DSK, son pactole planqué dans un paradis fiscal

“A l’évidence, Dominique Strauss-Kahn n’a jamais gagné autant d’argent de sa vie.”
La confidence est signée par un proche de l’ancien ministre socialiste dans les colonnes de L’Obs. 

Sa société basée au Maroc a affiché près de 21 millions d’euros de bénéfices en cinq ans, exonérés d’impôt.

Avec 5,3 millions d’euros de revenus en 2018, DSK gagnait plus que de nombreux patrons du CAC 40 notamment… et depuis 2014.

C’est dans la plus grande discrétion et sans faire de vagues que Dominique Strauss-Kahn a monté en 2013 sa société, qui affiche aujourd’hui une santé éclatante. D’après les informations de L’Obs, l’ancien candidat à la présidentielle de 2012 aurait gagné pas moins de 21 millions d’euros entre 2013 et 2018. Installé au Maroc, à quelques kilomètres de la capitale économique Casablanca, l’homme d’affaires a lancé Parnasse International, dont il est le seul actionnaire et employé.


Installée dans la zone franche de Casablanca, au Maroc, un paradis fiscal qui permet de ne pas payer de taxe durant les cinq premières années de résidence, puis, d’en payer à un taux très bas (8,75 %), la société de l’ancien ministre socialiste n’a pas payé d’impôts sur ses bénéfices en 2018. Comme le mentionne L’Obs, Dominique Strauss-Khann s’est occupé de prestigieux clients à l’instar du président de la République du Congo Denis Sassou-Nguesso, ou encore Rosneft, une société d’État russe que dirige le proche de Vladimir Poutine Igor Setchine.


Il a aussi prospecté pendant au moins deux ans pour le groupe suisse Sicpa, leader mondial des encres de sécurité, ce qui lui a assuré 80.000 euros de revenus par mois. De quoi lui faire oublier le fait qu’il n’a pas été recruté par la banque d’affaires Lazard en 2011, en raison de sa réputation, ou que la BNP, sa propre banque de dépôt, a stoppé toute relation avec lui. Sa société Leyne Strauss-Kahn & Partners, montée avec l’homme d’affaires israélien Thierry Leyne en 2013, a aussi été un échec, avec 100 millions d’euros de dettes et 150 clients qui ont perdu de l’argent.

Pour rappel, la société que DSK avait fondée en compagnie de l’homme d’affaires Thierry Leyne, retrouvé mort en bas d’une tour de Tel Aviv en 2014, accusait un passif de 100 millions d’euros au moment de sa liquidation. Entendu sous le statut de témoin assisté dans l’affaire de la faillite de sa société LSK (anciennement Parnasse International) en 2019, l’ex-patron du FMI a choisi de plaider l’incompétence et l’inconséquence.

Alors qu’il aurait vu au moins deux fois Emmanuel Macron selon l’ancien secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen (durant la campagne présidentielle et il y a environ un an), Dominique Strauss-Kahn ne compte pour autant revenir en politique. Car, selon Jean-Marie Le Guen, “il a conscience que les électeurs lui reprocheront pendant longtemps d’avoir trahi la confiance qu’ils avaient placée en lui”.

“Renaissance”.

La petite entreprise africaine de DSK engrange des millions d’euros de bénéfices

Devenu indésirable en France, l’ancien patron du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, est très sollicité en Afrique. Conseiller de nombreux présidents, il y a des activités lucratives. 

Présidents africains

Fort de son expérience dans les domaines économique, financier et politique, Dominique Strauss-Kahn vend son expertise à des présidents africains, dont certains à la gouvernance autoritaire et sans partage. DSK est régulièrement auprès de Denis Sassou-Nguesso, à la tête du Congo depuis 35 ans, qu’il conseille sur la restructuration de la dette abyssale de son pays, ou auprès de Faure Gnassingbé, qui vient d’être réélu pour un quatrième mandat à la tête du Togo, alors qu’il avait à l’origine succédé à son père. Il a également été reçu par Ibrahim Boubacar Keïta, le président malien.

Des activités très lucratives pour Dominique Strauss Kahn. Selon des informations de L’Obs, reprises par la presse africaine, sa société a affiché, “entre 2013 et 2018, près de 21 millions d’euros de bénéfices […]. Unique actionnaire et unique employé de Parnasse international, sise à Marrakech, il s’est versé 5,3 millions d’euros de revenus, ce qui place sa rémunération au 13e rang du CAC40.” D’autant que ces bénéfices sont exonérés d’impôts, selon le magazine français. “Un pari gagnant”, écrit ainsi Forbes Afrique, quand FinancialAfrik.comemploie le terme de “renaissance.”

COURRIER INTERNATIONAL – PARIS – Publié le 25/02/2020

Par Christian Losson et Vittorio De Filippis — 20 mai 2011 

Le bilan en demi-teinte de DSK au FMI

Bon communicant et gestionnaire avisé, Dominique Strauss-Kahn a profité de la crise pour réhabiliter l’institution. Mais sans parvenir à infléchir sérieusement sa politique.

Que restera-t-il de DSK au FMI ? L’image du sauveur d’une institution en péril, revigorée à la faveur d’une crise sans précédent ? Un pilote qui a tenté d’infléchir l’orthodoxie économique, mantra de ce paquebot de 4 000 fonctionnaires, au point d’asséner, ce 4 avril à l’université de Washington : «Le consensus de Washington est derrière nous» ? Les symboles d’un visionnaire réhabilitant le rôle de l’Etat, fustigeant les«politiques de dérégulation et de privatisation» ?

«Cet échafaudage s’est effondré sur le passage de la crise», dit-il ce 4 avril, où il gauchise (opportunément) son discours. Il cite alors Keynes : «Le capitalisme n’est pas intelligent. Il n’est pas beau. Il n’est pas juste. Il n’est pas vertueux.» Vertueux ? A sa façon, DSK a tenté de l’être. «Il s’est trouvé au bon endroit, au bon moment», a résumé François Bourguignon, ex-vice-président de la Banque mondiale. «Lui ou un autre : cela n’aurait rien changé. Si le FMI est revenu au centre de la photo, c’est que la crise fut exceptionnelle», ajoute un diplomate. «Non, il a eu une vue keynésienne de la crise et son bilan est positif»,dit Michel Aglietta, économiste au Cepii. Dominique Plihon, président du conseil scientifique d’Attac, reconnaît que l’homme s’en sort au moins par un bon point : «C’est un économiste brillant et intelligent, et cela changeait. Au moins, il avait une vision qui l’a amené très vite à tirer la sonnette d’alarme. Et à implorer les Etats, sur le mode : “Faites de la relance et n’organisez pas la récession généralisée.”»

«Pompier». Ce 1er novembre 2007, lorsqu’il prend les commandes du FMI, l’institution de Bretton Woods est au plus mal. Discréditée. Exsangue. L’ex-ministre de l’Economie de Lionel Jospin en a conscience. Il sait à quel point les pays en développement se sentent encore humiliés par des décennies de plans d’ajustements structurels appliqués sous forme de copier-coller. Cette souveraineté nationale contestée, ils n’en veulent plus. «Le FMI était le pompier incendiaire, il devient le pompier douché : au chômage», résume un expert. Il n’a que 20 milliards de dollars de crédits en cours (sept fois moins qu’aujourd’hui). Les ex-pays débiteurs du Fonds ont soldé par anticipation leur ardoise auprès de l’institution. Elle est à sec : 220 millions de dollars de déficit.

DSK «dégraisse» le dégraisseur en chef mondial : 591 fonctionnaires au guichet départ. Il vend une partie de son or… Mais un an passe et, au G20, DSK fanfaronne : «IMF is back.» Les chefs d’Etat, «paniqués à l’idée d’une faillite mondiale», se souvient un diplomate, réhabilitent son rôle. Il récupère 750 milliards de dollars… au cas où. On disait le FMI mort. Il revit. Pour DSK, c’est tout bénéfice. Le voilà au centre de la photo. «Le G20 a compris que le nettoyage du système financier était un préalable à une relance et une régulation efficace», dit-il alors. Et un rééquilibrage Nord-Sud essentiel. Amorcé par une réforme du droit de vote en faveur des pays émergents au sein du FMI. Ou par des prêts sans intérêts à 80 pays pauvres, malgré les réticences américaines. DSK milite aussi pour que le FMI se dote d’outils de prévention de crises. Mais tous les pays, surtout riches, ne voient pas cette immixtion d’un bon œil. «L’incapacité du Fonds à prévenir de la possibilité d’une crise systémique d’une manière précoce, pointue et efficace est un fait qui doit nous rendre humble», dit-il.

«Potion». Car le FMI a toujours été une vigie plutôt myope. Entre volontarisme réel et ministère du verbe pour le changement, DSK le sait bien. Mais se prend parfois les pieds dans le tapis : «Les pires nouvelles sont derrière nous», martèle-t-il souvent. Il peut aussi jouer les Cassandre et«surprend son monde, lorsqu’il répète, alors qu’on pense la crise révolue, que le pire est à venir», affirme Michel Aglietta.«Lâchez-nous du lest», implore DSK en privé auprès de ces actionnaires : les outils du FMI sont inadaptés, et ses politiques reformulées : les Européens grincent ainsi lorsqu’il plaide pour des marges de manœuvre budgétaires pour laisser filer les déficits. «Il a été un artisan de taille dans l’aide apportée à la Grèce par les Européens, rappelle Aglietta. Ces derniers étaient incapables d’agir, la Commission faisait du surplace…» Ce rôle de médiation, il le joue aussi lorsque les Allemands disent non à tout. «Et osent demander à la Grèce de vendre ses îles pour renflouer ses caisses», confie un autre économiste.

Plihon loue ainsi le volontarisme de DSK. Avant de dénoncer un résultat désastreux, selon lui : le contenu du plan de sauvetage. «Toujours la même potion orthodoxe : rigueur, privatisation. Peut-être qu’il n’avait pas de marge de manœuvre.» Mark Weisbrot, chercheur à Washington, se souvient : «Il nous a confié un jour qu’il trouvait que les plans grecs étaient trop raides, qu’ils allaient tuer la possibilité de retour de croissance.» Il ajoute : «La fonction de managing director est une fonction de représentation. Le vrai pilote, c’est le conseil d’administration. C’est lui qui définit la politique du Fonds.» A-t-il vraiment changé ?«De façon cosmétique. On s’est penché récemment sur 41 plans lancés depuis la crise. 31 appliquent les mêmes recettes des plans d’ajustements structurels que par le passé.»

Experts, ONG, économistes le reconnaissent : DSK et son éminence grise, Olivier Blanchard, embauché dès son arrivée, ont boosté et diversifié le champ des recherches académiques. Contrôle des capitaux, inégalités, politique monétaire moins orthodoxe, taxe internationale.«C’est vrai, mais il ne s’est jamais rallié à l’idée d’une taxe sur les transactions, regrette Plihon. Il n’y a jamais cru : une déception. Il a surfé sur la crise.» «Certes, le débat académique est plus diversifié mais, dans le fond, rien n’a changé, ajoute Esther Jeffers, économiste à Paris-VIII.Ce sont des politiques qui vont dans le même sens, mais peut-être de manière un peu moins violente.»

DSK, en passeur de baume, diront certains, a malgré tout tenté d’infléchir des dogmes libéraux purs et durs. «Un nouvel ordre macroéconomique exige que la main passe, au moins dans une certaine mesure, du marché à l’Etat», disait-il le 4 avril. Dans le même discours, il y a aussi cette phrase de Keynes, sur le capitalisme pas vertueux. «Quand nous nous demandons par quoi le remplacer, nous sommes extrêmement perplexes.» Un résumé, peut-être, des contradictions strauss-kahniennes.