Human Rights Watch dénonce la situation dans les centres de détention où la torture est souvent pratiquée. L’ONG affirme avoir interviewé des dizaines d’anciens détenus ainsi que des responsables nord-coréens.

Corée du Nord : Un horrifiant système de détention provisoire

Torture, absence de procédures régulières, punitions arbitraires et corruption y sont largement répandues

Torture, humiliation et aveux sous la contrainte sont légion dans le système judiciaire nord-coréen qui traite les détenus « pire que des animaux », a indiqué lundi Human Rights Watch (HRW) dans un rapport. L’organisation de défense des droits de l’Homme basée aux Etats-Unis affirme avoir interviewé des dizaines d’anciens détenus ainsi que des responsables nord-coréens et dénonce la situation dans les centres de détention en Corée du Nord, où la torture est souvent pratiquée.


Des femmes victimes d’agressions sexuelles

Accusations de viol et d’attouchements

Des femmes interviewées ont déclaré avoir été l’objet d’agressions sexuelles. Kim Sun Young, une ancienne commerçante d’une cinquantaine d’années qui a fui la Corée du Nord en 2015, a dit avoir été violée par son enquêteur dans un centre de détention. Un autre officier de police s’est livré à des attouchements durant son interrogatoire, a-t-elle ajouté, affirmant n’avoir pas eu la force de s’opposer.


Accusée de violation à grande échelle des droits humains, la Corée du Nord est un pays « fermé », et peu est connu sur le fonctionnement de son système judiciaire. Les personnes interviewées ont affirmé que la détention qui précède un procès est « particulièrement dure » et que les détenus sont maltraités, souvent battus. « Le règlement dit que les détenus ne doivent pas être battus mais nous avons besoin d’aveux durant l’enquête », a expliqué un ancien officier de police. « Alors, il faut les frapper pour obtenir l’aveu », a-t-il admis.

Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un inspecte un site de récupération des dégâts causés par les pluies et les vents violents provoqués par les récents typhons, dans le district de Geomdeok, province du Hamgyong du Sud, en Corée du Nord, sur cette photo fournie par l’Agence centrale de presse nord-coréenne (KCNA), le 13 octobre 2020. KCNA via REUTERS

Illustration de l’article – Ce dessin montre une cellule bondée d’un centre nord-coréen de détention provisoire et d’interrogatoires (« kuryujang »). L’illustration est basée sur des témoignages d’anciens détenus recueillis par Human Rights Watch, ainsi que sur l’expérience personnelle du dessinateur, qui a lui-même été détenu dans l’un de ces centres.© 2020 Choi Seong Guk pour Human Rights Watch

Le rapport de 88 pages, intitulé « ‘Worth Less Than an Animal’: Abuses and Due Process Violations in Pretrial Detention in North Korea » (« ‘On vaut moins que les animaux’ : Abus et violations des procédures lors de la détention provisoire en Corée du Nord »), apporte une description unique et détaillée d’un système opaque : la justice pénale de ce pays. Ce rapport met en évidence la fragilité du cadre légal et institutionnel de la Corée du Nord ainsi que le caractère politique des tribunaux et des forces de l’ordre dans ce pays gouverné par le Parti des travailleurs de Corée.

« Le système de détention provisoire et d’interrogatoires [de la ] en Corée du Nord est arbitraire, violent, cruel et dégradant », a déclaré Brad Adams, directeur de la division Asie de Human Rights Watch. « Les Nord-Coréens disent vivre dans la peur constante d’être happés par un système où les procédures officielles n’ont généralement aucun poids, où règne la présomption de culpabilité et où la seule façon de s’en sortir passe par les pots-de-vin et les relations. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit anciens responsables du gouvernement ayant fui le pays ainsi qu’avec 22 citoyens nord-coréens – quinze femmes et sept hommes – qui sont passés par un centre de détention et d’interrogatoire (« kuryujang ») après 2011, c’est-à-dire depuis que le leader actuel du pays, Kim Jong Un, a accédé au pouvoir.

Ces anciens détenus ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils n’avaient aucun moyen de savoir ce qui allait leur arriver une fois arrêtés, aucun accès à un avocat indépendant et aucun moyen d’alerter les autorités sur les tortures ou les violations de la loi de procédure pénale. Une fois qu’un individu fait l’objet d’une enquête officielle, il y a très peu de chances qu’il puisse échapper à une condamnation à une période de travaux forcés, courte ou longue. Certaines détenues ont par ailleurs rapporté des actes de harcèlement et d’agression sexuelle, voire des viols.

Les anciens détenus ont témoigné qu’on les obligeait à rester assis immobiles par terre pendant des jours, à genoux ou en tailleur, les poings ou les mains posés sur les jambes et le regard vers le sol. Si un détenu bougeait, les gardes le punissaient, voire ordonnaient une punition collective pour tous les détenus.

Quatre anciens responsables du gouvernement ont confié que le parti au pouvoir, le Parti des travailleurs de Corée, considérait les détenus comme des êtres humains inférieurs, par conséquent indignes de regarder dans les yeux les agents des forces de l’ordre. On les appelait par un matricule et non pas par leur nom.

« Si nous bougions, nous étions punis par des exercices où l’on devait alternativement se mettre debout et assis, faire des pompes, des abdominaux, ou s’accrocher aux barreaux métalliques », a témoigné un ancien soldat ayant quitté la Corée du Nord en 2017 après avoir été arrêté plusieurs fois pour contrebande et pour tentative de fuite vers la Corée du Sud. Il a ajouté :

Certains gardiens nous faisaient passer le visage entre les barreaux ou nous tapaient les doigts à travers les barreaux avec une matraque ou leur arme. S’ils étaient vraiment énervés, ils entraient dans la cellule et nous battaient. Cela se produisait chaque jour, si ce n’était pas dans notre cellule, c’était dans les autres, nous pouvions l’entendre, c’était fait pour maintenir la pression […]. À certains moments, j’en étais presque au point d’abandonner, de vouloir mourir […]. Pendant la période où j’étais là-bas, plus de 50 détenus ont disparu [au sein du système de camps politiques].

Les personnes interrogées ont décrit des conditions de détention insalubres et dangereuses pour la santé : très peu de nourriture, des cellules surpeuplées avec un espace au sol insuffisant pour dormir, très peu d’occasions de se laver, une pénurie de couvertures, de vêtements, de savon et de produits d’hygiène menstruelle. D’après les témoignages – aussi bien des anciens détenus que des anciens agents de police –, les détenus étaient couverts de poux, de punaises et de puces. Beaucoup ont relaté qu’une fois les interrogatoires achevés, les gardiens ou les agents qui les interrogeaient, souvent après avoir réclamé des pots-de-vin, avaient autorisé de façon non officielle des proches ou des amis à apporter de la nourriture ou d’autres produits essentiels.

Le gouvernement nord-coréen devrait mettre fin à la torture endémique et aux traitements cruels, inhumains et dégradants infligés dans les centres de détention provisoire et d’interrogatoire, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement devrait par ailleurs améliorer les conditions épouvantables de détention provisoire et d’emprisonnement et répondre aux besoins fondamentaux des personnes en matière d’hygiène, de soins médicaux, de nutrition, de propreté de l’eau, d’habillement, d’espace vital, de lumière et de chauffage.

En 2014, une Commission d’enquête des Nations Unies sur les droits humains en Corée du Nord avait conclu que les violations des droits humains graves, systématiques et généralisées commises par le gouvernement nord-coréen constituaient des crimes contre l’humanité.

« D’anciens responsables du gouvernement ont expliqué à Human Rights Watch que les mauvais traitements et l’humiliation étaient considérés comme un élément essentiel du système judiciaire pénal nord-coréen », a conclu Brad Adams. « Les autorités de la Corée du Nord devraient faire sortir le système judiciaire de l’obscurantisme en demandant l’assistance de la communauté internationale afin de créer une force de police professionnelle et un système d’enquête qui se fonde sur les preuves pour élucider les crimes, pas sur la torture. »

Témoignages cités dans le rapport :

Un ancien fonctionnaire, qui s’est enfui en 2018, avait été détenu par la police secrète en 2011 et 2012, dans un centre de détention et d’interrogatoire d’une ville proche de la frontière chinoise, parce que quelqu’un l’avait accusé d’être un espion. Il a témoigné à Human Rights Watch :

Ils m’ont mis en attente dans une cellule. Elle était minuscule, j’étais tout seul. Ils m’ont fait subir une fouille corporelle. Après quoi le chef du département de la police secrète, le chef des Affaires politiques du Parti et l’enquêteur sont entrés. Mon cas était très grave, mais je ne savais pas pourquoi. Ils m’ont juste frappé pendant une demi-heure, me donnant des coups de pied, de poing, sur tout le corps […].

Le lendemain, ils m’ont amené dans la pièce d’à côté, un centre de détention et d’interrogatoire, et l’examen préliminaire a commencé. Mais l’interrogatoire ne suivait pas vraiment de protocole ni de procédure. Ils ne faisaient que me battre […]. Tout d’abord l’officier chargé de l’examen préliminaire m’a violemment frappé […]. Je demandais : « Pourquoi ?Pourquoi ? Pourquoi ? », mais je n’ai pas eu de réponse […]. Au fur et à mesure de l’interrogatoire, j’ai découvert qu’on m’avait dénoncé comme espion. Les passages à tabac et les coups étaient constants au début de la période d’interrogatoire [de l’examen préliminaire], pendant un mois. Ils me donnaient des coups de pied, des coups de poing ou me frappaient avec un gourdin, sur tout le corps. Après [avoir obtenu l’essentiel de mes aveux], ils étaient plus aimables.

C’était l’hiver, mais il n’y avait pas de chauffage. Il n’y avait qu’un petit poêle à bois, juste en face de nous, à côté du gardien. Il faisait tellement froid […] et personne ne savait où nous étions, donc nous ne pouvions pas faire venir quoi que ce soit de l’extérieur. Il faisait vraiment froid, mais ce qui était pire, c’était qu’il y avait toutes ces punaises et autres bestioles qui nous piquaient.

Un ancien bûcheron qui s’est échappé en 2014 après avoir été arrêté deux fois par la police, en 2010 pour contrebande et en 2014 pour ne pas être allé travailler dans un lieu approuvé par le gouvernement, a témoigné :

Chaque journée était horrible, c’était tellement douloureux et insupportable [d’être immobilisé] […]. Très souvent, si on bougeait [dans la cellule], moi ou les autres, les gardiens m’ordonnaient, ou à tous les occupants de la cellule, d’avancer les mains à travers les barreaux, puis ils les écrasaient longuement de leurs bottes ou les frappaient avec leurs ceinturons. Même à ce moment-là, nous n’avions pas le droit de bouger. Si nous réagissions, ou qu’ils ne nous aimaient pas, ils nous battaient.

Une ancienne commerçante qui s’est échappée en 2017 et qui avait été arrêtée deux fois par la police, au début des années 2010 à Suncheon (province du Pyongan du Sud) parce qu’elle vendait des produits prohibés et en 2016 parce qu’elle s’était disputée avec un membre du parti ayant des relations plus puissantes qu’elle, a témoigné :

Tous les articles de toilette venaient des familles des détenus. Une fois la personne placée en détention, la police informait les familles et l’officier chargé de l’enquête passait et apportait par exemple du savon, du dentifrice, des brosses à dents, des serviettes de toilette ou des serviettes hygiéniques. [Les gardiens] cassaient le manche de la brosse à dents [pour ne pas qu’il soit utilisé pour se suicider], ne laissant que la tête. Celles qui n’avaient pas de famille ne recevaient pas d’objets de toilette et devaient se servir des produits des autres détenues.

Nous étions toutes dans des situations similaires, alors nous, les femmes, nous partagions nos affaires. Mais j’ai entendu dire que ce n’était pas le cas chez les hommes, que les hommes qui n’avaient pas de famille souffraient davantage et étaient couverts de poux, mais que les autres s’en moquaient [et ne partageaient pas]. [La première fois que j’ai été détenue], les membres de la famille pouvaient envoyer des serviettes [hygiéniques]. Une détenue [qui n’avait pas de famille] devait laver une chaussette et l’utiliser comme serviette [hygiénique]. En 2016, lorsque nous avions nos règles, nous pouvions demander des serviettes à l’agent de police responsable, qui se rendait au magasin le plus proche et en achetait. Nous n’avions pas besoin de leur donner de l’argent, ils nous en apportaient, c’est tout.

Source, publié le 19 octobre 2020 https://www.hrw.org/fr/news/2020/10/19/coree-du-nord-un-horrifiant-systeme-de-detention-provisoire

HRW exhorte la Corée du Sud, les Etats-Unis et d’autres pays membres de l’ONU à faire “pression sur le gouvernement nord-coréen”. D’une manière générale, la Corée du Nord assure respecter les droits humains et affirme que les critiques de la communauté internationale représentent une campagne de diffamation ayant pour but de “miner le système socialiste sacré”.


Pourquoi le rap français se fascine-t-il pour la Corée du Nord ?

Alors qu’elle devient une inspiration régulière, on s’est intéressé à la fascination naissante du rap français pour la Corée du Nord.

Extrait de la publication du 18 octobre 2020 – Écrit par Justin Noto

Voilà quelques mois que le drapeau de la Corée du Nord s’immisce sur les légendes Instagram, chargées de promouvoir singles ou albums. Désormais dressée jusqu’au titre d’un morceau de Alpha Wann et K.S.A. dans leur dernier freestyle, il semblait grand temps de s’intéresser à cette obscure inspiration, devenue presque un étendard esthétique. De plus en plus récurrentes, les références à la Corée du Nord, comprenant Kim-Jong Un ou Pyongyang dévoilent une sorte de fascination étrange pour un pays représentant à la fois la force et la discipline. Tout une panoplie idéale pour servir le grand bain de l’égo-trip. Au côté de Rapsodie, spécialisé dans les datas liées au rap francophone, on a fouillé dans les archives de Genius pour constater cette mode évidente, son évolution, en tentant de l’interpréter.

L’inspiration du rap français pour la Corée du Nord n’est pas née récemment. En réalité, elle semble même avoir traversé plusieurs décennies : sur GeniusRapsodie a retrouvé, au total, 157 références à la Corée, auxquelles s’en ajoutent 30 à Kim-Jong Il ou Kim Jong-Un et seulement 5 à Pyongyang. 

La suite de l’article : https://intrld.com/coree-du-nord-rap-francais/