Covid-19, la piste de la chloroquine

Remède miracle pour les uns, médicament aux effets secondaires trop dangereux pour les autres… Les traitements contre le Covid-19 à base de chloroquine, un antipaludique, avaient été écartés mi-février, après une étude chinoise trop peu détaillée. Convaincu de son efficacité, le professeur marseillais Didier Raoult a pourtant lancé son propre essai clinique il y a quelques jours. Et les résultats semblent “prometteurs”.

mis à jour le 25 mars 2020

À travers le monde, les laboratoires cherchent la bonne formule pour trouver vaccins et médicaments contre le Covid-19. À Marseille dans les Bouches-du-Rhône, le professeur Raoult qui fait partie du conseil scientifique, a mené des essais cliniques avec un anti-paludique : la chloroquine.

C’est un médicament antipaludéen utilisé depuis plusieurs décennies et bien connu des voyageurs sous le nom de Nivaquine. Ces petits comprimés, recommandés lorsqu’on prévoit de se rendre dans une zone infestée par le paludisme, seront-ils demain le remède miracle pour guérir du Covid-19?

C’est ce qu’affirme le professeur Didier Raoult. Directeur de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille (Bouches-du-Rhône), il affirme que l’effet de ce médicament, connu sous le nom générique de chloroquine, est spectaculaire. Il assure que 24 patients atteints par le coronavirus ont pris du Plaquenil (l’un des noms commerciaux de la chloroquine) et que six jours plus tard, seulement 25 % d’entre eux sont encore porteurs du virus alors que 90 % de ceux qui n’ont pas reçu ce traitement sont toujours positifs.


Sur la table du professeur Parola, des courbes et des résultats selon lui prometteurs. Ce sont ceux de l’étude menée à Marseille dans les Bouches-du-Rhône pour tester l’efficacité d’un médicament antipaludéen proche de la chloroquine, cette fois utilisé contre le Covid-19. Sur 24 malades, les trois-quarts de ceux qui ont reçu ce traitement n’ont plus de traces du virus après six jours, contre seulement 10% pour les autres. 

« Ce ne sont que des effets d’annonce pour l’instant, et n’en faisons surtout pas le médicament miracle, implore le professeur Jean-Daniel Lelièvre, infectiologue à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (Val-de-Marne). Respectons les règles scientifiques : d’autres essais sont en cours sur d’autres molécules et il est exaspérant que des scientifiques fassent de grandes déclarations sur les effets d’un médicament sans même que l’on ait vu leurs résultats ou qu’ils aient été validés par leurs pairs. »

Le ministère de la Santé a donné son feu vert

Ces résultats sont encore plus spectaculaires lorsqu’on ajoute un antibiotique à l’antipaludéen. Au cinquième jour, dans ce groupe-là, plus aucun patient n’avait de virus détectable. Ca veut dire que plus aucun de ces patients n’étaient contagieux, explique le Pr Parola. Pour le confirmer, d’autres essais sont nécessaires sur un plus grand nombre de patients. Le ministère de la Santé a donné son feu vert. Sanofi, qui fabrique ce médicament, se dit prêt à offrir son aide.

« J’ai pris connaissance des résultats et j’ai donné l’autorisation pour qu’un essai plus vaste par d’autres équipes puisse être initié dans les plus brefs délais sur un plus grand nombre de patients », a indiqué lors d’une conférence de presse téléphonique le ministre de la Santé Olivier Véran, précisant que ces essais « ont déjà commencé à Lille je crois ».

Le ministre a souligné être « en liens très étroits avec le Pr Didier Raoult » qui a mené ces premiers essais à Marseille et en a réclamé l’extension, et il a exprimé l’espoir que ces nouveaux essais « permettront de conforter les résultats intéressants qu’il semble avoir obtenu ».

François Bricaire estime lui aussi qu’il faut « rester prudent ». « Ces résultats ont été obtenus sur un petit nombre de patients et il serait effectivement sage d’élargir les essais à davantage de malades et d’étendre ces essais à d’autres équipes de chercheurs ».

Quant à l’efficacité de l’antipaludéen, l’infectiologue rappelle que la chloroquine est « connue pour son action antivirale en laboratoire mais que, jusqu’à maintenant, cela n’a jamais donné de résultats sur l’homme en pratique ». « Peut-être que la chloroquine est efficace sur le Covid-19 mais on sait qu’elle ne l’est pas sur d’autres infections à coronavirus, ajoute Jean-Daniel Lelièvre. C’est pourquoi il faut vraiment rester prudent ».