Aide sociale à l’enfance, un échec collectif

Diffusé dimanche 19 janvier à 21 heures sur M6 dans Zone InterditeMineurs en danger : enquête sur les scandaleuses défaillances de l’aide à l’enfance révèle le terrible quotidien des enfants placés dans des foyers et des familles d’accueil. 314.000 enfants dépendent de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) en France, soit un sur cinquante.


Il y a tout juste un an, le magazine Pièces à conviction de France 3 dénonçait les dérives et le manque de moyens affectés à l’aide sociale à l’enfance (ASE). Une nouvelle enquête de M6 pointe à son tour de graves défaillances un peu partout en France.

Une nouvelle enquête immersive dévoile les défaillances de l’Aide sociale à l’enfance

Le documentaire fait grand bruit avant même sa diffusion. Ce dimanche, à 21 heures sur M6, le magazine Zone interdite propose une enquête, réalisée par le journaliste Jean-Charles Doria, sur le système plus que chancelant de la protection de l’enfance. «Bouleversant» selon les confrères de radio et télé, «ardu» et «déchirant» aux yeux des spectateurs présents lors de l’avant-première, mercredi, à l’Assemblée nationale : depuis quelques jours déjà, ce numéro intitulé «Mineurs en danger : enquête sur les scandaleuses défaillances de l’Aide sociale à l’enfance» fait l’effet d’une bombe.

Dans un hôtel pour se prostituer

Seine-Saint-Denis, Côte-d’Or, Vaucluse. Dans trois foyers différents, les images tournées par M6 dévoilent les mêmes séquences saisissantes de peine, de détresse et de violence. On y voit tous les maux ou presque. Des enfants placés désœuvrés et livrés à eux-mêmes, des ados tantôt en fugue, tantôt dans un hôtel pour se prostituer, des jeunes déscolarisés, imbriqués dans des rapports conflictuels, voire brutaux avec les éducateurs des établissements, généralement non qualifiés pour le poste… Le constat est implacable : ces établissements, sous-dotés financièrement et humainement, maltraitent à leur manière par l’absence de professionnalisme. 

– LiBé le 19 janvier 2020 – ARTICLE COMPLET

Des enfants avec la femme d’Emmanuel Macron, Brigitte Macron, et Adrien Taquet (Protection de l’enfance) dans un centre culturel et social à Paris le 20 novembre.
Photo Christophe Aarchambault. AFP

Ancienne enfant placée, la députée Perrine Goulet alerte sur les graves défaillances de l’Aide sociale à l’enfance, qu’elle appelle à reformer.

Son combat pour les enfants placés, elle ne le voit pas comme une revanche. « Je suis très en paix avec ce qui m’est arrivé […], je constate juste que cette politique dysfonctionne. » Députée LREM de la Nièvre, Perrine Goulet a elle-même vécu en foyer de ses neuf ans à sa majorité. Aujourd’hui élue, et après avoir un temps hésité à évoquer son histoire personnelle, elle entend se battre pour mettre un terme aux graves défaillances de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

« C’est un échec collectif », réagit Perrine Goulet, députée LREM, issue de l’ASE

« Heureusement tout ne se passe pas comme ce qu’on a pu voir. Mais il y a en effet toute une partie que j’ai reconnue. Et le plus blessant, c’est que cela fait plus de vingt ans que j’ai quitté l’ASE, et les choses n’ont pas beaucoup changé ». Elle salue un documentaire « difficile mais nécessaire » qui met en lumière « les énormes difficultés » de certains départements, et de certains éducateurs. 

« C’est intéressant car nous pouvons voir les difficultés des éducateurs qui n’ont pas les moyens, qui ne sont pas assez nombreux ou avec des collègues peu qualifiés. On voit aussi à quel point les enfants sont difficiles. On ne peut pas continuer comme ça », ajoute-t-elle. Dans le reportage, une des journalistes réussit à se faire recruter sans vérification du casier judiciaire, ni formation adéquate. « Ce n’est pas du tout acceptable », juge la députée. « C’est très déroutant, à l’heure des violences sexistes et sexuelles sur les enfants, qu’on ne vérifie pas systématiquement les casiers judiciaires des personnes qui vont intervenir. »

Un état des lieux dans trois mois

Le secrétaire d’Etat chargé de la Protection à l’enfance, Adrien Taquet, a réagi dans un communiqué. Il a demandé aux préfets dans les trois mois un état des lieux de la manière dont les établissements sont gérés. En effet, chaque département est autonome dans cette compétence de prise en charge des enfants placés. « Je veux également m’assurer que chaque département dispose bien d’un plan annuel de contrôle des foyers. En cas de défaillance, l’Etat élaborera ses propres contrôles, complémentaires. Ils seront menés par les préfets et l’Inspection générale des affaires sociales », ajoute-t-il.

« C’est une réaction post-reportage », admet Perrine Goulet. « Avant, l’Etat ne voulait pas s’immiscer, là le ministre rentre en contrôle et c’est une grande première. » La députée annonce également le vote lors du dernier budget d’une somme de 80 millions à destination de 30 départements, pour déployer certains nombres de nouvelles structures ou un accompagnement plus appuyé ». « C’est un premier pas, il faut que ce soit généralisé », ajoute-t-elle. 

Une loi avant la fin de l’année

L’année dernière, un reportage de l’émission Pièce à convictions sur France 3 avait déjà pointé du doigt les conditions d’accueil terribles de certains enfants placés. « En un an, certaines choses ont évolué », rassure Perrine Goulet. « Les députés ont mené une mission d’information. Cela nous a permis, avec 23 députés de toutes couleurs politiques, de faire des propositions au ministre avec lequel nous discutons actuellement. » En parallèle, des commissions ont également émis des propositions.

« Il est urgent qu’avant la fin de l’année, nous ayons un texte législatif pour remettre de l’Etat dans cette politique, pour faire évoluer la situation de ces enfants et créer des conditions de réussite. » En effet, selon le dernier rapport del a Fondation Abbé Pierre, un quart des jeunes de moins de 25 ans actuellement à la rue sont des anciens enfants placés. « C’est un échec collectif », conclut la députée. 

VOIR : « Zone interdite » : comment la France a abandonné ses enfants placés 

https://www.6play.fr/zone-interdite-p_845/mineurs-en-danger-enquete-sur-les-scandaleuses-defaillances-de-l-aide-sociale-a-l-enfance-c_12571893

La justice saisie après un ‘Zone interdite’ sur l’Aide sociale à l’enfance

20/01/2020 – /www.huffingtonpost.fr/

USTICE – Le président du département de la Côte-d’Or, François Sauvadet, a annoncé ce lundi 20 janvier avoir saisi la justice après la diffusion sur M6 d’un documentaire dénonçant les défaillances de l’aide sociale à l’enfance, dont une partie a été tournée à Dijon.

“Compte tenu des images et des propos diffusés dans le reportage (…), j’ai déposé plainte auprès du procureur de la République de Dijon pour faits de prostitution et présence de stupéfiants”, indique François Sauvadet dans un communiqué.

Le président du conseil départemental, dont les services sont chargés de l’accueil des mineurs, précise avoir saisi le parquet une première fois le 10 janvier, après avoir “eu connaissance partielle du contenu du reportage”, afin qu’il enquête “sur la réalité des faits qui pourraient constituer une infraction pénale”.

Éducateurs non formés, jeunes livrés à eux-mêmes

Le documentaire réalisé pour l’émission “Zone interdite” a été diffusé dimanche soir sur M6. Il montre des éducateurs non formés, des jeunes livrés à eux-mêmes, des pré-adolescentes qui se prostituent ou fuguent sans que personne ne les recherche.

Le parquet de Dijon était en mesure de confirmer, lundi, le premier signalement du département. “On est en train de faire des vérifications pour récupérer les éléments utiles à une éventuelle enquête”, a déclaré à l’AFP le procureur Éric Mathais.

François Sauvadet ajoute dans son communiqué avoir été interviewé le 1er octobre par le réalisateur du documentaire, précisant avoir “immédiatement répondu favorablement à sa demande” tout en s’interrogeant “sur la méthode employée”. “Mes services n’ont reçu aucune demande de reportage de la part de M6 dans un établissement accueillant des enfants placés. Si tel avait été le cas, j’aurais bien évidemment donné mon accord”, affirme l’élu.

“Il est évident que les règles de signalement des incidents graves, exigées par le Département, n’ont pas été respectées par l’établissement” mis en cause, estime Sauvadet.

Depuis son interview, plusieurs missions d’inspection ont permis de constater “certaines améliorations” et “seront poursuivies de façon aléatoire et inopinée dans tous les établissements de la Côte-d’Or”, indique-t-il. “Il ne faudrait donc pas qu’une situation, aussi grave soit-elle, jette l’opprobre sur tous les établissements et services qui accueillent, dans leur très grande majorité, dignement les enfants qui nous sont confiés”, plaide-t-il.

La Seine-Saint-Denis réagit

Désœuvrement d’adolescents déscolarisés et livrés à eux-mêmes dans des locaux vétustes en Seine-Saint-Denis, violences commises par des éducateurs dans un foyer en Savoie, agressions sexuelles commises par un jeune garçon sur les autres pensionnaires dans la Somme, le reportage dépeint de nombreux manquements. 

Le documentaire évoque un foyer du Bas-Rhin où le taux d’encadrement est plus important et où les éducateurs parviennent à tisser un lien plus personnel avec les enfants.

Lors d’une rencontre avec la presse, le président (LR) du conseil départemental du Bas-Rhin, Frédéric Bierry, a appelé à ne pas stigmatiser les départements: ce secteur “complètement démuni (…) n’arrive pas à trouver d’éducateurs spécialisés”, et l’aide financière du gouvernement n’est qu’une “goutte d’eau” par rapport aux besoins.

Un documentaire qui a également fait réagir les élus du département de la Seine-Saint-Denis. S’il reconnaît “certaines pratiques incompatibles avec l’exemplarité”, un communiqué dénonce le procédé de caméra cachée utilisé par le réalisateur du documentaire. “Il convient par ailleurs de rappeler que le Département n’a pas attendu un reportage à charge pour agir, conscient des enjeux et des difficultés que rencontre ce secteur”, cingle-t-il.

Jugeant les images et les témoignages “bouleversants”, l’Association des départements de France (ADF) a déploré “les méthodes de réalisation employées (caméra cachée notamment)”, s’inscrivant en faux sur “la prétendue omerta des départements”.

Il y “urgence à la transparence”, a réagi le Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux, invitant à “ouvrir les portes des établissements pour que de tels actes soient mis en évidence” et “pour donner à voir” ce que les professionnels “apportent au quotidien”.

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