Lettre ouverte à Edouard Philippe

Lettre ouverte, à Edouard Philippe, Premier ministre français, de 17 organisations non gouvernementales au sujet du cargo saoudien Bahri Yanbu.

Le « Bahri Yanbu », un cargo saoudien, est annoncé par son armateur en escale à Cherbourg le 6 février. Sa compagnie a l’exclusivité des transferts d’armes pour l’armée saoudienne. Mercredi matin, des militants de plusieurs organisations ont manifesté sur le port. 

Car les cargos de la compagnie Bahri ont déjà suscité plusieurs contreverses. A Anvers, au Havre ou encore à Marseille, leurs passages dans les ports ont été plusieurs fois dénoncés par différentes ONG qui suspectent des chargements d’armes ou de munitions à destinations de Ryad. 

Ainsi, en mai 2019, le cargo saoudien Bahri Yanbu, attendu depuis plusieurs jours au Havre où il devait procéder à un chargement d’armes, ne fera finalement pas escale dans le port français. 

La polémique avait grandi sur la destination des armes ( des canons Caesar construits à Roanne ( Loire), information démentie par l’armateur) qu’il devait embarquer à destination de Jeddah en Arabie Saoudite : plusieurs associations affirmaient qu’elles pourraient être utilisées « contre des civils » au Yémen. Emmanuel Macron avait déclaré « assumer » la vente d’armes françaises à l’Arabie saoudite, et assuré avoir la « garantie » qu’elles « n’étaient pas utilisées contre des civils » au Yémen (AFP). 

Le média indépendant en ligne Disclose a fourni un important travail de renseignement sur ce dossier. Il affirme que » pas moins de 105 canons Caesar doivent être expédiés vers le royaume saoudien d’ici à 2023. Preuve que des livraisons sont bien en cours ». 

Après l’épisode havrais, à Marseille-Fos, la venue d’un cargo saoudien de la même compagnie, le Bahri Tabuk , a provoqué une nouvelle polémique pour les mêmes motifs en mai 2019. 

Le Bahri Yunbu attendu Quai des Mielles à Cherbourg? 

” Nous ne sommes pas du tout au courant de la venue d’un cargo à Cherbourg en février pour l’instant, aucune agence maritime ne nous a contacté en ce sens « indiquait il y a quelques jours la capitainerie de Cherbourg. Contacté ce mardi 4 février, le discours de la capitainerie a évolué: » Nous attendons effectivement le bateau mais nous avons interdiction de parler aux médias, c’est un ordre de la préfecture de la Manche “. 

Côté préfecture maritime, on affirme que ce bateau ne sera pas accueilli dans le port militaire. Selon nos informations, le Bahri Yanbu devrait être accueilli Quai des Mieilles sur la Zone d’Accès Restreint appartenant à Ports de Normandie. » Pas de commentaire » nous répond le service de communication de Ports de Normandie.

M. Edouard Philippe
Premier Ministre
Hôtel de Matignon
57 rue de Varenne 75007 Paris

Monsieur le Premier ministre,

Le cargo saoudien Bahri Yanbu doit arriver jeudi 6 février à Cherbourg, dans le cadre d’une tournée européenne au cours de laquelle il doit également faire escale à Sheerness (Royaume-Uni) et Gênes (Italie), avant de repartir en Egypte et en Arabie saoudite, selon l’armateur.

Le Bahri Yanbu étant connu pour transporter des armes pour le compte exclusif du ministère de la Défense saoudien, engagé dans une intervention armée entachée d’allégations de crimes de guerre au Yémen, nous, représentant·e·s de 17 organisations humanitaires et de défense des droits humains, vous exprimons nos plus vives inquiétudes quant au passage de ce cargo en France.  

Nous vous demandons instamment de nous informer sur la nature du matériel devant être chargé sur le Bahri Yanbu à Cherbourg et, dans l’hypothèse où il s’agirait d’armements, de nous indiquer les garanties dont dispose la France que ces derniers ne seront pas utilisés de manière illégale contre des populations civiles yéménites.

Conformément au Traité sur le commerce des armes qu’elle a ratifié, la France, est tenue d’interdire les exportations d’armements dès lors qu’il existe un risque manifeste que ces derniers servent à commettre des crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire. Or, malgré les violations systématiques de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis au Yémen et le risque que des équipements français y contribuent, la France poursuit ses transferts d’armes à ces deux pays. Qu’il s’agisse d’attaques aériennes contre des cibles civiles (hôpitaux, écoles, bus scolaires, mariages, funérailles, etc.), ou du blocus aérien et maritime qui asphyxient les populations civiles, ces violations – et celles commises par l’ensemble des parties au conflit – ont été largement documentées par l’ONU et par nos organisations.

La France ne cesse de clamer son attachement au droit international humanitaire et au multilatéralisme, encore réaffirmés le mois dernier par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Mais en poursuivant ses transferts d’armes à des forces systématiquement abusives, le gouvernement français contredit ses propres engagements et viole ses obligations internationales, comme l’ont pointé les experts de l’ONU dans leur rapport « Yémen. Échec collectif, responsabilité collective », publié le 3 septembre dernier.

En mai dernier, le Bahri Yanbu était déjà venu charger des armes dans toute l’Europe. Face à la mobilisation de la société civile et des syndicats, il avait dû renoncer à faire escale au port du Havre.

Le secret qui entoure son arrivée à Cherbourg, prévue demain, illustre une nouvelle fois l’opacité entourant les exportations d’armes en France.

Depuis 2016, 12 pays européens, dont l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et le Royaume-Uni, ont annoncé des mesures visant à suspendre ou à limiter les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis en raison des graves violations de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les EAU au Yémen.  Pas la France, qui se contente d’assurer que le mécanisme gouvernemental d’autorisation des transferts d’armement a été renforcé, sans pour autant indiquer en quoi consiste le renforcement des contrôles ni en quoi il permet de garantir que les armes françaises ne sont pas utilisées pour commettre des violations contre les civils au Yémen.

7 Français sur 10 souhaitent que la France suspende ses ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis pour leur rôle dans la guerre au Yémen, selon un sondage YouGov réalisé en mars 2019. Et plus de 250 000 personnes ont signé des pétitions demandant la fin des ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, que certaines de nos organisations ont remises à l’Elysée en novembre dernier.

Dans ce contexte :

  • Nous vous demandons instamment de faire la lumière sur le nouveau passage en France du cargo saoudien Bahri Yanbu et sur la nature de sa cargaison, et le cas échéant de suspendre le chargement.
  • Nous réitérons notre appel à ce que la France cesse ses transferts d’armes à l’Arabie saoudite pour ne pas se rendre complice de graves violations. 
  • Nous vous exhortons également à assurer une plus grande transparence dans le commerce des armes, notamment en permettant un contrôle parlementaire effectif, alors que la mission d’information sur le contrôle des exportations d’armement de l’Assemblée nationale s’apprête à présenter ses recommandations.

Nous sommes à votre disposition pour organiser une rencontre dans les jours qui viennent et vous prions d’agréer nos salutations respectueuses.

Organisations signataires :

  1. Action contre la Faim (ACF)
  2. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT)
  3. Alliance internationale pour la défense des droits et des libertés (AIDL)
  4. Avaaz
  5. Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
  6. Fédération internationale pour les droits humains (FIDH)
  7. Handicap International
  8. Human Rights Watch
  9. Ligue des droits de l’homme
  10. L’Observatoire des armements
  11. Médecins du Monde
  12. Oxfam France
  13. Première Urgence Internationale
  14. Salam For Yemen
  15. Solidarités International
  16. SumofUs
  17. Yemen Solidarity Network

Copie à :              

Mme Florence Parly, Ministre des Armées

M. Jean-Yves Le Drian, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères

M. Bruno Lemaire, Ministre de l’Economie et des Finances

Cherbourg-en-Cotentin. Des militants dénoncent l’arrivée du navire saoudien Bahri Yanbu

Une trentaine de militants d’Amnesty International et du Mouvement de la paix étaient mobilisés ce mercredi 5 février dès 9 heures devant la Cité de la mer à Cherbourg (Manche) contre l’arrivée du Bahri Yanbu, un navire saoudien suspecté de charger des armes françaises à destination de l’Arabie Saoudite, et donc d’alimenter la guerre au Yémen.

Ils sont venus de Cherbourg, de Caen et de Rennes ce mercredi 5 février dès 9 heures pour manifester leur colère face à l’arrivée potentielle du cargo Bahri Yanbu dans le port de Cherbourg. Une trentaine de militants d’Amnesty International rejoints par le Mouvement de la paix étaient mobilisés devant la Cité de la mer contre le navire saoudien suspecté de charger des armes françaises à destination de l’Arabie Saoudite, et donc d’alimenter la guerre au Yémen. “On devrait être nettement plus nombreux à se mobiliser pour empêcher la vente d’armes, qui détruisent des populations qui ne le méritent pas“, a déclaré Danièle Brisset, la responsable départementale de la Manche du Mouvement de la paix. Les militants espèrent sensibiliser l’opinion publique et rappeler le gouvernement français à ses obligations quant à la commercialisation d’armes (dans le cadre du Traité de l’ONU – 214, et de la position de l’Union européenne en la matière). Sollicitée par Tendance Ouest, la Préfecture de la Manche a déclaré ne pas avoir connaissance de la venue ou non du Bahri Yanbu à Cherbourg.

Après les révélations de Disclose.ngo sur le Bahri Yanbu, la mobilisation européenne sans précédent se poursuit. Les dockers du port de Gênes, en Italie, ont refusé de charger des générateurs électriques italiens destinés à l’Arabie saoudite. Selon la Repubblica, ce matériel militaire pourrait être chargé sur le Bahri Yanbu depuis un autre port italien, à la Spezia 

Toujours d’après le quotidien, les huit canons Ceasar bloqués début mai au Havre pourraient aussi être expédiés vers Jeddah depuis la Spezia. Ils auraient pu faire le voyage entre le Havre et la Spezia par train. Information non sourcée ni confirmée. 

Bahri Yanbu – port de Gênes

Après les révélations de Disclose.ngo sur le Bahri Yanbu, la mobilisation européenne sans précédent se poursuit. Les dockers du port de Gênes, en Italie, ont refusé de charger des générateurs électriques italiens destinés à l'Arabie saoudite. Selon la Repubblica, ce matériel militaire pourrait être chargé sur le Bahri Yanbu depuis un autre port italien, à la Spezia Toujours d'après le quotidien, les huit canons Ceasar bloqués début mai au Havre pourraient aussi être expédiés vers Jeddah depuis la Spezia. Ils auraient pu faire le voyage entre le Havre et la Spezia par train. Information non sourcée ni confirmée. https://genova.repubblica.it/cronaca/2019/05/20/news/la_nave_delle_armi_e_arrivata_a_genova_portuali_in_sciopero_e_presidio_pacifista-226708348/Ci-dessous les images de l'évacuation du matériel militaire du port de Gênes, suite à la grève des dockers.

Publiée par Disclose.ngo sur Lundi 20 mai 2019