Polynésie : les petits-enfants oubliés de la bombe

La Polynésie a déposé une plainte devant la Cour pénale internationale contre la France en raison des essais nucléaires expérimentés en Polynésie.

Source AFP – le 10/10/2018

Une plainte a été déposée le 2 octobre devant la Cour pénale internationale contre la France pour crimes contre l’humanité en raison des essais nucléaires expérimentés en Polynésie, a affirmé mardi à l’ONU le dirigeant indépendantiste polynésien Oscar Temaru. « Nous le devons à toutes les personnes décédées des conséquences du colonialisme nucléaire », a ajouté l’ex-président de la Polynésie, un archipel français situé dans le Pacifique et qui compte 270 000 habitants.

Cette annonce a été faite au cours d’une réunion sur la Polynésie française organisée au sein d’une commission de l’ONU spécialisée dans les sujets de décolonisation. « C’est avec un grand sentiment du devoir et de détermination que le 2 octobre nous avons déposé une plainte auprès de la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité. Cette poursuite en justice a pour objectif de demander des comptes à tous les présidents français vivants depuis le début des essais nucléaires contre notre pays », a-t-il dit.

« Le résultat direct d’une colonisation »

« Pour nous, les essais nucléaires français ne sont que le résultat direct d’une colonisation. Contrairement au discours français, nous n’avons pas accepté d’accueillir ces essais, ils nous ont été imposés avec la menace directe de l’établissement d’une gouvernance militaire si nous refusions », a aussi affirmé Oscar Temaru.

Le dirigeant indépendantiste a précisé qu’un « dialogue responsable » avait été recherché depuis 2013 avec « la puissance administrative » sous la supervision des Nations unies. Mais les appels à venir à la table de discussions faits à la France ont été « ignorés et méprisés », a-t-il affirmé. De 1966 à 1996, les atolls de Mururoa et Fangataufa ont été le théâtre de 193 essais nucléaires français, qui ont eu des effets sur la santé des populations et l’environnement. En 2010, une loi a instauré un dispositif d’indemnisation, mais il est jugé trop restrictif, selon des associations de vétérans touchés par des maladies radio-induites.

Il y a presque 50 ans, le 2 juillet 1966, la France procédait à son premier essai nucléaire en Polynésie, sous le nom de code « Aldébaran ». 192 autres tirs ont suivi, aériens puis souterrains, sur les atolls de Moruroa et Fangataufa, jusqu’à l’arrêt des essais en 1996. Pendant longtemps, l’armée française n’a rien dit des conséquences de ces essais sur la santé des militaires et des travailleurs civils qui y participaient, ou sur celle des populations qui habitent les îles environnantes, parfois situées à une centaine de kilomètres seulement. Les essais français étaient réputés avoir été « propres » et « maîtrisés ». On sait depuis quelques années déjà qu’il n’en était rien, que les militaires, les travailleurs et les populations ont été soumis à des doses de radioactivité parfois très importantes, qu’ils ont, pour certains, développé des maladies radio-induites, notamment des cancers. Aujourd’hui, on s’interroge sur la possibilité que ces personnes contaminées aient transmis à leurs enfants ou petits-enfants des maladies ou des malformations génétiques.



Michel Arakino, ancien militaire, plongeur à Moruroa et irradié
Michel Arakino, membre fondateur de l’association des anciens travailleurs de Moruroa Moru e Tatu

Edouard Fritch  » La Polynésie n’est pas une colonie qu’il faut décoloniser « 

le 08/10/2019 

Lors de son intervention devant la 4ème Commission de l’ONU, celle en charge de la décolonisation, le président Edouard Fritch a demandé à l’Organisation des Nations Unies de retirer la Polynésie de la liste des pays non autonomes.

Le 17 mai 2013, à l’Assemblée générale de l’ONU, la résolution L56 était adoptée, portée par les Iles Salomon, Nauru etTuvalu. Ce texte a permis la réinscription de la Polynésie sur la liste de l’Organisation des Nations Unies des pays non autonomes. Une réinscription chère au Tavini. 

Ce mardi 08 octobre, à l’occasion de la réunion de la 4ème Commission de l’ONU, en charge des questions de décolonisation, Edouard Fritch s’est exprimé. Le président du Pays a demandé le retrait de la Polynésie Française sur cette liste.  » La Polynésie n’est pas une colonie qu’il faut décoloniser «  a déclaré Edouard Fritch. Il poursuit  » notre population ne souffre pas de sévices ou d’oppression « . Outre Edouard Fritch, Teva Rohfritsch, Lana Tetuanui et Georges Moarii se sont exprimés. Le vice-président a indiqué que les Polynésiens  » ont très largement rejeté l’idée d’une séparation avec la République française « , lors des élections territoriales.

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La sénatrice a présenté son travail sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Elle a déclaré  » pour l’exercice non clos de 2019, 129 offres d’indemnisation ont été instruites dont 77 versées au 1er septembre 2019 pour un montant de 5, 9 millions d’euros « . Un travail  » concluant  » et  » fruit d’une  grande concertation réalisée en toute transparence avec le gouvernement central, pour sauvegarder les droits des polynésiens malades des essais nucléaires « .

Pour l’armateur, Georges Moarii,  » les Polynésiens ne sont pas colonisés. Les Polynésiens sont souverains sur leurs propres ressources naturelles « .

Après les représentants du Pays, ceux du Tavini sont intervenus. Le parti indépendantiste avait prévu plus d’une vingtaine de pétitionnaires. James Bahagwan, le président de la Conférénce des églises du pacifique a estimé que la Polynésie bénéficiait d’une  » autonomie fictive « . David Koubbi, l’avocat parisien d’Oscar Temaru, a ironisé sur  » un président autonomiste pour un pays non autonome « . Le député Moetai Brotherson, a déclaré à propos de la requête d’Edouard Fritch, «  il avait juré de ne pas demander le retrait de la Polynésie sur la liste des pays à décoloniser, il a menti et il vous a menti comme il l’a fait pendant 30 ans « .

L’Assemblée approuve les indemnisations de victimes d’essais nucléaires en Polynésie

Une commission sera chargée de veiller à ce que l’indemnisation soit réservée aux personnes dont la maladie est causée par les essais.

Publié le 10/10/2018 

L’ Assemblée nationale, unanime, favorise l’indemnisation des victimes d’essais nucléaires en Polynésie en supprimant la notion de « risque négligeable » jusqu’alors en vigueur, lors d’un vote qualifié d’« historique » par plusieurs orateurs.

Initialement favorable à simple abaissement du seuil de risque pris en compte, le gouvernement s’est finalement rangé à cette mesure souhaitée par députés et sénateurs de tous bords, après des discussions lors d’une interruption de séance de plus d’une heure. Il a fait préciser qu’une commission serait chargée, un an après la promulgation de la loi, de veiller à ce que l’indemnisation soit réservée aux personnes dont la maladie est causée par les essais.

Le président français François Hollande (C) visite le marché de Papeete, la capitale de l’île polynésienne française de Tahiti, le 22 février 2016, lors d’une visite de deux jours.
AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN

Un engagement de François Hollande

L’ensemble du projet de loi pour « l’égalité réelle outre-mer », dans lequel a été inséré ce changement pour les Polynésiens, a été adopté définitivement dans la foulée, là encore à l’unanimité, par les 31 députés présents. Des applaudissements ont alors retenti dans un hémicycle où l’émotion était palpable.

Malgré la loi Morin de 2010 sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires réalisés entre 1960 et 1996, et malgré diverses modifications apportées en 2013, quantité de dossiers ont été rejetés, notamment au motif que le risque d’un lien entre la maladie et les impacts des essais serait inférieur à 1 %, « risque négligeable ».

Lors de son voyage à Papeete en février 2016, le président François Hollande s’était engagé à élargir les conditions d’indemnisation des victimes des essais nucléaires. L’idée initiale était de passer par un décret, notamment pour ramener la probabilité de risque négligeable de 1 à 0,3 %, mais le Conseil d’État avait préconisé une loi.

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Essais nucléaires en Polynésie : les petits-enfants oubliés de la bombe

L’étude menée par le Dr Christian Sueur sur des enfants polynésiens dont les grands-parents ont travaillé sur les sites des explosions atomiques atmosphériques est alarmante.

Le 20 janvier 2018 

C’est un rapport qui dérange. Les essais nucléaires atmosphériques qui ont eu lieu, entre 1966 et 1974, en Polynésie française, ont-ils eu des répercussions génétiques sur les descendants des vétérans du Centre d’Essais du Pacifique (CEP) ayant participé à ces essais, et plus largement sur les populations locales? C’est ce que laisse entendre le rapport alarmant du Dr Christian Sueur, responsable jusqu’en décembre 2017 de l’unité de pédopsychiatrie du Centre Hospitalier de Polynésie française. Dans ce document que nous avons pu nous procurer, ce praticien, retourné en poste en Métropole depuis janvier, relève des anomalies morphologiques parfois couplées à des retards mentaux chez de nombreux enfants.

Les observations du docteur Sueur sont le fruit d’un travail de consultation et de recherche clinique, mené entre 2012 et 2017. Un travail réalisé à Tahiti, et dans cinq archipels, en particulier aux îles des Tuamotu-Gambier, l’une des zones les plus touchées par les retombées radioactives des 46 essais atmosphériques polynésiens menés durant huit ans à Mururoa et Fangataufa.

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Essais nucléaires : les atteintes aux enfants

février 2016

50 ans après le premier essai, les Polynésiens restent sans réponse crédible sur les risques auxquels ils ont été exposés. Pourtant, la population en subit toujours les conséquences sur sa santé et son environnement. Son mode de vie, sa culture, ses relations économiques et politiques ont été bouleversés. Au point qu’en février 2016, 20 ans après la fin des essais, l’association 193 a recueilli en Polynésie près de 30 000 signatures à une pétition pour demander réparation à la France.
Dans ce nouveau dossier — publié à l’occasion de la première visite du président François Hollande en Polynésie, les 22 et 23 février 2016 — nous nous intéressons aux conséquences sur les personnes les plus fragiles — enfants et femmes — qui sont d’autant plus préoccupantes qu’elles comportent des risques d’atteintes génétiques affectant les générations suivantes.
La levée du secret défense, en 2013, sur près de 400 documents de la période des essais nucléaires permet de constater que depuis 1960 le Service de santé des armées, les ministres de la défense et les présidents de la République successifs, étaient parfaitement informés, essai après essai, des risques sanitaires auxquels étaient exposés les populations et les personnels des sites nucléaires. Mais il n’y a eu aucune volonté de prévention et de suivi de la part des autorités sanitaires françaises.
Bien au contraire, puisque depuis le début des essais nucléaires jusqu’au milieu des années 1980, la santé publique en Polynésie était assurée par le Service de santé des armées qui a tout fait pour couvrir du secret militaire les données sanitaires.

« Nos enfants marchent sur du plutonium »Roland Oldham, président de l’association Moruroa e tatou

Mort de Jacques Chirac : la polémique des essais nucléaires a marqué sa présidence

ÉCLAIRAGE – La présidence de Jacques Chirac a été notamment marquée par la reprise des essais nucléaires en Polynésie. Une décision, qui à l’époque, a suscité une forte polémique.

Nous sommes le 13 juin 1995, Jacques Chirac vient tout juste d’être élu et lors de sa première conférence de presse, on lui pose une question sur la Défense française et l’arme nucléaire. L’idée de reprendre les essais dans le Pacifique est dans l’air, on pense que ce sera vite oubliée, la réponse restera dans l’Histoire.

Jacques Chirac annonce la fin des essais nucléaire mais… on va continuer à en faire quelques-uns, pour être bien sûr que ça en vaut la peine. Immense émotion dans le monde entier et notamment dans le Pacifique, la Nouvelle-Zélande, l’Australie et les États-Unis.

Tous critiquent ce président à peine élu. Nombreux sont également les journalistes et spécialistes de la chose nucléaire soufflés par la décision de Jacques Chirac, qui en parlait à demi-mots depuis son élection. Beaucoup interprètent la reprise des essais nucléaires comme un salut à De Gaulle et le principe de souveraineté, d’autres comme un pied de nez à François Mitterrand qui avait signé un moratoire sur les essais nucléaires en Polynésie en 1991.

En septembre 1995, le « mangez des pommes » de Chirac se transforme en « vous aimez les champignons ? ».

Un timing désastreux et une forte contestation

Avec la reprise des essais nucléaires, Jacques Chirac doit donc faire face à une mobilisation internationale et nationale. Déjà en raison d’un timing assez désastreux, puisque l’ancien président effectue cette annonce deux mois avant les commémorations du cinquantenaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, c’est fâcheux.

Et nucléaire et Polynésie, ça rappelle en plus l’affaire du « Rainbow Warrior », le bateau de Greenpeace coulé par la France dans le port de Auckland en 1985, parce que voulant déjà bloquer les essais nucléaires français. En 1995, Greenpeace repart au combat, se fait arraisonner près de l’atoll de Mururoa, mais la contestation des écologistes est lancée.

Les manifestations se succèdent à Paris, et, en septembre, à Papeete, la tension monte au moment du premier essai nucléaire, finalement au nombre de six. En janvier 1996, Chirac stoppe cette campagne. Depuis, sur place, les habitants attendent la reconnaissance des préjudices de ces essais.

Conséquences sanitaires, sociales et environnementales pour les habitants de Mururoa et Fangataufa, les deux atolls qui ont servi de décors à ces essais souterrains, pendant trente ans. On ne compte plus les cancers et les conséquences sur le corail, irréversibles. Il fallait arrêter cela, « notre maison brûle », pourquoi l’attiser ? Cette reconnaissance des conséquences est arrivée en mai dernier mais fait toujours débat.

A VOIR – Les liens

Polynésie : un crime d’État reconnu 59 ans après – 14/10/19 – https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/polynesie-un-crime-d-etat-reconnu-218554

DÉCOLONISATION, ESSAIS NUCLÉAIRES, INDEMNISATION ENCORE À L’ONU 04/10/19 – https://www.radio1.pf/decolonisation-essais-nucleaires-indemnisation-encore-a-lonu/

Article paru en février dernier dans Le Parisien au moment de la visite de François Hollande en Polynésie française

Site du ministère de l’environnement de Polynésie

Article sur le site de l’Observatoire des armements

Article de Christian Sueur sur le site Médiapart

Association de défense des victimes des essais nucléaires français en Polynésie

Mémorial des essais nucléaires de Morura 

Sur le site « Sciences et avenir », « Les victimes des essais nucléaires en Polynésie peinent à se faire indemniser »

Sur le site « France 24 », « Mururoa et Fangataufa : vingt ans après les essais nucléaires, Hollande prié de s’excuser »

Sur le site « Arte », article du 30 septembre 2015, dossier sur les essais nucléaires, « L’exemple de Mururoa »

Sur le site « Ina », article du 10 juin 2015, « Les essais nucléaires en Polynésie »

Sur le site « RFI », article du 04 juillet 2013, « Les secrets des essais nucléaires français dévoilés »

Comment l’atoll de Mururoa est-il nettoyé ? Que peuvent obtenir les victimes des essais nucléaires ? Quel regard porte aujourd’hui l’armée sur ces essais ? Benoit Duquesne et ses invités ouvrent le débat.


le 24/07/2013

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