L’aprés Covid-19 : Le revenu Universel

Alors que la crise vient renforcer les inégalités et qu’une partie importante de la population mondiale est confinée, une idée resurgit : Donner à chaque citoyen un revenu de base inconditionnel  !

« Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement. »

Des demandes et tribunes en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, 170 parlementaires de différents partis ont adressé le 19 mars dernier une lettre au gouvernement britannique, lui demandant de mettre en place un « revenu universel d’urgence » le temps de la pandémie. 

En Allemagne, au nom de la précarité des travailleurs non salariés, le journal de Francfort, le Frankfurter Rundschau, plaidait le 20 mars, pour l’instauration d’un revenu de base, d’un montant de 1 000 euros par mois sur une période de six mois, comme le relayait Courrier international. « Les indépendants, les travailleurs free-lance, les créatifs, les artistes ont aussi besoin d’un soutien financier de l’État. […] L’État devrait se saisir de l’opportunité pour introduire le revenu universel à l’échelle de tout le pays », écrit le journal. Certains intellectuels et artistes allemands tentent de mettre en lumière cette idée. « Nous avons besoin d’un vrai débat » écrivait le TagesSpiegel citant une pétition en ligne qui a récolté environ 500 000 signatures dans le pays, en faveur d’un revenu universel entre 800 et 1 000 euros. Une partie de la presse comme le Frankfurter Rundschau y voit toutefois « une dispendieuse allocation faisant la promotion de l’oisiveté à travers un dispositif utopique et prompt à aggraver les inégalités », expliquait Camille Magnard dans sa Revue de presse internationale.

Ce sont aussi des travailleurs précaires qui en France, par la voix du collectif des Sons fédérés ont appelé à un “revenu universel sans condition, permettant à toute personne, quel que soit son statut, de vivre dignement.“ La proposition revient également en bonne place sur la plateforme « le jour d’après », lancée le samedi 4 avril par une soixantaine de députés et où les Français sont invités à présenter leur vision du monde d’après crise pour un monde plus durable.

Il faut dire que la crise sanitaire met en lumière les inégalités au travail, et dans l’exposition au virus. 

Ici ARTICLE COMPLET – le 06/04/2020 – Par Catherine Petillon


Un revenu de base pourrait pallier ces inégalités criantes. En assurant une protection réelle à l’ensemble de la société, sans exception”, estime le Mouvement français pour le revenu de base (MFRB) dans une tribune intitulée « l’urgence d’une société plus solidaire”, parue dans Politis (publié ci-dessous) , et signée par des associations, élus et chercheurs.

La Tribune

Revenu de base : l’urgence d’une société plus solidaire

En plus des risques sanitaires qu’elle engendre pour tous, la pandémie du Covid-19 occasionne une perte partielle ou totale de revenus pour beaucoup. Le Mouvement français pour un revenu de base considère plus que jamais nécessaire l’instauration d’un revenu universel pérenne, et non bricolé comme une « roue de secours ».

PUBLIÉ LE 2 AVRIL 2020

Signataires :

AC ! Agir ensemble contre le chômage – AequitaZ – Association Droit et pauvreté – Association JID (Justice immigration droit) – Entr’aide à domicile personnes âgées – FIDE (Formation insertion pour le développement et l’emploi) – Les Amis de la Terre – Maison de la citoyenneté mondiale (Mulhouse) – MNCP (Mouvement national des chômeurs et précaires) – Mon Revenu de base – Mouvement Utopia – Multitudes – Réseau Roosevelt (Paris Île-de-France) – Réseau féministe Ruptures – Tera – Un Projet de décroissance.

Martine Alcorta, conseillère régionale écologiste indépendante de Nouvelle-Aquitaine – Julien Bayou, secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts – Abdennour Bidar, philosophe et essayiste – Jacques Boutault, maire du Iie arrondissement de Paris – Alain Caillé, sociologue – Damien Carême, député européen – Karima Delli, députée européenne – Antoine Deltour, lanceur d’alerte – Jean Desessard, ancien sénateur de Paris – Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère – Régis Juanico, député de la Loire – Annie Lahmer, conseillère régionale d’Île-de-France – Sandra Laugier, philosophe – Vincent Liegey, essayiste décroissant – Gustave Massiah, économiste altermondialiste – Baptiste Mylondo, économiste – Claire Monod et Guillaume Balas, coordination nationale de Génération·s – Daniel Percheron, ancien sénateur du Pas-de-Calais – Michel Pouzol, ancien député, membre du conseil national Génération·s – Sophie Taillé-Polian, sénatrice du Val-de-Marne – Marie Toussaint, eurodéputée écologiste – Grégoire Verrière et Alice Bosler, coordination nationale de Jeunes Génération·s – Roger Winterhalter, maire honoraire de Lutterbach.

En ces temps de crise sanitaire, économique, sociale et environnementale, l’idée d’un revenu universel, inconditionnel et individuel revient en force dans les débats partout dans le monde. Face à cet engouement et parce que nous soutenons l’idée de sa mise en place, mais pas à n’importe quel prix, nous appelons à réfléchir collectivement et démocratiquement aux conditions de sa mise en œuvre. Pour en faire une véritable mesure de justice sociale transformatrice et non pas un pansement au système actuel, élaboré dans l’urgence.

On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré

Alors que l’épidémie du Covid-19 est devenue mondiale, le gouvernement espagnol a déclaré envisager la mise en place d’un revenu de base d’urgence. Des pétitions dans ce sens circulent aussi en Suisse, au Royaume-Uni et même à l’échelle européenne. En France, un mouvement d’intermittent·es et d’autoentrepreneur·euses demande la garantie d’un revenu face aux fortes pertes encourues dans leur profession.

Pour quelle raison l’idée du revenu universel revient-elle en force dans ce contexte de crise sanitaire ? Une première réponse pourrait être que ses critiques, portant notamment sur notre rapport au travail et sur le coût financier de la mesure, se trouvent fragilisées.

Dans l’état actuel de la crise et comme l’avait déjà analysé l’anthropologue David Graeber, certains emplois indispensables à la société sont parmi les plus mal rémunérés – on le voit bien aujourd’hui avec les personnels soignants, les aides à domicile, les caissières, les éboueurs. A contrario, la situation actuelle met aussi la lumière sur les bullshit jobs, ces emplois souvent très bien payés mais dont l’utilité sociale s’avère finalement faible au quotidien, si ce n’est inexistante. Les inégalités sont rendues d’autant plus visibles dans la situation de confinement que nous vivons. Nous ne sommes pas toutes et tous égaux face à la possibilité de faire du télétravail, d’exercer un droit de retrait ou d’accéder au chômage partiel. Pour certaines personnes, il n’y a pas d’autre choix que de sortir travailler, de risquer sa vie et ce, parfois, pour des activités non essentielles.

Un revenu de base pourrait pallier ces inégalités criantes. En assurant une protection réelle à l’ensemble de la société, sans exception. En garantissant que personne ne soit laissé sur le bas-côté, qu’il s’agisse des chômeurs·ses, des intermittent·es, des personnes en situation de handicap, des micro-entrepreneurs·ses, des travailleurs·ses des plateformes et, surtout, de ces nouveaux prolétaires, grands perdants de l’ubérisation, qui constituent ce que l’économiste Guy Standing appelle le « précariat ».

Quelle société voulons-nous au sortir de cette crise ?

La question du financement du revenu universel est également source de débats récurrents. Mais on ne peut que faire le constat aujourd’hui d’une mauvaise répartition des richesses, ayant abouti à la casse des services publics, tels que l’hôpital ou la recherche, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité économique. La secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances l’a martelé durant les débats sur le projet de loi de finances rectificative au Sénat : « La priorité, c’est de sauver les entreprises. » Et ce sont effectivement des milliards qui sont débloqués en urgence pour répondre de façon ponctuelle à des problèmes structurels, sans pour autant questionner le système dans son ensemble.

En grec ancien, le mot krisis signifie décision. Il s’agit bien là de décider quelle société nous voulons au sortir de cette crise : protéger le système actuel pourtant défaillant, qui se battra pour perdurer coûte que coûte, ou opérer un changement plus profond?

Le revenu de base se situe aussi à la croisée de ces chemins : mis en place dans un contexte d’urgence, dans une logique court-termiste et hors de tout débat démocratique, il ne servirait ni plus ni moins que de roue de secours au néolibéralisme, comme on le voit déjà apparaître dans certains contextes. C’est le cas aux États-Unis, où le président Trump a annoncé vouloir envoyer un chèque de 1 200 dollars aux populations les plus précaires (500 dollars pour les enfants). Une réponse d’urgence ponctuelle et à court terme, puisqu’il ne s’agira que d’un seul chèque, dans une société où le fait même d’être atteints du Covid-19 peut mener à la ruine.

À l’opposé, d’autres voix proposent de renforcer les filets de protection sociale grâce à la mise en place d’un revenu universel, intégré dans un projet de transformation à long terme pour le pays. C’est le cas d’Alexandria Ocasio-Cortez, la plus jeune représentante démocrate du Congrès américain : « Ce n’est pas le moment de prendre des demi-mesures. Nous devons agir urgemment afin d’éviter les pires conséquences en termes de santé publique et de crise économique. Ceci inclut le paiement d’un chômage partiel, l’allègement de la dette, le renforcement des droits des travailleurs·euses, la garantie des soins de santé universels, la mise en place d’un revenu de base universel et la dispense de peines de détention. »

Nous nous inscrivons dans cette seconde logique. À cette croisée des chemins, pour emprunter la trajectoire qui nous mènera vers une société solidaire et résiliente. Ce chemin sera collectif et nous serons présent·e·s aux côtés des mouvements et individus prêts à se mobiliser pour opérer un changement structurel du système actuel. Les crises à venir, quelle que soit leur nature, pourront être mieux contenues si nos sociétés placent la justice sociale et l’écologie au cœur de leur fonctionnement. Il s’agira de renforcer les services publics et le droit du travail. De favoriser la liberté de choix et d’encourager les activités choisies et non subies.

Il faudra aussi renforcer notre protection sociale afin d’assurer à chacun·e en toutes circonstances la protection qui lui est due. C’est à cette fin que doit servir un revenu de base véritablement transformateur.

Préparons, toutes et tous ensemble, le jour d’après

La catastrophe du Covid-19, par son ampleur et sa vitesse, doit nous obliger à repenser nos sociétés. Comme après chaque événement bouleversant, une remise en cause profonde de nos fondamentaux sociaux, de nos échelles de valeurs et de notre mode de production se pose. 

Citoyens, travailleurs, associatifs, syndicalistes, experts, élus: tout le monde est légitime pour réinventer notre modèle de société en étant force de proposition sur les sujets qu’il estime prioritaires. 

Pendant les jours qui viennent, mettons à profit le confinement pour imaginer ce que nous voulons de mieux. Soyons ambitieux et audacieux pour nous-même et pour notre planète.

11 thèmes à discuter

Thème 1 – « Le plus important, c’est la santé ! »: quel système de santé demain?

Thème 2 – Métro, boulot, robot”: quel monde du travail voulons-nous?

Thème 3 – “A consommer avec modération”: vers une société de la sobriété?

Thème 4 – “Des liens plutôt que des biens”: comment retisser des solidarités?

Thème 5 – “Éducation et jeunesse” : comment construire une société apprenante? 

Thème 6 – “L’homme face à la machine”: peut-on humaniser le numérique? 

Thème 7 – “Une démocratie plus ouverte” : comment partager le pouvoir?

Thème 8 – “L’avenir de nos territoires” : quel nouveau contrat pour les renforcer et préserver leur diversité? 

Thème 9 – L’Europe dans le monde” : comment recréer une solidarité européenne et internationale?

Thème 10 – “Notre richesse est invisible”: comment mieux évaluer le bien-commun? 

Thème 11 – « Le nerf de la guerre » : quel financement & quel nouveau partage des richesses? 

Accès au site ICI

Trois ouvrages pourtout comprendre

Le revenu de base, un outil pour construire le XXIsiècle, ouvrage collectif coordonné par Jean-Éric Hyafil – Commander

Le revenu de base, comment le financer ?, ouvrage collectif coordonné par Jean-Éric Hyafil et Thibault Laurentjoye – Commander

Les deux ouvrages sont édités par Yves Michel et sont disponibles en librairie et en version numérique.

Pour un revenu de base universel ; Vers une société du choix, ouvrage collectif coordonné par Antoine Stéphany, éditions du Détour –Commander

Retrouvez une sélection plus fournie de livres et de vidéos sur la page Documentation du site www.revenudebase.info !

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