Droits de propriété dissociés entre foncier et bâti !

L’Assemblée nationale a adopté jeudi 28 novembre une proposition de loi MoDem qui vise à réduire le coût du foncier, tout en renvoyant à des ordonnances une des principales dispositions qui vise à généraliser un nouveau droit de propriété, en permettant de posséder les murs mais pas le terrain.

Vers la création d’un 3e droit de propriété ?

La proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale ce jeudi 28 novembre propose ainsi la création d’un troisième droit de propriété, qui viendrait aux côtés de la propriété classique foncière et de la propriété par démembrement (nu-propriété et usufruit).

Julien Denormandie, ministre du Logement, s’est félicité de l’adoption de cette proposition de loi en première lecture : « Trop de Français sont empêchés d’accéder à la propriété à cause des prix du logement, en particulier dans les zones tendues. Tout l’enjeu de cette proposition de loi soutenue par le Gouvernement est d’en permettre l’accès à un maximum de ménages », a-t-il réagit.

Nouveau droit de propriété immobilier

Le texte qui entend « redonner du souffle au budget des Français«  sur le logement, selon son rapporteur Jean-Luc Lagleize, a été adopté en première lecture par 80 voix et 10 abstentions dans le cadre d’une journée consacrée aux propositions MoDem. Le ministre du Logement Julien Denormandie a salué un texte « extrêmement important » fruit d’une « co-construction », la proposition reprenant une partie des propositions du député centriste dans un rapport remis au Premier ministre.

Le texte, qui reprend sept des 50 propositions du député centriste Jean-Luc Lagleize dans un rapport remis au Premier ministre, a été adopté en commission mercredi, après avoir été amendé. Il sera examiné dans l’hémicycle jeudi prochain dans le cadre d’une journée consacrée aux propositions du MoDem avec quatre autres textes.

La proposition entend créer un « troisième droit de propriété » en plus de la propriété classique foncière, et de la propriété par démembrement (nue-propriété et usufruit). Ce nouveau droit consistera en la « dissociation entre le foncier et le bâti« , selon M. Lagleize. Cela permettra notamment aux maires qui le souhaitent « de mettre en place une plus grande mixité sociale dans leurs zones tendues », affirme l’élu de Haute-Garonne.

Concrètement, il s’agit de permettre aux collectivités de créer un office foncier libre (OFL), qui leur permettrait de proposer des baux sur le foncier qu’elles aménagent (domaine privé des collectivités, de l’État ou de ses établissements publics). Les députés ont prévu, à l’initiative des communistes, que les OFL devront être gérés par des sociétés à capitaux publics ou majoritairement publics pour prévenir les risques spéculatifs.

LREM a plaidé en commission pour que la disposition soit renvoyée à une habilitation au gouvernement à procéder par ordonnance, suscitant des critiques de l’opposition. Parmi les autre mesures, figure la suppression à compter de 2021 des ventes aux enchères lors des cessions de foncier par l’Etat ou les collectivités. Celles-ci ont « un effet positif immédiat », mais « délétère » sur les quartiers où elles ont lieu en créant « une nouvelle référence » de prix, selon M. Lagleize.

Egalement au menu de la « niche » MoDem, une proposition de Cyrille Isaac-Sibille prévoit la création de « points d’accueil pour soins immédiats », « chaînon manquant » entre la médecine de ville et les urgences. Le texte a été vidé d’une partie de sa substance en commission. Trois autres textes doivent être examinés en procédure simplifiée – sans débat dans l’hémicycle -, dont un qui entend pérenniser une expérimentation en Ile-de-France permettant de préempter des espaces boisés, et un autre visant à améliorer la trésorerie des associations. Le troisième, déjà adopté en mars au Sénat, vise à abroger 49 lois devenues obsolètes, à l’image d’une loi de 1881 qui rend obligatoire « l’alcoomètre centésimal de Gay-Lussac »…
En savoir plus sur https://www.francetransactions.com/actus/immobilier/marche-immo/vers-un-nouveau-droit-de-propriete-dissociant-le-foncier-et-le-bati.html#Pt76Vp7KcEpl67d0.99

Un troisième droit de propriété

Une des dispositions les plus innovantes consiste à généraliser à l’ensemble des logements un « troisième droit de propriété » en plus de la propriété classique foncière, et celle par démembrement (nue-propriété et usufruit) en dissociant le bâti du foncier.

Être propriétaire d’une maison mais pas du terrain sur laquelle elle est construite… Pas commun.

Un particulier pourrait ainsi être propriétaire des murs de son logement mais pas du terrain sur lequel il est bâti. La mesure a été renvoyée à des ordonnances à l’initiative du gouvernement et avec l’aval du rapporteur, ce qu’ont déploré plusieurs élus d’opposition. Le ministre s’est dit « profondément convaincu« , de la pertinence du dispositif mais a estimé qu’ilfallait qu’il soit bien sécurisé s’engageant à avancer de manière « la plus rapide possible ».

Ce dispositif existe déjà pour les ménages modestes via les organismes de foncier solidaire (OFS) et l’idée est de permettre de l’élargir à tous les logements via des offices foncier libre (OFL). Dans un communiqué, M. Denormandie souligne que « ce dispositif a su convaincre les collectivités, avec une vingtaine d’OFS créées en 2 ans » – y compris à Paris – et « plus de 8.400 logements » programmés, ajoutant que « fort de son succès son principe sera élargi prochainement » grâce aux OFL.

Parmi les autre mesures de la proposition MoDem, figure la suppression à compter de 2021 des ventes aux enchères lors des cessions de foncier par l’État ou les collectivités, au motif qu’elles ont un impact « délétère » sur les prix. A l’initiative de LREM, elle a été limitée aux zones tendues, M. Denormandie vantant déjà un changement majeur avec « l’arrêt du tout-adjudication ». A l’issue des débats, les élus d’opposition ont exprimé leur déception, jugeant la proposition « malmenée » par LREM et le gouvernement (PCF) ou « affaiblie » (UDI-Agir). Le ministre a lui mis en avant l’ »immense avancée » de la création des OFL tout en reconnaissant que le recours aux ordonnances n’est « jamais satisfaisant » pour les parlementaires.

Source : www.francetransactions.com


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Logement : au Royaume-Uni, la dissociation du foncier et du bâti remonte à l’époque féodale

Acheter un bien immobilier revient le plus souvent, outre-Manche, à contracter un bail emphytéotique pour une durée limitée. La moitié de l’Angleterre reste ainsi détenue par moins de 1 % de la population.

C’est un système qui remonte à l’époque féodale. Lorsqu’on devient propriétaire d’un bien immobilier, au Royaume-Uni, c’est le plus souvent pour une durée limitée. Acheter revient à contracter un bail emphytéotique (un « leasehold ») qui donne un droit de pleine propriété reconnu comme absolu sur le bâti, mais seulement pour une période de 21 à 99 ans. Cela peut aller jusqu’à 125 ans, parfois plus. Mais ce n’est pas pour l’éternité.

Rente à verser

Largement répandu dans tout le pays, à l’exception de l’Ecosse, et notamment dans les grandes villes, le « leasehold » donne à l’occupant la possibilité de revendre son droit à tout moment. Il peut aussi hypothéquer ou louer son bien sans restriction. Mais il doit, en contrepartie de son droit de jouissance, s’acquitter d’une rente auprès du bailleur (le « freeholder »), qui reste propriétaire du terrain et auquel revient le logement à l’issue du bail. Enfin, il doit lui verser un service annuel couvrant les frais d’entretien et de gestion des parties communes.

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Si la très grande majorité des appartements est placée sous ce statut, il est aussi possible d’acquérir un bien en pleine propriété, notamment lorsqu’il s’agit d’une maison individuelle. Mais cela reste difficile. Le « freeholder » détient alors à la fois la propriété perpétuelle du foncier et du bâti. Un droit qui ne prendra fin que dans le cas où il n’a pas d’héritier et aucun testament n’a été rédigé. Le bien retournera alors… à la Couronne britannique !

Concentration de la propriété du foncier

Seule évolution notable dans ce dispositif ancestral : depuis 1993, les « leaseholders » d’un immeuble ont le droit de racheter collectivement le foncier auprès du « freeholder ». Dans ce cas, le sol, les murs et les parties communes peuvent depuis 2002 devenir la propriété d’une société, et une copropriété est créée, qui donne à chacun des copropriétaires un droit de vote pour décider de l’entretien de l’immeuble.

Principale conséquence de ce système à deux vitesses, le Royaume-Uni est le pays européen où la propriété du patrimoine foncier est la plus concentrée. La moitié de l’Angleterre est détenue par moins de 1 % de la population, a calculé Guy Shrubsole dans un récent livre intitulé « Who owns England ? », cité par le «  Guardian  ». Ces grands propriétaires seraient 25.000 tout au plus : 30 % seraient des aristocrates et des membres de la petite noblesse (la « gentry »), sans aucune redistribution depuis des siècles, 18 % des entreprises, 17 % des oligarques et des banquiers de la City. Le service public posséderait 8,5 % des terres anglaises, les fonds de conservation du patrimoine 2 %, la Reine et la famille royale 1,4 % et l’Eglise anglicane 0,5 %.

Ducs de Westminster

Aujourd’hui encore, les quartiers les plus huppés de Londres, Mayfair et Belgravia, restent la propriété de Grosvenor, la structure portant l’empire immobilier des ducs de Westminster… depuis le mariage en 1677 de sir Thomas Grosvenor avec une héritière, Mary Davies, lui apportant 500 acres de terrains à Londres. Au décès de Gerald Cavendish Grosvenor, en 2016, son fils Hugh a hérité d’ un groupe de 15 milliards d’euros d’actifs .

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« Aucune réforme de politique foncière n’a, jusqu’à présent, lutté contre ce phénomène [de concentration du patrimoine foncier]. L’action foncière au Royaume-Uni vise principalement à remédier à la pénurie de logements et à limiter la volatilité des prix », souligne le rapport du député français Jean-Luc Lagleize sur la maîtrise des coûts du foncier, commandité par le gouvernement français et dont certaines dispositions ont été votées ce jeudi à l’Assemblée nationale.

Par Alexandre Counis , Correspondant à Londres – Publié le 28 nov. 2019

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