Aéroport de Toulouse, vendu aux Chinois !

La vente aux Chinois validée par le Conseil d’État

Dans une décision rendue ce mercredi après-midi, le Conseil d’Etat valide la procédure de privatisation de la gestion de l’aéroport de Toulouse-Blagnac lancée par le gouvernement en 2015.

Eiffage bien parti pour gérer l’aéroport de Toulouse

La voie est désormais libre pour le groupe de BTP qui veut racheter les parts de la société chinoise Casil.

Sauf ultime rebondissement, Eiffage devrait débarquer à l’aéroport de Toulouse. Mi-mai, le groupe de BTP était entré en négociations avec le chinois Casil pour lui racheter ses 49,99 % dans le capital du cinquième aéroport français (9,6 millions de passagers en 2018). Mais le major français avait posé une condition pour réaliser cette opération: la validation par le Conseil d’État de la procédure de privatisation de 2015, au terme de laquelle Casil avait acquis les 49,99 % de l’État dans cette plateforme aéroportuaire. Une hypothèque qui n’était pas anecdotique: le 16 avril, la cour administrative d’appel de Paris avait annulé la cession par l’État de ses parts dans cet aéroport.

La condition posée par Eiffage est désormais remplie: mercredi, le Conseil d’État a estimé que cette privatisation s’était faite dans les règles. «La décision de désignation a été rendue au terme d’une procédure régulière», précise dans un communiqué la plus haute juridiction administrative française.

Mercredi soir, Eiffage reconnaissait donc à mots couverts que l’acquisition n’était plus qu’une affaire de mois. «Si les décisions de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) et de l’Autorité de la concurrence sont positives sur ce dossier, nous pourrons racheter les 49,99% de Casil dans l’aéroport de Toulouse», confie au Figaro Marc Legrand, directeur des concessions d’Eiffage.

La saga judiciaire de la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac s’achève-t-elle aujourd’hui ? Le Conseil d’Etat a jugé valide, dans une décision rendue le mercredi 9 octobre après-midi, la procédure de vente, en 2015, de 49,99 % des parts de l’Etat dans la société gestionnaire de la plateforme à Casil Europe, filiale du consortium chinois Symbiose. Cette décision était attendue puisque le 20 septembre dernier, le rapporteur public avait requis en ce sens.

Jean-Noël Gros  le 09/10/2019 – www.ladepeche.fr

La plus haute juridiction administrative vient doucher les espoirs des opposants à la privatisation regroupés dans un collectif. Déboutés devant le tribunal administratif de Paris en mars 2017, ils avaient remporté une victoire avec l’arrêt de la cour d’appel de Paris d’avril 2019. La cour avait jugé que le processus de sélection des candidats n’avait pas respecté le cahier des charges (présent au départ aux côtés de Casil, SNC Lavalin n’y figurait plus à la fin). C’était sans compter le pourvoi formé par l’Etat, rejoint par Casil Europe.

Dans la foulée de l’arrêt de la cour d’appel, les opposants avaient saisi le tribunal de commerce de Paris dans le but d’obtenir l’annulation de la vente elle-même. Cette procédure, liée à la première, semble aujourd’hui mort-née.

Le Conseil d’État  juge enfin  que « le choix du Consortium Symbiose comme acquéreur de la participation en cause n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Les arguments soulevés par les requérants ne sont en effet pas de nature à remettre en cause le choix des ministres ».

TOULOUSE LE 20 SEP 2019 MANIFSTATION DEVANT AEROPORT TOULOUSE BLAGNAC ATB CONTRE PRIVATISATION AEROPORT DE PARIS
photo : DDM THIERRY BORDAS

En annulant l’arrêt de la cour d’appel, ce que souhaitaient le ministère de l’Economie et des Finances et la société Casil à travers leurs pourvois en cassation, les magistrats du Conseil d’Etat estiment tout d’abord que « la décision de sélection de l’acquéreur a été prise à l’issue d’une procédure régulière ».  Ils relèvent en particulier  que « la procédure suivie pour choisir parmi les différents candidats a respecté les règles définies par le cahier des charges » et considèrent notamment que « ce cahier des charges n’interdisait pas que la composition d’un groupement candidat évolue au cours de la procédure »

Un Airbus A320 de British Airways décolle de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, près de Toulouse, le 19 octobre 2017. (Photo par PASCAL PAVANI / AFP)

Reprise de la vente

La conclusion de ce bras de fer judiciaire rouvre la voie à la vente des parts de Casil Europe. Après avoir démenti leur volonté de partir révélée dans les colonnes de La Dépèche en janvier 2019, les Chinois ont reconnu leur projet. Depuis, en mai, le groupe français de BTP Eiffage a annoncé être entré en négociations exclusives avec les actionnaires chinois qui ont fixé un prix plancher de 440 M€ pour ce qu’ils ont acheté 308 M€. 

Si Eiffage devient propriétaire de la plus grosse partie des parts de la société de l’aéroport, cela laisse intacte la question de fond posée par les quatre actionnaires locaux, CCI, Région, Département et Métropole, celle de la maîtrise publique de la plateforme aéroportuaire. Avec 10,01 % des parts, l’Etat reste en position d’arbitre. 

L’arrivée d’Eiffage, si elle se confirme, pourrait aussi être synonyme d’une gouvernance plus apaisée. Casil Europe, en votant chaque année une distribution de dividendes, en puisant parfois dans les réserves, s’est mis à dos les acteurs publics. Le 3 juin, pour bloquer cette distribution, ces derniers ont d’ailleurs obtenu du tribunal de commerce de Toulouse qu’il suspende l’assemblée générale des actionnaires. Celle-ci va pouvoir à présent se tenir et aborder ce sujet sensible.


Les réactions économiques et politiques

1. L’Etat, à l’origine du pourvoi devant le Conseil d’Etat, a réagi via l’Agence des participations de l’Etat : « L’Etat note avec satisfaction la décision du Conseil d’Etat, qui confirme le raisonnement de l’Etat et le fait que le cahier des charges de la privatisation a bien été respecté . Cette décision, qui juge au fond l’affaire et clarifie définitivement la situation juridique, permettra d’aboutir à une situation apaisée pour l’aéroport de Toulouse. Indépendamment des suites que donnera Casil Europe à la cession annoncée de sa participation à Eiffage, l’Etat maintiendra sa participation au capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. » 2. Casil Europe n’a pas officiellement réagi, Mike Poon, attendant de pouvoir joindre des actionnaires se trouvant en Chine. Mais c’est une satisfaction qui est également affichée par l’actionnaire majoritaire. 3. Me Léguevaques qui représente le collectif des opposants à la privatisation de la gestion de l’aéroport estime: « nous avons à faire plus à une décision politique qu’à une décision de justice ». Il annonce vouloir étudier l’arrêt avant de décider éventuellement « de poursuivre devant la Cour européenne des droits de l’Homme ou de relancer une action en nullité pour dol ». « Laissons nous le temps de réfléchir », a également réagi Chantal Beer-Demander, présidente du collectif. 4. La région Occitanie, le Conseil départemental de Haute-Garonne, Toulouse Metroole et la CCI :

« Nous prenons acte de cette décision qui ouvre la possibilité à Casil Europe de conclure ses négociations exclusives visant à la cession de sa participation de 49,9% de l’aéroport de Toulouse Blagnac », ont réagi les quatre actionnaires locaux de la SATB.

Notre inquiétude se porte désormais sur la tenue prochaine d’une assemblée générale concernant l’approbation des comptes de l’exercice 2018 de l’aéroport Toulouse-Blagnac et la distribution des dividendes. Celle-ci, qui devait avoir lieu le 5 juin 2019, a été ajournée à notre demande par le Tribunal de commerce de Toulouse, au motif de l’incertitude juridique qui pesait sur la cession des parts à Casil Europe par l’Etat.

Depuis son entrée dans le capital, Casil Europe a fait preuve d’une volonté systématique de ponctionner les réserves de l’aéroport de Toulouse Blagnac, dans une logique de rendement immédiat, déconnectée du développement à long terme de la société et de l’intérêt général du territoire. La décision de Casil Europe de céder ses parts à un nouvel actionnaire ne fait que renforcer notre vigilance.

Cette cession, si elle a lieu, devra permettre de définir la mise en place d’une nouvelle politique en matière de Gouvernance, de distribution de dividendes et d’investissements dans des perspectives de long terme pour cette infrastructure indispensable au développement économique.

Nous réaffirmons la nécessité d’une gestion majoritaire concertée avec les actionnaires publics de l’aéroport, qui seule permet de garantir la stabilité et l’avenir de cet équipement majeur pour notre territoire », ont-ils conclu.


Comment le Conseil d’Etat justifie-t-il sa décision ?
En annulant l’arrêt de la cour d’appel, ce que souhaitaient le ministère de l’Economie et des Finances et la société Casil à travers leurs pourvois en cassation, les magistrats du Conseil d’Etat estiment tout d’abord que « la décision de sélection de l’acquéreur a été prise à l’issue d’une procédure régulière ».  Ils relèvent en particulier  que « la procédure suivie pour choisir parmi les différents candidats a respecté les règles définies par le cahier des charges » et considèrent notamment que « ce cahier des charges n’interdisait pas que la composition d’un groupement candidat évolue au cours de la procédure ».
Le Conseil d’État  juge enfin  que « le choix du Consortium Symbiose comme acquéreur de la participation en cause n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Les arguments soulevés par les requérants ne sont en effet pas de nature à remettre en cause le choix des ministres ».

Depuis le jeudi 5 avril, l’embarquement de tous les passagers à l’aéroport Toulouse-Blagnac se fait par l’accès à la zone de contrôle du hall D. Celle du hall B a fermé. Pour les gestionnaires de l’aéroport, c’est un bon moyen de faire passer plus de monde devant les commerces !

Aéroport de Toulouse: les opposants à la privatisation sont inquiets

Publié le 27/09/2019

L’audience qui s’est tenue vendredi 20 septembre devant Conseil d’Etat à propos de l’aéroport de Toulouse-Blagnac n’est pas de bon augure pour les opposants à la privatisation de la plateforme. Le rapporteur public a demandé que l’arrêt de la cour d’appel de Paris soit cassé, autrement dit, que la procédure de privatisation d’ATB soit validée.

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«La privatisation d’Aéroports de Paris serait un scandale politique»

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Le Conseil constitutionnel a validé l’idée de soumettre au vote la cession d’Aéroports de Paris. La prochaine étape consistera à recueillir le soutien de 4,7 millions de Français.

Par Etienne Campion Publié le 28 février 2019

VOIR INTERVIEW

Coralie Delaume et David Cayla ont publié une pétition contre la privatisation d’Aéroports de Paris prévue par le gouvernement avec la loi PACTE. Ils expliquent pourquoi, selon eux, cette privatisation serait une absurdité économique, et un symbole de l’entêtement idéologique d’Emmanuel Macron.

David Cayla est économiste, maître de conférences à l’université d’Angers. Il est l’auteur, avec Coralie Delaume, de La Fin de l’Union européenne(Michalon, 2017), et son dernier ouvrage s’intitule L’économie du réel (De Boeck supérieur, 2018).

Ils s’apprêtent à publier 10+1 Questions sur l’Union européenne chez Michalon, pour orienter les citoyens sur les questions liées à l’Union européenne à l’approche des élections.

Ils publient une pétition: «Non à la privatisation d’Aéroports de Paris!».

Outre Aéroports de Paris, la loi PACTE prévoit de privatiser La Française des jeux et de vendre les parts que l’État détient encore dans Engie. Les trois entreprises rapportent environ 700 millions d’euros par an, dont 100 à 200 millions pour Aéroports de Paris.

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