Le rapport qui hérisse le gouvernement

La dernière étude de l’OFCE confirme que Macron est le Président des riches

La politique budgétaire et fiscale menée depuis 2018 a favorisé le pouvoir d’achat des plus aisés au détriment des plus modestes, selon un rapport d’économistes publié mercredi 5 février 2020. Des conclusions contestées par le gouvernement, qui défend sa politique.

Selon l’OFCE, «les ménages appartenant aux 5% les plus pauvres devraient voir leur niveau de vie se réduire d’environ 240 euros sous l’effet des mesures socio-fiscales mises en œuvre entre 2018 et 2020», tandis que les 5% les plus riches gagneront 2.905 euros de plus.

“Président des riches”. C’est l’image qui colle à Emmanuel Macron depuis son arrivée à l’Élysée, et elle s’est encore renforcée avec le mouvement des “gilets jaunes”, qui s’est cristallisé sur les enjeux de pouvoir d’achat.

Plusieurs rapports d’économistes publiés ces derniers mois montraient déjà que les ménages modestes n’avaient pas été les plus gagnants de la hausse globale du pouvoir d’achat, estimée à 17 milliards d’euros entre 2018 et 2020. Un gain qui représente “quelque chose de totalement massif” et un “effort sans précédent”, défend-on à Bercy.

Mais le rapport publié mercredi par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), organisme plutôt classé à gauche, va plus loin: selon ses calculs, “plus des deux tiers des ménages appartenant aux 10% les plus modestes affichent des pertes de revenu disponible” sur la période, quand le reste des Français l’ont vu augmenter.

Rien que pour 2020, 15% des ménages les plus modestes vont voir leur niveau de vie “amputé”, en particulier par les réformes des allocations chômage et logement, précise l’OFCE.

A l’inverse, “les grands gagnants” seront plutôt ceux dont le niveau de vie est supérieur au niveau de vie médian. Et entre 2018 et 2020, un quart des 17 milliards d’euros de gains de pouvoir d’achat ont profité aux 5% des ménages les plus aisés.

Une conclusion qui a suscité de nombreuses réactions de l’opposition de gauche. “Quand une étude de l’OFCE confirme le bien fondé de toutes nos critiques faites pendant le débat du #plf2020 (projet de loi de finances 2020) Emmanuel Macron est toujours plus le président des ultra riches au détriment des plus pauvres”, a ainsi réagi le député France insoumise Eric Coquerel sur Twitter. 

– querelle de méthode –

Après la publication du rapport de l’OFCE, le gouvernement s’est empressé de renvoyer à sa propre étude, jointe au dernier projet de loi de finances à l’automne dernier. Selon celle-ci, le niveau de vie des 10% de ménages les plus pauvres devrait progresser de 2,3% entre 2018 et 2020.

Selon Bercy, “il y a des mesures qui n’ont pas été prises en compte dans le rapport de l’OFCE”, par exemple l’augmentation du taux de recours de la prime d’activité, soit un manque d’environ un milliard d’euros, le 100% santé, ou encore des revalorisations du RSA fin 2017 ou de l’allocation de soutien familial en 2018.

Le ministère de l’Économie relève des “désaccords méthodologiques” qui faussent le résultat: comme l’évaluation de la baisse des dépenses de tabac induites par la hausse de la fiscalité ou celle de l’impact sur le revenu des ménages du retour à l’emploi de certains Français modestes. Bercy publiera d’ailleurs prochainement une étude sur ce sujet.

Des critiques en partie fausses, répond à l’AFP Mathieu Plane, un des auteurs du rapport, par exemple sur le 100% santé. Il concède toutefois le désaccord de méthode sur les prix du tabac, estimant que l’expérience passée “donne plutôt raison” à l’OFCE.

A l’inverse, il note que le gouvernement ne semble pas prendre en compte la hausse des recettes de l’impôt sur le revenu l’an dernier et qu’il ne répartit pas de la même manière l’impact de la fiscalité écologique entre ménages et entreprises.

Mais au-delà du niveau de vie, le rapport montre que “le vrai facteur discriminant, c’est l’activité”, juge Pierre Madec, économiste à l’OFCE. Les inactifs (chômeurs et retraités) ont ainsi “plutôt été mis à contribution pour financer les augmentations [de pouvoir d’achat] des actifs”, a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse.

Un résultat qui résonne avec le discours martelé par le président de la République et le gouvernement depuis le début du quinquennat: “il faut que le travail paye mieux”.

Une priorité qu’on “assume” à Bercy. La politique du gouvernement “soutient de manière massive les revenus du travail”, et c’est “un axe majeur sur lequel le ministre Bruno Le Maire s’est toujours engagé: il faut que le travail paye davantage”.

Source : www.publicsenat.fr – 05/02/2020

C’est une étude qui tombe mal pour le gouvernement. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a présenté ce mercredi 5 février les effets estimés des politiques fiscales et sociales de l’exécutif sur les ménages français. Ses résultats confirment le caractère favorable aux classes supérieures de la politique d’Emmanuel Macron. Déjà empêtré dans une réforme des réformes dont il n’a pas pu dissimuler le caractère néolibéral, voilà l’hôte de l’Élysée à nouveau confronté à cette image de «président des riches» dont il n’a jamais pu se débarrasser.

L’OFCE a intégré les mesures prévues dans le budget 2020 dans son modèle Ines pour estimer l’effet sur le niveau de vie des différentes couches de la population. Au total, l’institut estime à 5,2 milliards d’euros net les mesures de soutien du pouvoir d’achat des ménages sur l’année 2020 après 12 milliards d’euros sur l’année 2019. En tout, les mesures prises dans la foulée du mouvement des gilets jaunes s’élèvent sur ces deux années à 17,3 milliards d’euros. Autrement dit, sans ce mouvement et sa réponse contrainte, la politique du gouvernement n’aurait eu aucun impact global sur le pouvoir d’achat. Il est donc toujours utile de rappeler que ces politiques favorables aux ménages ont été mises en place sous la pression de la rue et ne constituent pas le cœur de la politique économique du gouvernement.


Emmanuel Macron reste un «Robin des Bois à l’envers»

5 FÉVRIER 2020 PAR ROMARIC GODIN

Le budget 2020 va “amputer” le niveau de vie des “15% de ménages les plus modestes”, selon l’OFCE

“Près de 70% des ménages” vont bénéficier des mesures du budget 2020, mais “les 15 % de ménages les plus modestes verront en moyenne leur niveau de vie amputé”, annonce mercredi l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui a analysé l’effet des mesures prévues dans le budget 2020. “Les chômeurs et les retraités ont été mis à contribution“, note l’Observatoire.

Les 15% de Français les plus pauvres paient l’effet des réformes des allocations logement et chômage, estime l’OFCE. “Ils verront en moyenne leur niveau de vie amputé entre -0,2% et -0,4% de leurs revenus” et ce, malgré les revalorisations de l’allocation adulte handicapé (AAH) et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

Les actifs occupés ont capté la majorité des gains de niveau de vie

“En 2020, les mesures socio-fiscales vont contribuer positivement au pouvoir d’achat, à hauteur de 5 milliards d’euros”, salue cependant l’institut, grâce“notamment à la baisse de l’impôt sur le revenu“. C’est la principale raison pour laquelle “les actifs occupés ont capté la grande majorité des gains de niveau de vie.”

“L’effet cumulé des mesures socio-fiscales depuis 2018 reste très fortement marqué par le geste fiscal effectué en direction des ménages les plus aisés en début d’année 2018. Sur les 17 milliards d’euros de gains de pouvoir d’achat pour les ménages depuis 2018, plus de 4 milliards d’euros l’ont été aux 5% de ménages les plus aisés”, note également l’OFCE. “A contrario, depuis le début du quinquennat, les 10% de ménages les plus modestes restent en moyenne les perdants de la mise en place des mesures”.

Un rapport de l’INSEE allait dans le même sens

Le «portrait social» de la France, publié par l’INSEE en novembre 2019, soulignait déjà une certaine inégalité, prédisant que les mesures de l’exécutif allaient faire progresser le niveau de vie des plus pauvres de 0,5%, tandis que celui des 10% les plus riches allait progresser d’1,2%. Les mesures de 2020 semblent donc creuser encore un peu plus l’écart de revenus entre les plus favorisés et les plus démunis.