Mondial 2022. Véolia et le Quatar, un contrat de corruption «globale»?

et Vinci, visé par des accusations de « travail forcé »

Les enquêteurs qui travaillent sur les soupçons de corruption liés au processus d’attribution du Mondial 2022 au Qatar s’interrogent sur les liens avec le dossier Veolia, géant industriel français dont un fonds qatarien fut actionnaire minoritaire.

L’investissement du Qatar dans la société Veolia pourrait s’inviter dans l’enquête française sur les soupçons de corruption liés aux conditions d’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Selon les informations, du journal L’Equipe cette importante opération financière, qui date d’avril 2010, « évoque des pistes » et « pose des questions » aux enquêteurs de l’office anti-corruption (OCLCIFF), qui travaillent conjointement sur les deux affaires.

« Un lien entre ces deux dossiers est à l’étude et en appréciation au Parquet national financier (PNF) », assure même une source judiciaire.

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Pourquoi le Qatar tient tant à son mondial de foot ?

Faute d’exercer un pouvoir d’influence militaire, politique ou démographique, l’émirat du Golfe utilise la diplomatie par le sport pour compter parmi les grands, explique Antoine Denry.

Par Antoine Denry (directeur de la stratégie dans une entreprise de relations publiques) Publié le 18 déc. 2019

L’expression «soft power» a été pensée et décrite par le théoricien américain des relations internationales Joseph Ney en 1990 pour désigner la puissance d’influence, de persuasion, d’une entité sur un autre acteur. Une influence qui se fait par des moyens non coercitifs. C’est cette politique de soft power extrêmement poussée que le Qatar a développée au cours des trente dernières années.

Une stratégie d’abord centrée sur les médias anglophones dans les années 1990 puis axée sur la France et les pays francophones à partir des années 2000. Le micro-état, qui fait moins de 12.000 kilomètres carrés mais possède 15 % des réserves mondiales de gaz, a investi dans les grands groupes du CAC 40 (Vinci, Veolia…), des médias comme Lagardère, l’hôtellerie de luxe ou l’immobilier, mais a également investi massivement dans le sport avec le Paris-Saint-Germain comme navire amiral.

Tout, en plus grand

La diplomatie par le sport n’est pas nouvelle, mais le Qatar fait tout en plus grand, en plus constant et surtout en plus méthodique avec un mécanisme de prise de décision rapide concentré autour de l’émir Hamad ben Khalifa Al Thani. Eu égard à sa taille et à son intérêt stratégique l’émirat a acquis une place démesurée en termes d’influence en France et sur la scène internationale.

C’est ce changement d’échelle qui interroge : après les tournois de tennis ATP ou les grands prix de Formule 1, ce furent les mondiaux d’athlétisme cette année, ce sera la Coupe du monde de football de la Fifa en 2022, avec l’ambition d’accueillir demain les Jeux Olympiques.

Le Qatar affecte des moyens considérables à cette politique et joue bien sûr à plein des synergies avec son activisme télévisuel qui passe par l’achat de droits de diffusion visant les compétitions sportives majeures. C’est Al-Jazeera Sport, devenue BeIN Sports en 2012, qui en a la charge et qui est partie depuis plusieurs années à la conquête de l’Europe, de l’Amérique du Nord et de l’Asie.

C’est la marque de fabrique de cette diplomatie sportive devenue le principal instrument de soft power du pays. Avec souvent des investissements à perte : BeIN Sports a dû être recapitalisé en 2017 à hauteur de 600 millions d’euros après de précédents apports de 800 millions. Et malgré le succès commercial du bouquet de chaînes avec 4 millions d’abonnés revendiqués en France, son modèle économique semble difficilement soutenable. 

Idem pour la Coupe du monde organisée dans trois ans : 130 milliards d’euros d’investissements annoncés dont 35 milliards pour le seul système ferroviaire et de métro…tout cela pour moins de deux millions d’habitants qui se déplacent en 4×4 climatisés.

Triple ambition

Pour le Qatar il s’agit de se positionner avec une vraie stratégie globale, d’intégration du haut en bas de l’industrie sportive : clubs, télévision sportive, équipementier Burrda, organisation de compétitions mondiales, débauchage à prix d’or de stars internationales comme Neymar. 

Son ambition est triple. D’abord montrer à l’extérieur un modèle politique et social combinant tradition et wahhabisme rigoureux à l’intérieur d’un côté et modernité tolérante, ouverture sur le monde de l’autre.

Ensuite, marquer la reconnaissance du Qatar dans la région et dans le monde en lui permettant de s’affirmer vis-à-vis de ses pairs du Golfe et également de sortir de l’orbite saoudienne.

Enfin, l’ambition d’être admis au sein de la cour des grands dans le sport comme dans la diplomatie plus classique en jouant un rôle au Yémen et en Syrie, en maintenant des contacts étroits avec Israël, en accueillant l’une des plus grandes bases militaires américaines dans le Golfe, en investissant tous azimuts des Etats-Unis à la Chine en passant par Monaco.

Faute de pouvoir exercer un hard power fondé sur un large territoire, une importante population ou une véritable armée, le leadership qatari a magnifiquement réussi en matière d’influence et a su placer son pays sur la carte du sport et de la diplomatie mondiales. Malgré les critiques, la prochaine Coupe du monde de football sera le point d’orgue de cette influence par le sport, en attendant les Jeux Olympiques…pourquoi pas en 2032.

Antoine Denry est directeur de la stratégie chez H+K Strategies. Il est également professeur honoraire au Celsa et à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Sur le chantier de construction du Qatar Lusail Stadium, à environ 20 kilomètres au nord de Doha, le 20 décembre 2019.

Mondial au Qatar : Vinci visé par des accusations de « travail forcé

avec AFP – Publié le 25/02/2020

Un juge français enquête sur des accusations de « travail forcé » visant l’entreprise française de travaux publics Vinci sur les chantiers de la Coupe du monde 2022 qui sera organisée au Qatar.

Un juge d’instruction a été chargé d’enquêter sur les activités du groupe de BTP Vinci au Qatar après des accusations de « travail forcé » et de « traite d’êtres humains » sur les chantiers du Mondial-2022 mardi.

L’instruction a été ouverte le 25 novembre 2019 par le parquet de Nanterre après des plaintes émanant des organisations Sherpa et Comité contre l’esclavage moderne et de sept ex-employés indiens et népalais.

Les plaignants accusent Vinci, Vinci Construction Grands Projets (VCGP), sa filiale qatarie Qatari Diar Vinci Construction (QDVC) et leurs représentants de « réduction en servitude, traite des êtres humains, travail incompatible avec la dignité humaine, mise en danger délibérée, blessures involontaires et recel », selon les termes de la plainte consultée. Elle fait suite à une enquête menée par Sherpa en Inde en septembre 2018 qui aurait permis de réunir des éléments et témoignages d’anciens travailleurs qui viendraient confirmer la première enquête de l’ONG menée en 2014 au Qatar, selon Sherpa.

Entre 66 et 77 heures de travail par semaine

Selon l’ONG, les employés migrants de Vinci qui sont employés sur les chantiers de la Coupe du monde travaillent, passeport confisqué, entre 66 et 77 heures par semaine. Et ils seraient entassés dans des chambres exigües aux sanitaires insuffisants, percevant des rémunérations sans rapport avec le travail fourni et menacés de licenciement ou de renvoi dans leur pays en cas de revendication.

« Vinci réfute toutes les allégations »

Selon l’ONG, les employés migrants de Vinci qui sont employés sur les chantiers de la Coupe du monde travaillent, passeport confisqué, entre 66 et 77 heures par semaine. Et ils seraient entassés dans des chambres exiguës aux sanitaires insuffisants, percevant des rémunérations sans rapport avec le travail fourni et menacés de licenciement ou de renvoi dans leur pays en cas de revendication.

Sherpa, qui s’est fixée pour but de défendre les populations victimes des crimes économiques, avait déjà déposé en mars 2015 une plainte à Nanterre contre Vinci Construction Grands Projets et sa filiale au Qatar, mais en février 2019, l’enquête préliminaire a été classée sans suite. « Vinci réfute toutes les allégations de Sherpa », a réagi le groupe, mettant en avant les « nombreuses initiatives mises en place depuis dix ans au Qatar et qui ont inspiré les nouvelles réglementations sur les droits des travailleurs mises en place récemment par le pays ».

Un audit réalisé début janvier 2019 par plusieurs organisations syndicales (CGT, CFDT et CFE-CGC) au sein des activités qataries du groupe avait par ailleurs conclu à l’existence de bonnes pratiques sur place en matière de recrutement et d’emploi.

Veolia et les millions occultes du Qatar

Qui a touché les millions du Qatar ? Le 16 avril 2010, le fonds souverain Qatari Diar annonçait s’être offert 5% du capital de Veolia Environnement, géant tricolore de l’eau et des déchets, pour 624 millions d’euros. Avec, à la clé, un «partenariat stratégique» négocié par Henri Proglio, qui cumulait à l’époque la présidence de Veolia et son job actuel de patron d’EDF (1). Mais ces fiançailles ont aussi une face sombre. Selon nos informations, Qatari Diar a versé, en marge de l’opération, de gigantesques commissions occultes dans des paradis fiscaux, pour un total de 182 millions d’euros. «Cette opération, c’est du James Bond !» lâche un banquier.

Prête-noms. Les motivations du Qatar restent mystérieuses. Comme le souligne un proche du dossier, «il est absurde de verser une commission pour acheter des actions d’une société cotée comme Veolia, librement disponibles sur le marché». Du coup, à quoi a servi l’argent ? Seule la justice pourra répondre, vu les efforts déployés pour cacher l’identité des bénéficiaires, mais aussi des exécutants. En effet, un même montage financier, réalisé entre Chypre et le Luxembourg, a été utilisé à la fois pour acheter les actions Veolia et verser les commissions. Il est donc difficile de savoir qui était au courant du volet occulte.

Une chose est sûre : les 182 millions de Qatari Diar ont atterri dans trois sociétés écran à Chypre, en Malaisie et à Singapour. Les deux premières, dont les actionnaires sont dissimulés par des prête-noms, ont touché environ 137 millions. La troisième appartient à un proche de Ghanim bin Saad al-Saad, à l’époque directeur général de Qatari Diar. Les quelque 45 millions d’euros versés par ce canal singapourien ressemblent donc beaucoup à une rétrocommission.

Par Yann Philippin — 6 octobre 2014 

Attribution de la Coupe du monde au Qatar : Michel Platini « a vite compris la consigne de vote » estime l’un de ses biographes

Jean-Philippe Leclaire, directeur adjoint de la rédaction de l' »Equipe », a réagi à la fin de garde à vue de Michel Platini dans le cadre d’une enquête pour corruption. 

publié le 19/06/2019

« Il y avait des enjeux à la fois sportifs et extra-sportifs » dans l’attribution des mondiaux de foot au Qatar en 2022, a assuré sur franceinfo mercredi 19 juin Jean-Philippe Leclaire, directeur adjoint de la rédaction de l’Equipe alors que Michel Platini a été placé en garde à vue dans ce dossier mardi. L’ancien président de l’UEFA, ressorti libre dans la soirée, a été entendu dans le cadre d’une enquête pour corruption. Il est soupçonné d’avoir changé son vote au profit du Qatar et provoqué le changement de celui de trois autres membres de l’UEFA après un déjeuner, qui s’est tenu peu de temps avant le vote. « Que Nicolas Sarkozy ait cherché à influencer le vote, c’est acquis », a affirmé l’auteur du livre Platoche.

franceinfo : On évoque un déjeuner à l’Élysée, censé rester secret, qui a eu lieu neuf jours avant le vote pour l’attribution de la Coupe du monde. Qui est autour de la table ?

Jean-Philippe Leclaire : On est certains qu’il y avait Nicolas Sarkozy, Michel Platini, le prince héritier du Qatar – qui depuis est devenu l’émir – et son Premier ministre. Après, il y a des doutes. Michel Platini affirme qu’il y avait aussi Claude Guéant. Ce dernier dit qu’il était là au début mais qu’après il est parti. Michel Platini assure aussi qu’il y avait Sophie Dion, la conseillère sport de Nicolas Sarkozy. Elle dit qu’elle n’y était pas. On a même dit qu’il y avait aussi M. [Sébastien] Bazin, qui était à l’époque le président du PSG.

Les enquêteurs soupçonnent Nicolas Sarkozy d’avoir fait pression sur Michel Platini ce jour-là pour qu’il vote pour le Qatar. Quel aurait été son intérêt ?

On sait que Nicolas Sarkozy a toujours été très proche du Qatar. A l’époque, il y avait des enjeux à la fois sportifs et extra-sportifs. Les enjeux sportifs étaient évidemment l’attribution de la Coupe du monde mais aussi l’avenir du PSG, puisqu’il a été racheté sept mois plus tard par les Qataris, et l’arrivée de la chaîne beIN Sports en France qui troublait un peu le jeu. Il y avait également une prise de participation d’un fonds de pension qatari dans Veolia. Ce n’était donc pas que du sport, que du ballon.

Ce mercredi matin, dans les colonnes de votre journal, le patron déchu de la Fifa, Sepp Blatter, redit qu’il s’agit bien, pour lui, d’une intervention politique française qui a fait pencher la balance en faveur du Qatar. Pourquoi ?

Que Nicolas Sarkozy ait cherché à influencer le vote, c’est acquis. Après, Michel Platini a toujours dit qu’il n’avait pas reçu un ordre formel de la part de Nicolas Sarkozy mais qu’effectivement il y avait eu un message subliminal. Ce message était plus que subliminal puisque Michel Platini arrive à la table de l’Elysée – c’est lui qui avait demandé à voir Nicolas Sarkozy – et se rend compte qu’il y a le prince héritier, son Premier ministre… Il n’est donc pas complètement idiot et il a vite compris quelle était la consigne de vote.

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