ArcelorMittal, le super pollueur

Pollution de la Fensch : ArcelorMittal sera jugé en novembre

Par deux fois au moins, ArcelorMittal a admis être à l’origine de rejets polluants dans la Fensch, à Florange, en 2019. Des déversements liés à l’activité de la cokerie. L’entreprise devra répondre de ses actes le 10 novembre au tribunal de Thionville.

Par Damien GOLINI, le 03 mars 2020

Florange, les berges de la Fensch étaient devenues irrespirables. D’après les riverains de la rue des Anciennes Tannerie et des rues adjacentes, cela faisait des années que l’histoire se répétait. À de multiples reprises, l’air devenait nauséabond. Une odeur âcre d’hydrocarbures enveloppait le quartier. Depuis l’intérieur de leur maison, les habitants suffoquaient quand, à deux pas de là, la cokerie vomissait ses entrailles dans la rivière.

Alors que beaucoup n’espéraient plus d’issue positive, la roue a finalement tourné en mars 2019. Après des mois de pression populaire et médiatique, ArcelorMittal admettait être à l’origine… d’une pollution. « Ces phénomènes font suite à des opérations de diagnostic des réseaux. L’analyse détaillée des causes de l’incident est en cours et les opérations concernées ne reprendront qu’à l’issue de cette analyse », expliquait alors le sidérurgiste.

Une petite victoire pour les riverains et un début de réponse. Mais les syndicats, notamment la CGT, la communauté d’agglomération du Val de Fensch et la Ville de Florange n’entendaient pas se contenter de cela. Ils voulaient des explications.

Mise en demeure par la Dreal

Trois ans plus tôt, la Direction régionale de l’environnement (Dreal) avait mis en demeure ArcelorMittal de présenter un diagnostic détaillé de ses réseaux. Les canalisations, construites avant l’édification de la cokerie dans les années 1970, étaient suspectées d’être en contact direct avec la Fensch. Malgré une amende de 500 € par jour de retard, ArcelorMittal a attendu plus de trois ans avant de rendre sa copie et de confirmer les soupçons. Depuis, la direction a indiqué avoir mis en place une soixantaine d’actions correctives pour que ces incidents ne se reproduisent plus.

De tous les épisodes de pollution , le tribunal de Thionville n’en retient que deux : celui du 8 mars 2019 et celui du 12 août 2019. L’industriel devra aussi répondre de « l’exploitation d’une installation classée non conforme à une mise en demeure » et de l’exploitation d’une installation « sans respect des règles générales et prescriptions techniques. »

L’audience, qui devait se tenir ce mardi, a été renvoyée au 10 novembre en raison de la grève des avocats.

ArcelorMittal signe un accord avec le groupe Ilva

04.03.2020 

A cause de l’achat d’ILVA, la Commission européenne avait exigé qu’ArcelorMittal cède plusieurs aciéries, dont le site de Dudelange. 

ArcelorMittal a signé un accord avec les administrateurs du groupe sidérurgique italien Ilva.

Un partenariat entre ArcelorMittal et le gouvernement italien est en bonne voie.

Une entité financée par l’Etat italien, devrait réaliser de gros investissements d’ici novembre. Un nouveau plan industriel va être élaboré pour Ilva.

L’automne dernier, un conflit avait éclaté à cause d’installations d’Ilva dans le Sud de l’Italie. Arcelor Mittal voulait se retirer de l’accord en raison du manque de garanties légales.

A l’époque, le gouvernement italien avait reproché au groupe sidérurgique luxembourgeois de vouloir uniquement supprimer des emplois.

Florange: après les hauts-fourneaux, ArcelorMittal pourrait fermer la cokerie

 11/02/2020 

Après les hauts-fourneaux, la cokerie ? ArcelorMittal a annoncé lundi 10 février lors d’un CSE la possible fermeture dès 2022-2023 de la cokerie du site de Florange (Moselle), déjà marqué par la fermeture des hauts-fourneaux, a-t-on appris auprès de la direction. Depuis plusieurs mois, des rumeurs circulaient sur sa fermeture, qui emploie 230 à 250 personnes. “Compte tenu du plan d’investissements envisagés afin de réduire nos émissions de CO2 de plus de 30% d’ici à 2030, le besoin en coke devrait diminuer et le site de Dunkerque pourrait être auto-suffisant à court terme (2022-2023)”, a expliqué dans un communiqué le groupe sidérurgique. “L’utilisation de la cokerie de Florange, initialement prévue jusqu’en 2032, pourrait être remise en cause”, a-t-il ajouté.

L’installation industrielle est critiquée localement pour ses émissions polluantes. “D’un côté, on est soulagé, parce qu’il n’y a pas d’annonce tout de suite, mais ce n’est pas impossible que la cokerie ferme en 2022 et il y aura de sérieuses réorganisations dans l’entreprise” a réagi auprès de l’AFP Frédéric Weber, délégué FO ArcelorMittal à Florange, où travaillent 2.300 personnes. La direction assure que, “au vu des perspectives démographiques de notre société, nous savons d’ores et déjà que nous aurions les moyens de proposer un nouveau projet professionnel en interne à chaque salarié de la cokerie”. “ArcelorMittal a des projets innovants, mais on va rester vigilants, on veut que l’humain reste au cœur de l’entreprise et que ce soit fait de manière socialement acceptable et humaine”, a ajouté Frédéric Weber.

Une nouvelle stratégie, après 2,5 milliards de perte nette en 2019

Lors du comité social et économique central (CSEc), ArcelorMittal a présenté aux représentants du personnel ses orientations stratégiques s’articulant autour de quatre axes : innovation, digitalisation, réduction des émissions de CO2 et amélioration de la performance industrielle. Le géant de l’acier a accusé une perte nette de 2,5 milliards de dollars en 2019, dans un contexte de baisse du prix de l’acier. Son chiffre d’affaires s’élève à 70,6 milliards de dollars, soit en baisse de 7,1% et légèrement inférieur au consensus établi par l’agence financière Bloomberg (71 milliards de dollars). ArcelorMittal avait annoncé en décembre 2018 la fermeture définitive des emblématiques hauts-fourneaux de l’usine de Florange, qui employaient 600 personnes lors de leur mise sous cocon, au printemps 2013. L’arrêt temporaire de la production d’acier brute avait empoisonné les débuts du quinquennat Hollande.

Comité de soutien à Karim Ben Ali

https://www.helloasso.com/associations/comite-de-soutien-a-karim-ben-ali

Karim Ben Ali raconte son calvaire après avoir dénoncé les pratiques d’ArcelorMittal

Par Imane Farah – 14/01/2020

« Ça fait déjà trois ans que l’affaire a éclaté, et que ma vie a complètement été chamboulée. A l’époque, j’étais chauffeur routier, intérimaire employé par Suez Environnement, mais en sous-traitance pour ArcelorMittall à Florange et Hayange (Moselle). Mon boulot à moi, à la base, c’était de transporter les déchets produits par les aciéries (fonte, acier). Mais quand j’ai commencé à bosser pour eux, fin 2016, ils m’ont demandé de transporter des matières liquides. On me disait officiellement d’acheminer des “boues de fer”. Mais j’suis pas idiot, je voyais bien que c’en était pas… Le liquide était jaune fluorescent, et une fumée irritante s’en dégageait. Je devais remplir des cuves, conduire le camion, et les vider à l’endroit indiqué, au crassier de Marspich. J’ai effectué pas moins d’une dizaine de voyages, de mi-décembre 2016 à mi-février 2017, pour venir déverser ces produits dans la nature. Chaque cargaison faisant 24 m3, faites le calcul !

Je savais bien que tout cela n’était pas très légal. A mesure que le liquide s’écoulait sur le sol de la fosse, des rochers éclataient… Autour du crassier, y avait des marcassins crevés, des lapins qui gisaient au sol, et tout un tas d’autres carcasses de bêtes. Ces images sont restées gravées dans ma tête, encore aujourd’hui. Je ne pouvais pas rester là sans rien faire, d’autant plus qu’il y avait des habitations à même pas 200 m à vol d’oiseau. Même si j’suis pas un grand écolo (je trie quand même mes déchets), je devais me montrer “responsable”. J’ai alors décidé de tourner des vidéos, histoire d’avoir des preuves. Puis j’ai fait un signalement auprès de mon employeur, fin décembre. J’ai aussi prévenu les sapeurs-pompiers de la ville où j’habite. Mais là, pas de chance, j’suis tombé sur un sapeur volontaire qui était également pompier professionnel pour ArcelorMittal. Au lieu de faire suivre mon signalement, le mec a préféré faire un rapport écrit à Arcelor. J’ai même voulu à un moment aller voir la police, mais on m’a envoyé bouler. En gros, on a tout fait pour essayer d’étouffer l’affaire…

« Mes deux frères, également intérimaires chez Arcelor, ont aussi été licenciés du jour au lendemain »

Comme personne ne voulait m’écouter, j’ai posté les vidéos sur les réseaux sociaux. Faut dire que je voulais aussi montrer les images à mes potes chauffeurs sur Facebook… Quand ils ont vu ça, ils sont tombés sur le cul ! Certains ont même cru que ça se passait en Tunisie tellement c’était énorme ! J’ai laissé les vidéos en ligne pendant près d’un mois, avant de les retirer. J’ai préféré les envoyer à une journaliste d’un quotidien local pour qu’elle sorte l’affaire. Ça a mis du temps – près de six mois –, mais l’histoire a finalement éclaté au grand jour. Elle a fait la « une » des journaux locaux, puis nationaux en juin 2017. L’une de mes vidéos, republiée par les médias, est même devenue virale, totalisant des centaines de milliers de vues.

Mais entre-temps, de février à juin, ArcelorMittal a eu le temps de faire disparaître tout ce qui était gênant. Un mec de l’usine est venu récupérer toutes les carcasses de bêtes pour les incinérer. On m’a dit qu’ils avaient également procédé à de nombreux exercices incendies au niveau du crassier, dans le but de balancer de l’eau pour diluer le taux d’acidité. Eh puis moi, de mon côté, j’ai eu le droit à tout un tas de pressions, d’intimidations. On a dévissé les roues de ma voiture, j’ai reçu des menaces… Avant d’être viré sans ménagement par ma boîte pour « rupture de discrétion commerciale ». Ma famille en a également pâti. Mes deux frères, également intérimaires chez Arcelor, ont aussi été licenciés du jour au lendemain. On leur a juste dit qu’ils étaient « ingrats ». Tout le monde m’a tourné le dos, même les syndicats, aucun ne m’a soutenu. Ils m’ont tous ri au nez, disant que j’étais un mythomane…

« Aujourd’hui, je touche le RSA, et je suis sous antidépresseurs. A un moment, j’ai voulu arrêter mon traitement, mais j’étais quasiment au bord du suicide tous les matins. »

Aujourd’hui, ça va faire trois ans que je suis au chômage. Avant cette affaire, tout se passait bien avec les boîtes d’intérim. Puis il y a eu une sorte de blocage. J’ai été blacklisté un peu partout : j’ai contacté 163 boîtes mais personne ne voulait de moi. On me disait : “Y a pas de boulot pour toi ici.” Dans la région, tout le monde se connaît, et vous savez, c’est pas facile d’embaucher une balance ! Un patron quand il veut vous recruter, il tape votre nom sur Google, et pour moi, c’était vite fait ! Eh puis Arcelor est très puissant en Moselle, c’est le premier employeur de la région, alors personne n’a voulu prendre de risque. Certains ont pourtant essayé de m’aider, comme le chef cuisinier Thierry Marx qui m’a proposé une formation, mais ça n’a rien donné…

Tout ça a été très dur à vivre psychologiquement. J’ai fait un burn-out, j’ai été hospitalisé en psychiatrie. Je n’ai pas mis le nez dehors pendant des mois. Aujourd’hui, je touche le RSA, mais je suis toujours sous antidépresseurs. A un moment, j’ai voulu arrêter mon traitement, mais j’étais quasiment au bord du suicide tous les matins. J’ai aussi eu pas mal de soucis de santé. A cause des produits toxiques que je transportais, j’ai eu une perte du goût et de l’odorat, et des irritations au niveau des yeux. Je me dis souvent que si c’était à refaire, je ne le referais pas… C’est simple, ma vie est foutue aujourd’hui ! On a forcément des regrets, surtout quand on embarque toute sa famille dans ce genre d’histoire. Et après on vient nous dire qu’on est protégé par la loi. Pour moi, la loi Sapin II, c’est quatre planches, un cercueil ! Il faudrait que Monsieur Macron mette en place un véritable dispositif pour nous protéger, qu’on soit accompagnés dans notre reconversion, qu’on puisse avoir accès à un logement, à un psychologue pour les enfants…

« Les gens pensent qu’être lanceur d’alerte, c’est un métier, une vocation, une chance. C’est surtout pour moi un fardeau »

Les gens pensent qu’être lanceur d’alerte, c’est un métier, une vocation, une chance. C’est surtout pour moi un fardeau. Alors oui, tu acquiers une petite notoriété, on t’invite pour raconter ta vie et ta souffrance dans des conférences ou dans les médias. En tant que premier lanceur d’alerte du monde ouvrier, j’ai été pas mal médiatisé, et je le suis encore aujourd’hui. Mais au final, moi, je n’ai rien dénoncé, j’ai juste montré des choses qui étaient illégales. L’autre jour, quelqu’un est venu me voir pour me demander comment j’avais fait pour devenir lanceur d’alerte. Je lui ai juste répondu que ce n’était pas un choix. Je ne suis pas un héros, loin de là, mais plutôt une victime, citoyenne.

Aujourd’hui, on nous parle d’environnement tous les jours. Mais pourquoi ne fait-on rien contre un géant du CAC40 qui pollue ? Lakshmi Mittal [patron d’ArcelorMittal], qu’il récupère tous ses déchets chimiques et qu’il arrête de prendre la France pour une poubelle ! Quand il vient chez nous, il est toujours reçu en grande pompe à Versailles. Un mec comme  Nicolas Hulot l’a très bien expliqué, ce sont les industriels et les lobbys qui tirent toutes les ficelles, ce sont eux qui dirigent tout ! On devrait tous se mobiliser, essayer de faire bouger les lignes… Ce n’est pas les ronds-points qu’il fallait bloquer, mais les grandes industries (Arcelor, Total) car ce sont elles qui nous font vraiment du mal ! »