pouvoir d’achat des citoyens les moins fortunés. Le livret A est en effet l’épargne de précaution des ménages, la tirelire que l’on garde pour faire face à une dépense prévue ou imprévue, l’achat d’une voiture, une réparation…
C’est l’argent mis de côté que l’on garde pour ses enfants, chacun pouvant détenir un livret, quel que soit son âge. 

« Le sujet est extrêmement sensible à l’Elysée, confiait il y a quelques semaines un poids lourd LREM de la commission des Finances de l’Assemblée. A l’approche des municipales, c’est un terrain miné, voire explosif ». Certains assurent même que le gouvernement aurait hésité à reporter la décision au printemps. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Du côté de la majorité, les élus sont en ordre de bataille pour évoquer en chœur une décision « courageuse » et « inévitable ».

Pour faire passer la pilule, les élus de la majorité ont d’autres éléments de langage : promis, l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages sera modéré, martèlent-ils. « Pour l’épargnant, la perte moyenne sera de l’ordre de 12 euros par an, coupe court un proche de Bruno Le Maire. C’est un montant bien inférieur aux gains des mesures en faveur du pouvoir d’achat. »

Pourquoi le gouvernement baisse la rémunération du livret A

Est-ce l’arrêt de mort du livret A ? Les ménages vont-ils brutalement basculer leur épargne, comme en rêve Emmanuel Macron, vers les PME françaises? Pas si sûr. « Je ne pense pas que le bas de laine du livret A se dégonflera, prédit Gilles Carrez. D’autant que la rémunération de l’assurance vie en fond euro s’effondre. » En effet, si la rémunération du livret A baisse au fil des ans… ce n’est pas le cas de sa cote de popularité. Les épargnants ont déposé plus de 14 milliards d’euros sur leurs livrets en 2019, un record!

Il n’existe pas vraiment de substitut !
La caractéristique du livret A est d’être un placement totalement sûr !

Qu’est-ce que le gouvernement a derrière la tête ?

Deux choses. Premièrement, freiner l’idylle entre les Français et leur cher Livret A. Autrement dit, il les exhorte à faire fructifier leur argent ailleurs, à diversifier leur épargne.

Pour cela, le gouvernement suggère tout un éventail de produits simplifiés, comme l’assurance vie Eurocroissance, le plan épargne retraite ou le plan épargne action. On se souvient des propos de Bruno Le Maire, qui voulait faire de l’entrée en Bourse de la Française des Jeux, le 7 novembre dernier,  une grande opération populaire . Le but est donc de réorienter l’épargne des Français vers les entreprises, pour soutenir l’investissement et le financement des politiques publiques.

Second objectif, booster la consommation. Plutôt que de laisser dormir leurs économies sur un Livret A, les Français sont priés de dépenser.

Livret A et logements sociaux ?

Le Livret A sert aussi à financer l’aménagement du territoire, notamment les programmes de logement social. Les crédits accordés aux bailleurs sociaux sont indexés sur le taux de ce livret. En l’abaissant à 0,5 %, le gouvernement leur donne donc un coup de pouce.  Cela permettra de construire 17 000 logements sociaux supplémentaires et d’en rénover 52 000 chaque année , assure Bruno le Maire. Il ajoute que cette décision permettra  la rénovation thermique, la transition écologique ou la rénovation des hôpitaux, des écoles et des crèches .

par Raphaël Bloch
Publié le 23 déc. 2019 

Comments are closed, but trackbacks and pingbacks are open.