Trop d’ammoniac dans l’air de St Malo

Une concentration anormalement élevée d’ammoniac dans les rejets émis par deux usines du groupe Roullier, qui fabriquent des engrais, ont été mis en évidence lors d’une inspection de l’administration (DREAL), le 28 mai 2018. Les habitants s’alarment de rejets dans l’air six à quatorze fois supérieurs à la réglementation.


L’an dernier, à la publication des résultats d’analyses des particules fines réalisées par Air Breizh, Eau et Rivières de Bretagne avait estimé que seule une analyse qualitative faisant apparaître la composante azotée (ammoniac) des particules fines, voire très fines, pouvait permettre d’affirmer que l’air malouin ne posait pas de problème de santé publique. « La lecture du rapport d’inspection vient confirmer cette demande et révèle une pollution pouvant être grave », estiment aujourd’hui les deux associations. « En effet, un rejet d’ammoniac dans l’air entraîne une multiplication de particules fines (et) peut causer de graves irritations du nez, de la gorge, des yeux ou de la peau ».

Malgré cette non-conformité, aucun risque sanitaire n’est à déclarer

« Qu’en est-il un an après ? Quelles mesures ont été prises pour faire cesser la pollution ? Y a-t-il un suivi des rejets depuis lors et quels en sont les résultats ? », se demandent les deux associations qui exigent que les services de l’État clarifient la situation.

Les rejets de Timac Agro dans le collimateur de deux associations

« Il y a des soirs, c’est intenable. On sent bien que c’est toxique. » Sophie habite près du port de Saint-Malo depuis six ans et ne supporte plus les odeurs qui envahissent l’air au moins une fois par semaine. Tout comme Catherine, installée ici depuis un an et demi. « Il faudrait presque un masque pour se balader parfois. Tout le monde sait que ça vient de Timac Agro mais on ne peut rien dire car c’est l’un des principaux employeurs de la ville », se désole-t-elle.

L’entreprise, qui possède deux usines à Saint-Malo, produit des engrais. Depuis quelques mois, le silence commence à se briser. Dans le sillage de l’association citoyenne Osons !, Bretagne vivante et Eaux et rivières de Bretagne sont ensuite montées au créneau. Alertée, la Direction régionale de l’environnement (DREAL) a contrôlé pour la première fois en mai 2018 les rejets atmosphériques des deux usines. Résultat : des taux de concentration d’ammoniac six à quatorze fois supérieurs à la réglementation.

En octobre 2019, les émissions d’ammoniac atteignaient près de 700 mg/m³, alors que la valeur réglementaire est de 50 mg/m³.

Une surmortalité de 11 % par cancer

La sous-préfecture se veut toutefois rassurante sur les conséquences sanitaires. Elle se fonde sur une étude selon laquelle « les doses inhalées calculées restent inférieures aux valeurs toxicologiques de référence ». Une conclusion qui laisse rêveur Gaël Lefeuvre, directeur d’Air Breizh, vigie de la qualité de l’air en Bretagne. « On sait que l’ammoniac est un précurseur très important de particules fines. Pourtant, ça n’apparaît nulle part dans l’étude. » Or, la concentration de particules à Saint-Malo est 30 % supérieure à celle de Rennes, par exemple.

L’impact de cette pollution atmosphérique sur la santé a été scientifiquement prouvé et les particules classées cancérogènes certains pour l’homme. Or, selon le diagnostic local de santé de communautés du pays de Saint-Malo, on constate une surmortalité par cancer de 11 % par rapport au niveau national. Sollicitée, Timac Agro n’a pas souhaité répondre à nos questions.

L’usine du Quai intérieur de la Timac agro. | THOMAS BRÉGARDIS.

Créée en 1959, à Saint-Malo, Timac Agro France est une entreprise industrielle et commerciale spécialisée dans la nutrition du sol, du végétal et de l’animal.

La Timac du Groupe Roullier

Une non-conformité « ponctuelle »

Timac Agro confirme bien avoir reçu, le 13 juin 2018, la mise en demeure du bureau des Installations Classées de la préfecture d’Ille-et-Vilaine sur les sites malouins. Elle dit aussi avoir pris des mesures.

« Cette mise en demeure souligne une non-conformité ponctuelle lors de la production occasionnelle de certains produits, mais ne revêt pas de notion de gravité ou de risque sanitaire », estime Timac Agro. L’entreprise reconnaît cependant la nécessité d’adapter un de ses procédés industriels à l’évolution de la réglementation afin de respecter la valeur limite de concentration en ammoniac sur l’ensemble de ses installations.

Un plan d’action engagé

« Malgré cette non-conformité, aucun risque sanitaire n’est à déclarer puisque le niveau maximal d’exposition atteint dans les installations est neuf fois inférieur au seuil sanitaire de dangerosité lors des contrôles effectués », affirme la direction de Timac Agro. Suite à la mise en demeure, elle a mis en œuvre des modifications de formules et réalisé des investissements technologiques, dont des équipements de neutralisation du lavage.

Des investissements engagés dès la mi-2018 qui ont été complétés par d’autres pour circonscrire certaines odeurs et seront finalisés en 2020. « Ce plan d’actions, anticipé de longue date, se poursuit pour préserver et garantir des productions de qualité sur nos sites malouins », confirme Timac Agro qui entend continuer à être en conformité avec la réglementation en vigueur « afin de préserver l’intégrité et la sécurité de ses collaborateurs, des riverains et de son environnement ».

De leur côté, Bretagne Vivante et Eau et Rivières de Bretagne n’excluent pas d’engager un recours en justice.

https://www.bretagne-vivante.org

www.eau-et-rivieres.org