Covid-19 : les «Luxfer» réclament la nationalisation de leur usine

Spécialistes de la fabrication de bouteilles d’oxygène médical dans les hôpitaux et redoutant une pénurie, les ex-salariés de l’usine basée dans le Puy-de-Dôme lancent depuis quelques semaines un cri d’alerte. Ils réclament la nationalisation de leur usine, fermée en 2019.

Le ministre de l’Economie a retoqué l’idée de nationaliser l’entreprise Luxfer qui fabrique des bouteilles d’oxygène médical. Or, en pleine crise sanitaire la France ne s’était-elle pas engagée à retrouver une part de souveraineté ? – 3 avr. 2020

En savoir plus sur RT France : https://francais.rt.com/france/73580-bruno-le-maire-refuse-nationaliser-luxfer-fabricant-bouteille-oxygene

Manquera-t-on bientôt de bouteilles d’oxygène pour soigner les malades atteints du Covid-19 ? C’est l’alerte lancée par les ex-salariés de Luxfer, seule usine en France à fabriquer des bouteilles d’oxygène médical, jusqu’à sa fermeture en 2019. Des voix s’élèvent pour demander sa réouverture et sa nationalisation.

C’était la seule usine en Europe qui fabriquait des bouteilles d’oxygène médical. Ces bouteilles qui sont aujourd’hui utilisées pour placer les patients atteints du Covid-19 sous oxygène lors de leur transfert d’un hôpital à l’autre, ou parfois dans l’établissement lui-même. Depuis mai 2019, le site Luxfer de Gerzat (Puy-de-Dôme) est fermé. L’entreprise (136 salariés) produisait des bouteilles de gaz haute pression pour le secteur médical et les sapeurs-pompiers, et n’était pas en mauvaise santé financière.

« Avant l’annonce du plan social en novembre 2018, le carnet de commandes était plein. Nous avions augmenté le bénéfice net de 55 %. On avait fait plus d’un million d’euros de bénéfice pour un chiffres d’affaires de 25 millions d’euros », rappelle Frédéric Vigier, ancien délégué CFDT de Luxfer. Au printemps 2019, le groupe britannique – qui avait racheté l’usine en 2001 à Pechiney – décidait pourtant de fermer le site, à la stupeur générale. 220 000 bouteilles d’oxygène médical y étaient produites chaque année.

«Entre six et neuf semaines pour remettre l’usine en route»

Très inquiets, les anciens Luxfer demandent donc au gouvernement français d’agir en urgence et de nationaliser l’usine de Gerzat afin de la réactiver. « Le président de la République l’a répété dans son discours : nous sommes en guerre. Il est aujourd’hui de son devoir de relancer le site. » Ancien délégué du personnel, Philippe Alves confirme que l’usine pourrait être opérationnelle rapidement. « Les machines sont en parfait état de marche. La DREAL (NDLR : administration qui contrôle notamment les activités industrielles) est venue le constater. » Car, depuis la fermeture de leur usine, les anciens salariés Luxfer ont mis toute leur énergie pour protéger l’outil de travail. Depuis le début de l’année, ils étaient même une vingtaine à occuper les lieux afin de s’assurer qu’aucune machine ne serait dégradée.

Par Cyril Michaud, correspondant Le Parisien à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) – Le 24 mars 2020

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Les salariés reprochent à la direction du groupe anglais de ne pas avoir examiné sérieusement leur projet de reprise, à travers une Scop (société coopérative et participative). Ils estiment par ailleurs que Luxfer n’a pas respecté ses obligations de revitalisation du site et les mesures d’accompagnement prévues dans le cadre du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Les Insoumis demandent la “nationalisation de Luxfer”

La crise sanitaire liée au Covid-19 doit nous obliger à prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre à l’urgence, assurer la continuité des soins et la solidarité internationale. Pourtant, les salarié·es du seul producteur de bouteilles d’oxygène aluminium d’Europe se battent depuis 16 mois contre la fermeture injustifiable de leur usine, mise en oeuvre par la direction de Luxfer, quitte à organiser une pénurie mondiale. Aux côtés des salarié·es en lutte, nous demandons aujourd’hui la nationalisation de l’usine pour fournir les hôpitaux en matériel d’oxygénothérapie portatif.

Comme beaucoup, nous avons découvert à l’occasion de l’annonce de sa fermeture le 26 novembre 2018 que cette entreprise discrète de la métropole clermontoise est l’un des leader mondiaux en son domaine. Elle n’a cessé d’être rentable, grâce à un savoir-faire unique au monde fort de 80 ans d’expérience.

Aux arguments sociaux, industriels et écologiques s’ajoute une nouvelle urgence, vitale

Pendant des mois, les salarié·es n’ont cessé de prospecter, de chercher des repreneurs, de négocier, de défendre et de promouvoir leur savoir-faire. Mais à chaque étape, c’est l’État français, la préfecture et le ministère qui ont fait primer le droit de propriété de l’actionnaire sur toute autre considération : sur la pérennisation de ce savoir-faire unique issu d’un fleuron industriel français ; sur l’avenir des familles des 136 salarié·es ; sur les considérations écologiques enfin : laisser à l’abandon un tel site industriel, c’est risquer à brève échéance une catastrophe écologique. Sans l’esprit de responsabilité et la détermination des salarié·es, ce sont des centaines de litres d’huiles industrielles et d’acides que l’État aurait laissé s’écouler dans la nature.

Mais aujourd’hui, aux arguments sociaux, industriels et écologiques s’ajoute une nouvelle urgence, vitale. L’assistance respiratoire et l’oxygénothérapie vont être déterminants dans le maintien en vie de milliers de personnes. Car le Covid-19 tue d’autant plus que nous sommes d’ores et déjà confrontés à un manque de moyens matériels pour permettre aux malades de respirer durant la phase la plus critique de la maladie, celle qui les place dans un état de détresse respiratoire gravissime, souvent cause de décès.

Nationalisons Luxfer, relançons la production en laissant les ouvriers s’organiser sur le site pour se protéger

À Gerzat, sur le site de Luxfer, la technologie existe, les machines sont prêtes à fonctionner. Les salarié·es sont là, n’attendant qu’un geste de l’État pour reprendre la production. Pour eux neuf semaines seraient nécessaires pour sortir les premières bouteilles d’oxygène.

À l’heure où on nous annonce au moins 4 semaines de confinement, sauvons une filière, sauvons notre industrie. Mais surtout, aujourd’hui, donnons-nous tous les moyens de venir à bout de cette effroyable épidémie. Nous devons tout mettre en œuvre pour que nos soignant·es aient les moyens de travailler, et sauver des milliers de vies. Nationalisons Luxfer, relançons la production en laissant les ouvriers s’organiser sur le site pour se protéger. Jusqu’ici, le silence du gouvernement français a été coupable. Dans le contexte sanitaire que nous connaissons, son inaction serait criminelle.”

Liste des signataires :

  • Marianne Maximi, conseillère municipale – Clermont-Ferrand 
  • Alparslan Coskun, conseiller municipal – Clermont-Ferrand 
  • Laurence Schlienger, conseillère municipale – Clermont-Ferrand 
  • Florent Naranjo, conseiller communautaire – Clermont Auvergne Métropole 
  • Emilie Marche, conseillère régionale – Auvergne Rhône-Alpes 
  • Le groupe parlementaire de La France insoumise à l’Assemblée nationale 
  • La délégation de La France insoumise au Parlement européen

le 4 avril 2020 – Par Redaction JDD


La CGT reproche aussi au groupe britannique Luxfer d’avoir créé une pénurie en fermant l’usine de Gerzat, mettant ainsi «en danger la sécurité de l’approvisionnement des systèmes de santé mondiaux». «Nous avons reconnu nos bouteilles sur un reportage montrant le manque de ces équipements en Italie», a expliqué le 19 mars à l’AFP Axel Peronczyk, l’un des anciens salariés et élu CGT de l’usine. Ces bouteilles sont utilisées notamment pour atténuer les symptômes de détresse respiratoire et éviter la réanimation ou lorsque les malades doivent être déplacés, comme dans le cas des transferts de patients depuis Mulhouse, a-t-il précisé.

Nationalisations

L’Etat tient-il un discours contradictoire ? Les élus, comme la centaine de salariés licenciés, avaient plutôt bon espoir après les différentes interventions gouvernementales, dont l’allocution du 12 mars du président de la République Emmanuel Macron : «Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché.» «Déléguer […] notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d’autres est une folie», ajoutait-il en exigeant que la France reprenne «le contrôle» tout en évoquant par un oxymore le besoin de «souveraineté européenne» avec «des décisions de rupture». Des phrases qui faisaient sans nul doute écho aux pénuries de médicaments et de matériels de santé, la France étant dépendante d’autres pays, comme la Chine. En ce sens, Bruno Le Maire avait par ailleurs évoqué le 18 mars sur BFM Business la possibilité de nationalisations de «certains fleurons industriels». Malgré la fin de non-recevoir donnée à Luxfer, Bruno Le Maire a réitéré ce 3 avril sur France 24 et RFI l’hypothèse de nationalisations «temporaires». Mais, semble-t-il, Luxfer en est d’ores et déjà exclu.

https://www.bfmtv.com/static/nxt-video/embed-playerBridge.html?video=6142484862001&account=876450612001

Nationalisation définitive de l’usine Luxfer Gerzat

https://www.change.org/p/emmanuel-macron-nationalisation-définitive-de-l-usine-luxfer-gerzat

LUXFER : L’ÉTAT COMPLICE DU CARNAGE INDUSTRIEL Abonnés

Le 10 février 2020

« On occupe l’usine jour et nuit pour empêcher notre patron de péter les machines ! »En quelques mots, Axel Peronczyk a tout résumé du drame absurde et violent qui se joue dans un petit coin de France oublié de nos dirigeants politiques et des grands médias. 

On est à Gerzat, commune de 10 000 habitants, tout près de Clermont-Ferrand. Ici, fin 2018, les dirigeants anglais ont décidé de fermer une usine historique, Luxfer, fabricant de bonbonnes à gaz pour les pompiers et les hôpitaux. 136 salariés sont sur le carreau, mais la lente désindustrialisation du pays ne se fait pas sans résistance. Depuis trois semaines, l’usine est occupée nuit et jour par les ouvriers qui protègent leur outil de travail : « Ici c’est chez nous ! »

À Gerzat, un reportage de Dillah Teibi et Aurélie Martin :

Axel, jeune délégué du personnel de 26 ans, refuse de parler au passé de cette usine de pointe dont les carnets de commandes étaient pleins, et qui faisait un chiffre d’affaires record de 30 millions d’euros l’année où ses dirigeants anglais ont décidé de la fermer. C’était un matin de novembre 2018.

Depuis, avec ses collègues, Axel Peronczyk mène une véritable guerre de tranchée contre cet ultralibéralisme autoritaire et absurde.

Malgré des bénéfices records et l’argent du CICE (environ 250 000 euros par an), les dirigeants anglais de Luxfer ont justifié les licenciements économiques sous prétexte de compétitivité, une possibilité introduite dans la « loi travail » de 2016 [1].

Les autorités françaises n’ont pas empêché le licenciement de 126 salariés sur 136 en juin 2019. A peine 15% des 126 ont retrouvé un emploi et encore, la moitié sont des emplois précaires. 
Aujourd’hui, les 10 salariés restants sont des salariés protégés du fait de leur mandat syndical, comme Axel.

Et, bien que le groupe anglais compte les mettre à la porte eux aussi, ces 10 salariés occupent l’usine avec leurs anciens collègues car leur combat est double. Oui, les licenciés ont rejoint leurs 10 camarades et bloquent jour et nuit l’accès au site contre les destructeurs. D’abord, ils veulent faire reconnaitre l’invalidité du licenciement économique, tout comme ont réussi à la faire nos amis GM&S. Mais surtout, ils veulent faire repartir les machines et la production notamment des bonbonnes pour appareils respiratoires [2] dont les pompiers et les hôpitaux ont toujours besoin.

Loin d’être résignés, les Luxfer espèrent la création d’une coopérative ouvrière ou l’arrivée d’un repreneur industriel.

Aujourd’hui, les «Luxfer» réclament la nationalisation de leur usine !