L’Etat autorise la privatisation de routes nationales !

Des routes nationales sous le joug de sociétés privées ? L’image aurait de quoi surprendre, et pourtant le projet n’est pas si loin de prendre forme. En cause ? Un décret en date du 14 août 2020, qui encadre la privatisation de certains segments de routes nationales.

Cette nouvelle privatisation intervient plus de 15 ans après celle en vigueur en 2002, date à laquelle Lionel Jospin, à l’époque Premier ministre de la France, avait décidé d’ouvrir le capital des autoroutes du Sud de la France (ASF) pour financer le fonds de réserve des retraites.

Le décret détaille avec précisions les conditions dans lesquelles une portion de route nationale serait amenée à être concédée à une entreprise privée. Le texte précise que les voies qui s’inscrivent « dans le prolongement direct d’une voie bénéficiant déjà du statut autoroutier », pourraient être concernées. Il s’agit entre autres de portions de routes qui mènent à une voie autoroutière (déjà privatisée). Seuls certains tronçons du réseau routier français sont ainsi concernés. 

Le ministère des Transports se défend de son côté de vouloir faire payer les Français et qualifie l’analyse du leader de La France Insoumise « d’erronée ». Selon Jean-Baptiste Djebbari, ce décret visait « à traduire dans le droit ce qui était déjà existant  dans la pratique », et notamment à encadrer « la gestion des derniers kilomètres avant d’entrer sur l’autoroute ». Le ministre évoque entre autres des contraintes « logistiques », comme par exemple, « la mise en place de panneaux de signalisation » sur ces portions de routes nationales. 


Décret no 2020-1108 du 2 septembre 2020 approuvant un avenant à la convention passée entre l’Etat et la Compagnie financière et industrielle des autoroutes (COFIROUTE) pour la concession de la construction, de l’entretien et de l’exploitation d’autoroutes et au cahier des charges annexé à cette convention

Notice : la loi no 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités complète la définition des autoroutes telle que prévue par l’article L. 122-1 du code de la voirie routière, en précisant que les autoroutes peuvent comporter des sections à gabarit routier, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat qui tiennent compte notamment de contraintes topographiques. Le présent décret apporte les précisions nécessaires sur les caractéristiques de la voirie concernée. Il en neutralise également les effets, en tant que de besoin, s’agissant des conséquences sur la vitesse maximale autorisée ainsi que sur le classement au titre des transports exceptionnels.

Décret no 2020-1061 du 14 août 2020 relatif aux conditions de classement de certaines sections de routes dans la catégorie des autoroutes.

DOCUMENT FRANCEINFO. Le scénario d’une privatisation de certaines routes nationales poussé par les sociétés d’autoroutes – le 30/03/2019

Les sénateurs sont en colère.

En effet, dans son rapport, le Sénat dénonce “un choix politique”. “Une critique récurrente formulée au sujet de la privatisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes ‘historiques’ portent sur le moment choisi. Après s’être lourdement endettées pour construire leur réseau et avoir longtemps été déficitaires, ces sociétés étaient devenues depuis quelques années rentables et allaient voir leurs revenus augmenter considérablement par la suite conformément au modèle économique des concessions autoroutières”, dénonce le rapport.

En tout cas, du côté des concessionnaires, on ne se plaint pas car d’après Libération qui cite le même rapport, rien qu’entre 2002 et 2006, les principales sociétés d’autoroutes ont distribué 24,3 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires et les dividendes atteindraient les 40 milliards d’euros, dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage.

Rappelons qu’en 2019, Eiffage avait versé une “prime Macron” à 41 000 collaborateurs comme l’avait rapporté en son temps le média Lemoniteur.fr. Les salariés percevant un salaire mensuel inférieur ou égal à 2 250 euros avaient perçu 500 euros, les salariés percevant une rémunération mensuelle supérieure à 2 250 et inférieure ou égale à 3 400 euros avaient touché 250 euros.

Pour lire le rapport du Sénat dans sa version originale, cliquez ici : Le rapport du Sénat

Les caractéristiques des routes nationales en France

Les routes nationales sont accessibles pour tous les usagers, sauf sur certaines portions ayant le statut de voies express. La réalisation, l’entretien et l’exploitation de ces routes sont à la charge de l’État depuis 2006, alors qu’auparavant c’était aux directions départementales de l’Équipement de s’en occuper. La majeure partie des routes nationales a été décentralisée et est dorénavant pilotée directement par les conseils départementaux, qui les gèrent en totale autonomie.

La loi du 16 avril 1930 avait classé dans la voirie nationale 40 000 km de routes et chemins initialement rattachés à la voirie départementale et communale, mais un grand nombre de routes nationales a été déclassé en routes départementales suite à une loi de 1972.

En 2006, la France disposait de plus de 30 000 km de routes nationales et d’autoroutes gratuites, qui n’étaient pas gérées par des entreprises privées. Les premières routes nationales, qui sont numérotées de 1 à 20, démarraient aux portes de Paris et permettaient de rejoindre d’autres villes de moindre importance. Les routes dont la numérotation démarre à 21 ont été construites dans un second temps, et ont permis d’obtenir un maillage complet de la France.

PÉTITION : Contre la privatisation des routes nationales !

Source : Le Courrier du SoirLa Dépêche

Publié le 13 OCTOBRE 2019 

Comments are closed, but trackbacks and pingbacks are open.