Les plaintes ‘baîllon’

Extrait – La Traque des Lanceurs d’Alerte
De Stéphanie Gibaud, lanceuse d’alerte UBS

Alors que j’ai dénoncé en 2008 des pratiques illicites de mon ancien employeur, me voici encore face à la justice en 2017 : UBS a porté plainte en diffamation contre mon éditeur et moi-même pour le livre témoignage120 que j’avais publié en 2014, je suis de facto « mise en examen » puisque c’est la règle dans notre pays en matière de droit de la presse. (…)

Les pressions sont exercées directement sur les collaborateurs, mais étrangement ceux qui publient des informations au moins aussi critiques sur la banque n’en subissent pas autant. 
Antoine Peillon, journaliste à La Croix, avait publié en pleine campagne présidentielle en mars 2012, précisément le jour où Jean-Frédéric de Leusse avait pris ses fonctions de président d’UBS à Paris, un livre intitulé Ces 600 milliards qui manquent à la France. 
UBS est largement ciblé dans cet ouvrage, mais étonnamment ni l’éditeur ni l’auteur n’ont été poursuivis en diffamation. 
UBS avait déclaré à l’époque à ses collaborateurs qu’elle n’en voyait pas l’utilité. Voilà qui donne matière à réflexion : pourquoi les lanceurs d’alerte subissent-ils plus que les autres des représailles en justice alors qu’ils ont par dé nition plus d’éléments que quiconque pour attester de la vérité ?

Cette décision d’UBS pourrait-elle avoir un lien avec le fait qu’en octobre 2014, le journaliste a catégoriquement refusé de me rendre les documents que je lui avais prêtés pour l’écriture de son ouvrage ? Je lui avais alors indiqué en avoir besoin dans le cadre de l’enquête en Belgique mais aussi pour collaborer avec les autorités d’autres pays. Comprenne qui pourra… 

(…)

Certains lanceurs d’alerte craquent, ils négocient leur silence avec leurs ex-employeurs au lieu de les attaquer en justice. J’ai entendu ici et là que l’on pourrait les comprendre, que la violence est trop dif cile à supporter. Je pense quant à moi que se taire, c’est encourager les fraudes, c’est aussi en être complice. 
Mon ex-avocat avait été contacté par UBS en mars 2015, juste après le rendu du jugement prud’homal reconnaissant le harcèlement que j’avais subi chez mon ex-employeur. UBS proposait un échange de bons procédés : la banque retirerait la plainte en diffamation déposée contre mon premier livre, “La Femme qui en savait vraiment trop” et me gratifierait d’un chèque de 50.000 euros si j’enlevais la plainte déposée en 2009 contre elle. 
Je m’étais alors remémoré cette tirade d’Hervé Falciani, dont le franc-parlé, qui déplaît fortement à certains, le caractérise : « On ne négocie pas avec une banque pas plus qu’on ne négocierait avec un terroriste. » Bien évidemment, je ne peux que lui donner raison sur ce sujet parce qu’il a la légitimité de le connaître mieux que quiconque, puisqu’il est à l’origine du scandale révélant l’existence d’un système international de fraude scale et de blanchiment d’argent qui aurait été mis en place par la banque HSBC à partir de la Suisse.

Illustration : 
Cérémonie du « bâillon d’or », le prix pour les rois de la censure