Juicers, forçats de la trottinette

Le pire job du monde est arrivé : Qui sont les “Juicers” qui rechargent nos trottinettes électriques? 

Ces travailleurs de l’ombre partent tous les soirs à la chasse aux trottinettes électriques dans l’ignorance générale.

Travail de nuit, changements des règles du jeu du jour au lendemain et très forte concurrence, ce nouveau boulot de juicer qui consiste à recharger les trottinettes en free floating, peut mettre les nerfs à rude épreuve.

Les juicers livrent leurs chargements à un travailleur indépendant, qui facture un euro la recharge par véhicule. Des centaines de trottinettes, récupérées dans la nuit, sont branchées dans un box en banlieue parisienne. Enfin, elles sont remises en circulation dès le matin par les juicers pour une nouvelle utilisation.

TECHNOLOGIE – “Notre métier, c’est comme ‘Pokemon Go’, sauf qu’on est payés!” Renaud, la trentaine, voit son métier de “juicer” comme un jeu vidéo. C’est grâce à des personnes comme lui que les Parisiens peuvent tous les matins trouver leurs trottinettes électriques chargées et soigneusement mises en place près de chez eux. En quoi consiste ce nouveau travail des “juicers” qui, discrets et méthodiques, rechargent les trottinettes électriques pendant que la ville dort?

“Les utilisateurs ne se posent même pas la question” explique au HuffPost, Renaud, lucide sur le fait que son travail de “juicer” se fait à l’ombre du regard de la société. Comme tous les autres, il a un contrat d’auto-entrepreneur, payé à la recharge “entre 5 et 20 euros la batterie rechargée” par les start-ups de location de trottinettes électriques. Il n’est pas salarié et préfère y voir le bon côté des choses: “On a une grande liberté, on travaille quand on veut. On a pas de compte a rendre”.

“Là, il faut être hyperactif”

C’est à la nuit tombée que commence sa tournée des rues parisiennes, à la quête des trottinettes électriques vides. Et il n’est pas le seul à les chasser. Son point de départ commence en Seine-et -Marne, où il habite.

Après avoir fait quarante-cinq minutes de camionnette -pour pouvoir stocker les trottinettes- jusqu’à Paris, Renaud active l’une des applications de location de trottinettes électriques (Lime, Bird, ou plus récemment Bold et Wind). Celle-ci géolocalise les batteries vides ou presque. “Il faut commencer au plus tard à 21 heures, les dernières personnes qui rentrent du travail déposent les trottinettes. Là, il faut être hyperactif.” nous raconte-t-il.


A Paris, le 6 mai 2019 vers 22heures, un homme récupère des trottinettes électriques dans son camion pour les recharger dans un local en banlieue parisienne. 
Photo Denis Allard pour Libération

“L’été, jusqu’à 200 euros la journée”

Tout est une question de calcul: Renaud n’a qu’une petite heure pour en amasser un maximum, et “à 22 heures au plus tard, je suis reparti”, car il doit vite faire le chemin du retour jusqu’à chez lui pour recharger ses prises du soir. C’est à ce moment là qu’il trouve un peu de repos: “Je mets entre 4 et 5 heures à recharger une batterie vide”. Quelques heures de repos à peine avant de repartir pour la capitale au petit matin: “Il faut les déposer aux endroits stratégiques que nous indique l’application.”

“Il y a des jours avec et des jours sans, quand il pleut par exemple”. Pendant l’été, le tourisme et les beaux jours pouvaient lui permettre de récolter jusqu’à 30 trottinettes par jour, lui rapportant parfois 200 euros la journée. “Ce sont ceux qui se démènent le plus qui font les meilleurs chiffres”, dit-il, conscient que cette quête ressemble en de nombreux points à une chasse.

Les “juicers” bientôt en surnombre?

“L’idée c’est d’aller le plus vite possible: le premier qui scanne est le premier servi” nous dit Renaud, qui malgré cette règle, qui peut paraître assez simpliste, n’a jamais senti de tensions particulières entre les “juicers”. Mais tous ne sont pas du même avis.

Comme cet autre “juicer” David, qui raconte à Numerama que de plus en plus de personnes se câblent sur ce créneau: “En juillet, quand j’ai commencé, c’était bien plus facile de charger les trottinettes. Depuis septembre, les choses se compliquent. Il y a plus de chargeurs (ou “juicers”), donc de capacité de chargement que de trottinettes disponibles. Sur l’application, il n’est pas possible de réserver la trottinette que l’on repère. Avec le temps, cela risque de devenir de plus en plus compliqué”

Des trottinettes “empruntées”

Renaud, beau-joueur, est ce qu’on pourrait appeler un modèle de la discipline. En plus d’avoir créé sa une page Facebook “Juicier & Birder Paris” “pour réunir la communauté et traiter des thèmes qui nous concernent”, il a aussi son propre équipement adapté lors de ses tournées: blouson fluo, gants et chaussures de sécurité. Aujourd’hui, il estimer gagner entre “2 000 à 2 500 € de chiffre d’affaire. Une fois les charges déduites, cela [lui] laisse suffisamment pour vivre”.

Les startups comme Lime ou Bird ne donnent pas de tenues distinctives au ‘”juicers”, qui sont parfois amenés à entrer dans des halls d’immeubles ou dans des locaux de stockage pour récupérer des trottinettes, qui se retrouvent là car certains utilisateurs les “empruntent” pour une durée indéterminée… Renaud confirme que n’importe qui d'”un peu bricoleur” peut réussir à adapter la trottinette à un autre chargeur classique et la garder pour lui.

Mais comme la valeur d’une trottinette récupérée augmente en fonction de son temps d’abandon, les “chargeurs” -nom que peuvent se donner les “juicers” entre eux- vont quand même se risquer à les récupérer par appât du gain, au risque de passer pour des voleurs.

Récemment, deux nouveaux concurrents se sont invités dans la danse: Bolt, via la plateforme VTC Txfy, et Wind. Encore cantonnés à quelques quartiers, leur implantation va sûrement augmenter et créer encore plus de trottinettes, et donc de “juicers”. Une affaire qui semble rouler… pour tout le monde?

Lime est aujourd’hui le leader du marché dans l’agglomération de Lyon. Autour de l’entreprise américaine gravitent près de 150 travailleurs, souvent précaires, pour faire tourner chaque jour la machine à rouler. Immersion.

De l’entrepôt de l’opérateur Lime peuplé d’intérimaires, à Vénissieux, aux locaux de fortune des juicers, ces auto-entrepreneurs précaires qui rechargent les deux-roues pendant la nuit, le photographe Antoine Merlet a suivi les petites mains qui s’activent, en coulisses, derrière la déferlante des trottinettes électriques.

QUARTIER GENERAL • Cœur stratégique de la société, l’entrepôt de Lime est installé à Vénissieux. C’est ici que les nouvelles trottinettes sont livrées, par cargaisons de 200, puis dispersées peu à peu au sein de la flotte.  C’est aussi là que les trottinettes abîmées viennent se refaire une beauté. La société Lime, qui nous a autorisé à réaliser ce reportage, nous a en revanche demandé de ne pas prendre de photo en plan large de l’entrepôt. Une manière de ne pas donner trop d’informations à la concurrence, qui fait rage : quatre opérateurs se partagent aujourd’hui le marché, contre sept il y a encore quelques mois.

Premier à se lancer à Lyon en septembre 2018, au départ avec quelques centaines de véhicules, la startup californienne Lime, s’est imposée comme un des leaders du marché, face au suédois VOI, à l’américain Bird ou au français Dott. Selon différentes sources, l’agglomération comptait environ 5000 trottinettes opérationnelles cet été, dont près de la moitié de Lime. « On n’a pas atteint la taille maximale du marché. A chaque fois qu’on met une nouvelle trottinette, elle fait autant de kilomètres que les anciennes », affirme Antoine Bluy, le responsable de Lime Lyon. En un peu moins d’un an d’existence, la société revendique « 3 millions de trajets et 300 000 utilisateurs uniques ».

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