LIBERTÉ DE LA PRESSE. LONDRES S’APPRÊTE À LIVRER JULIAN ASSANGE AUX ÉTATS-UNIS

Ce vendredi 14 juin, nouvelle audience d’extradition pour Julian Assange, accusé d’espionnage.

L’audience devrait surtout avoir trait à des éléments de procédure, avec le dépôt des preuves à l’appui de cette demande d’extradition, a déclaré mardi le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson lors d’une conférence de presse. Julian Assange ne devrait pas être présent et s’il l’est, ce sera par visioconférence, a-t-il précisé.

La « première vraie confrontation des arguments », entre la défense et les autorités américaines, aura lieu dans plusieurs semaines, voire plusieurs mois, selon M. Hrafnsson.

Une précédente audience prévue fin mai avait été reportée, les avocats de l’Australien, actuellement détenu dans la prison de Belmarsh (sud-est de Londres) faisant valoir qu’il était en mauvaise santé.

Réfugié pendant près de sept ans à l’ambassade d’Equateur à Londres, où il a bénéficié de l’asile politique, M. Assange, 47 ans, en a été extrait le 11 avril par la police britannique avec l’aval de Quito. Il a été immédiatement placé en détention puis condamné à une peine de 50 semaines de prison le 1er mai pour violation des conditions de sa liberté provisoire.

Londres a signé le 12 juin la demande d’extradition de Julian Assange. Le ministre britannique de l’Intérieur Sajid Javid a signé la demande d’extradition vers les États-Unis de Julian Assange, accusé d’espionnage par Washington, annonce la BBC. Le ministre a déclaré jeudi sur la radio BBC4 qu’il avait signé la demande mercredi. “Je veux que justice soit faite à chaque fois, et nous avons là une demande légitime d’extradition, donc je l’ai signée”, a-t-il expliqué. “C’est maintenant aux tribunaux de décider”, a-t-il ajouté. Une audience est prévue vendredi devant un tribunal londonien, à laquelle l’accusé, actuellement emprisonné pour violation des conditions de sa liberté provisoire, devrait assister par visioconférence. Les États-Unis reprochent à l’Australien la publication en 2010 par WikiLeaks de 250 000 câbles diplomatiques et d’environ 500 000 documents confidentiels portant sur les activités de l’armée américaine en Irak et en Afghanistan.

Pour Julian Assange

par Serge Halimi – www.monde-diplomatique.fr

Fier comme Artaban, souriant, entouré d’une cinquantaine de photographes et de cadreurs, Jim Acosta a opéré, le 16 novembre dernier, son retour en fanfare à la Maison Blanche. Quelques jours plus tôt, il avait perdu son accréditation de correspondant de Cable News Network (CNN), mais la justice américaine a obligé le président Donald Trump à annuler la sanction. « C’était un test, et nous l’avons passé avec succès, a fanfaronné Acosta. Les journalistes doivent savoir que, dans ce pays, la liberté de la presse est sacrée, et qu’ils sont protégés par la Constitution [pour] enquêter sur ce que font nos gouvernants et nos dirigeants. » Fondu enchaîné, musique, happy end…

Réfugié depuis six ans à l’ambassade d’Équateur à Londres, M. Julian Assange n’a sans doute pas pu suivre en direct sur CNN un dénouement aussi émouvant. Car son existence à lui ressemble à celle d’un prisonnier. Interdiction de sortir, sous peine d’être arrêté par les autorités britanniques, puis, sans doute, extradé vers les États-Unis ; communications réduites et brimades de toutes sortes depuis que, pour complaire à Washington, le président équatorien Lenín Moreno a résolu de durcir les conditions de séjour de son « hôte » (lire « En Équateur, le néolibéralisme par surprise »).

La détention de M. Assange ainsi que la menace de quelques dizaines d’années de prison dans un pénitencier américain (en 2010, M. Trump avait souhaité qu’il soit exécuté) doivent tout au site d’information qu’il a fondé. WikiLeaks est à l’origine des principales révélations qui ont indisposé les puissants de ce monde depuis une dizaine d’années : images des crimes de guerre américains en Afghanistan et en Irak, espionnage industriel des États-Unis, comptes secrets aux îles Caïmans. La dictature du président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali fut ébranlée par la divulgation d’une communication secrète du département d’État américain qualifiant cette kleptocratie amie de Washington de « régime sclérosé » et de « quasi-mafia ». C’est également WikiLeaks qui révéla que deux dirigeants socialistes français, MM. François Hollande et Pierre Moscovici, s’étaient rendus, le 8 juin 2006, à l’ambassade des États-Unis à Paris pour y regretter la vigueur de l’opposition du président Jacques Chirac à l’invasion de l’Irak.

Mais ce que la « gauche » pardonne moins que tout à M. Assange, c’est la publication par son site des courriels piratés de la campagne de Mme Hillary Clinton. Estimant que cette affaire a favorisé les desseins russes et l’élection de M. Trump, elle oublie que WikiLeaks a alors dévoilé les manœuvres de la candidate démocrate pour saboter la campagne de M. Bernie Sanders durant les primaires de leur parti. À l’époque, les médias du monde entier ne s’étaient pas privés de reprendre ces informations, comme ils l’avaient fait pour les précédentes, sans pour autant que leurs directeurs de publication soient assimilés à des espions étrangers et menacés de prison.

L’acharnement des autorités américaines contre M. Assange est encouragé par la lâcheté des journalistes qui l’abandonnent à son sort, voire se délectent de son infortune. Ainsi, sur la chaîne MSNBC, l’animateur-vedette Christopher Matthews, ancien cacique du Parti démocrate, n’a pas hésité à suggérer que les services secrets américains devraient « agir à l’israélienne et enlever Assange »…

Serge Halimi

Un héros devenu l’homme à abattre – L’indomptable Julian Assange par Juan Branco VOIR ARTICLE


Denis Castellas. — « Secret Defense », 2009.


WikiLeaks, mort au messager – VOIR ARTICLE


Lauri Love


Un partisan de Julian Assange, avec une affiche du fondateur de WikiLeaks, se joint aux autres manifestants (dont 80 Guilets Jaunes français) pour bloquer une grande route devant le tribunal de Westminster Magistrates Court à Londres, le jeudi 2 mai 2019.

A supporter of Julian Assange, with a poster of the WikiLeaks founder, joins other protesters to block a major road in front of Westminster Magistrates Court in London, Thursday, May 2, 2019. (AP Photo/Frank Augstein)

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