Macron, OIT et cap sur la présidentielle de 2022

Macron met en garde contre «le chaos qui vient» – vidéo

À la tribune de l’Organisation Internationale du Travail, le président a dénoncé l’évolution du capitalisme, la multiplication des «rentes» et des déséquilibres. Le chef de l’État a également affirmé avoir vécu la crise des «gilets jaunes» comme une «opportunité» de remettre «l’humain au cœur»

Un constat sombre et inquiet… et des solutions plutôt classiques. Dans un discours de trois quarts d’heure ce mardi à Genève, Emmanuel Macron a évoqué l’importance du dialogue social et de la négociation pour faire face aux dérèglements du capitalisme actuel, porteur d’un «risque de crise sans précédent».

Pour le centenaire de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Président de la République a pris la parole après Angela Merkel, et commencé par évoquer le bilan de la plus ancienne des organisations internationales existantes, née sur les cendres de la Grande Guerre. Célébrant l’idée qu’«on ne peut construire une paix durable sur la somme des injustices», le chef de l’État a rendu hommage aux pionniers: Justin Godard, Arthur Fontaine, Léon Jouhaud, Albert Thomas… Les fondateurs d’une organisation ayant adopté 189 conventions, avec des succès notables notamment dans la lutte contre le travail des enfants.

«La conscience a su se réveiller quand le chaos était là», a noté Emmanuel Macron, annonçant ensuite qu’à nouveau, le «chaos est là» aujourd’hui, avec «une crise profonde, économique, sociale, environnementale, politique et donc civilisationnelle» pour l’ensemble des démocraties et des pays d’économie sociale de marché. En cause? Le «dumping» sous toutes ses formes, et le «travestissement de notre économie mondiale» avec l’apparition de rentes illégitimes. «Quelque chose ne fonctionne plus dans l’organisation de ce capitalisme», a insisté le président, voyant dans les déséquilibres nouveaux le terreau des extrêmes et de la démagogie. Un constat plutôt commun, que venait toutefois assombrir les mots puissants de l’orateur, qui a indiqué que le monde actuel est «à l’orée d’un temps de guerre», et se disait «persuadé de la possibilité de l’effondrement des démocraties».

Plus de multilatéralisme pour lutter contre les inégalités

Sur le chapitre des solutions, le discours se faisait néanmoins plus technique et plus prudent, vantant des solutions éprouvées. La première nécessité pour remettre le capitalisme mondial sur les rails? Plus de multilatéralisme. «On ne peut pas réussir seul, il faut de la cohérence», avançait Emmanuel Macron, citant à plusieurs reprises le cadre européen comme particulièrement adapté, et vantant la mobilisation du gouvernement français pour un «salaire minimum européen». Sur la question des dettes publiques européennes, le président français demandait toutefois une certaine clémence: «je ne veux plus qu’en Europe nous considérions que le sujet de l’ajustement économique et financier et de la dette prévaut sur les droits sociaux, parce qu’à ce moment-là on nourrit les extrêmes, le doute».

Dans le temple de la négociation tripartite (gouvernements, organisations patronales et syndicats) de l’OIT, le président soulignait aussi l’importance du dialogue social pour lutter contre «toutes les formes d’inégalité», à commencer par les préjudices envers les femmes, mais aussi les problèmes nés de la transformation numérique. Sur ce point, Emmanuel Macron soulignait l’importance de mettre en place de nouveaux droits pour les travailleurs des plateformes en ligne. Le numérique permet de «réduire la pénibilité, mais il faut aussi montrer que ça ne se traduit par de la précarité et un recul des droits», mettait en garde le président français. Autre priorité du dialogue social, les «objectifs environnementaux».

Continuant sur les vertus du dialogue, le chef de l’État disait enfin avoir vécu la crise des «gilets jaunes» comme «une forme d’opportunité»: «nous avons entendu l’intuition et le message profond: nos concitoyens veulent plus de sens, plus d’humanité et plus de proximité».

Vidéo Europe 1 – Article www.msn.com/fr-fr/actualite

Emmanuel Macron a tenu un discours plein d’ambition lors de la Conférence internationale du travail à Genève. Il a promis de s’attaquer au néolibéralisme, affirmant que ses ravages sur le modèle social nourriraient «les extrêmes»;

nvité de l’Organisation internationale du travail (OIT) au Palais des Nations de l’ONU à Genève le 11 juin, Emmanuel Macron y a tenu un discours fort en promesses, sur fond de lourdes menaces. «Nous sommes à l’orée d’un temps de guerre», a ainsi prévenu le chef de l’Etat français, jugeant que la «crise profonde que nous sommes en train de traverser» pouvait non seulement conduire «à la désagrégation de nos démocraties», mais en plus, à un conflit.

«Je pense que le chaos est là», a déclaré Emmanuel Macron, expliquant que cette situation résultait selon lui du «travestissement» du libéralisme et de l’économie sociale de marché en «un modèle néolibéral et d’un capitalisme d’accumulation». L’ancien banquier d’affaires s’est alors lancé dans une critique féroce du modèle néolibéral, soulignant «l’autre face de la mondialisation» qui rime selon lui avec délocalisation, dégradation des conditions de vies, de travail ou encore dumping social et environnemental.

«La rente peut-elle se justifier dans ces conditions ? Lorsque la financiarisation de nos économies conduit à ces résultats ?», s’est interrogé l’ancien ministre socialiste, se désolant comme son prédécesseur, François Hollande, que le monde n’ait pas su tirer les conséquences de la crise de 2008.

Une crise qui nourrit les extrêmes

Emmanuel Macron est même allé jusqu’à regretter les «ajustements brutaux inédits depuis la deuxième guerre mondiale» qui ont été menés dans les pays du Sud de l’Europe, «avec des reculs qui ne s’étaient jamais connus en temps de paix», alors que dans le même temps, «l’accumulation des richesses dans certains lieux, et chez certains s’est accélérée».

Nous avons peut-être parfois construit des bonnes réponses trop loin de nos concitoyens

«Quelque chose ne fonctionne plus dans l’organisation de ce capitalisme, quand il profite de plus en plus à quelques uns et conduit à des déséquilibres territoriaux qui fracturent toutes nos démocraties», s’est-il encore inquiété.

«A l’orée d’un temps de guerre» : à l’OIT, Macron appelle à la refonte du système néolibéral

Désolé de voir une économie de marché «de moins en moins sociale», le président français a noté de façon assez étonnante que cette crise pouvait «paraître douce» parce que les victimes n’avaient «pas de porte-voix». «Ce qui fait douter nos concitoyens, c’est qu’ils n’ont plus leur part de progrès», a-t-il poursuivi, soulignant que face à cet échec du «multilatéralisme», le peuple se tournait vers «les extrêmes, la démagogie qui affaiblit la démocratie».

Soucieux de «remettre l’homme et l’humanité au cœur», Emmanuel Macron a estimé : «Nous avons peut-être parfois construit des bonnes réponses trop loin de nos concitoyens.»

Il a promis de «changer en profondeur le modèle productif», et de joindre les actes à la parole lorsqu’il serait face au Fonds monétaire international (FMI) ou au Conseil européen. «Je ne veux plus qu’en Europe, le sujet de l’ajustement économique et financier de la dette prévale sur les droits sociaux. Je ne veux plus d’accords commerciaux internationaux qui alimentent le dumping social et environnemental», a assuré le chef d’Etat.

Avant que ses alliés européens ne se réjouissent trop vite, rappelons que le 8 juin, Emmanuel Macron expliquait vouloir faire adopter «dans les meilleurs délais» le controversé traité de libre-échange entre le Canada et l’UE, le CETA. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

RT France – 11 juin 2019

A l’occasion des 100 ans de l’OIT, la France appelle à une réforme du capitalisme et de la mondialisation par news.un.org ARTICLE

Macron, cap sur la présidentielle de 2022

Alors qu’Édouard Philippe s’apprête ce mercredi à prononcer son discours de politique générale, censé lancer l’acte II du quinquennat, nul, dans la majorité, ne doute que Macron briguera un second mandat.

par Olivier Beaumont et Pauline Théveniau -|leparisien.fr – 11 juin 2019

Un second mandat en 2022 ? Y penser toujours, n’en parler jamais ! Dès la présidentielle de 2017, Emmanuel Macron a conçu son action sur dix ans. Deux quinquennats, donc. « Il était évident pour nous qu’on ne ferait pas tout en cinq ans », reconnaît Jean-Marc Borello, fidèle parmi les fidèles du président. Il n’est d’ailleurs pas rare que le chef de l’Etat enjambe lui-même le prochain scrutin présidentiel. Comme lors de sa conférence de presse du 25 avril, en programmant certains chantiers à l’horizon… 2025 !

Six mois après la crise des Gilets jaunes, la sortie du grand débat et le crash-test européen passés, le locataire de l’Elysée peut à nouveau se projeter. « On s’en sort plutôt pas mal », a-t-il récemment soufflé à l’un de ses visiteurs, soulagé d’avoir évité une débâcle le 26 mai. Certes, l’échéance présidentielle de mai 2022 est encore loin. « D’ici là, il sera mort dix fois… et ressuscité onze fois », relève un collaborateur qui s’attend encore à pas mal de secousses.

Et si aucune cellule n’est à ce jour constituée pour préparer la prochaine campagne – « trop tôt », jure-t-on, surtout pour Macron qui, de l’aveu d’un proche, « aime tout laisser ouvert jusqu’à la dernière minute » – le sujet est bien sûr omniprésent. « Cela se prépare dans la tête de ceux qui ont toujours fait de la politique », souffle un député marcheur, qui s’interroge sur les questions que chacun doit se poser dans les prochains mois : « Comment arrive-t-on à avoir une offre politique en 2022 ? Comment je fais pour être utile ? » Et surtout, dernier point existentiel : « Comment je fais pour être dans l’équipe de campagne ? »

« Il y a plein de rendez-vous avant »

À l’Elysée, comme au parti, on phosphore secrètement sur la structure politique qui permettra au chef de l’Etat de repartir en campagne. « Ceux qui en parlent sont des idiots, ce n’est pas sérieux. Il y a plein de rendez-vous avant », s’agace néanmoins un proche. Manière de dire que, officiellement, le chef de l’Etat est loin de tout cela. « Mais c’est bien de se poser les questions dès maintenant », reconnaît en privé l’un de ses stratèges, confiant que « le président s’intéresse à la manière dont est organisée sa majorité et dont sera constitué le dispositif politique en 2022. »

Et pas que… Pour se convaincre de son activisme, il suffit de voir ses récents et nombreux appels à des maires. « En dix jours, j’ai été en contact six fois avec lui », se targue l’un d’eux. « Il appelle pour prendre la température, savoir comment on sent les choses sur le terrain, l’après européennes, etc. Bref, il fait de la politique ! Et ceux qui disent le contraire, c’est du pipeau », résume un autre.

Signe qu’il n’est peut-être pas tout à fait serein pour la suite. « Il est comme tout le monde, il se remet en question. Il a surtout besoin d’avoir des gens du terrain pour lui dire les choses crûment. Ça lui évite, notamment, d’être soumis aux flagorneurs et aux valets qu’il peut croiser parfois », observe le maire LR (mais Macron-compatible) de Poissy, et président de l’association d’élus Génération Terrain, Karl Olive, contacté lui aussi.

Recomposer le paysage politique français

Des retours précieux pour savoir si l’acte II, tant vanté, et que le discours du Premier ministre Édouard Philippe ce mercredi doit concrétiser, portera ses fruits ? « Le président se représentera avec une chance d’être élu si les Français sentent que leur vie a changé », appuie Jean-Marc Borello, persuadé, comme l’entourage proche du chef de l’Etat, que la perception de l’action présidentielle, comme les résultats, seront les juges de paix pour 2022.

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photo : Dès son élection, Emmanuel Macron a conçu son action sur dix ans. Soit deux quinquennats… LP/Arnaud Journois

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