Du thon ou du «laxatif des mers» ?
La majorité des échantillons de poissons récoltés dans des épiceries et restaurants lors d’une enquête menée l’été dernier à Montréal étaient mal identifiés. Dans plus du tiers des cas, les poissons étaient carrément d’une autre espèce : souvent moins chers, parfois risqués pour la santé.
« Le Canada accumule du retard dans la gestion d’un problème endémique de fraude des produits de la mer. » – OCEANA le 16 octobre 2016
Avec www.lapresse.ca – Publié le 16 octobre 2019
61 % des poissons mal étiquetés à Montréal
C’est la deuxième fois que le groupe Oceana Canada mène une étude sur l’étiquetage des poissons et fruits de mer vendus au pays. Le premier exercice a été mené en 2017 et en 2018 dans cinq grandes villes canadiennes. Pas moins de 44 % des 382 échantillons recueillis à Vancouver, Victoria, Toronto, Ottawa et Halifax contrevenaient aux normes d’étiquetage de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). L’été dernier, l’organisation caritative qui a pour mission de protéger les océans canadiens a poursuivi son enquête à Montréal. Les résultats, obtenus par La Presse, seront rendus publics aujourd’hui. Des tests d’ADN menés par le laboratoire TRU-ID à Guelph ont démontré que 61 % des 90 échantillons étaient mal identifiés.
45 échantillons sur 61 mal présentés dans les restaurants
Dans près de 35 % des cas – soit 31 échantillons – , les poissons étaient d’une tout autre espèce. Trois échantillons étaient même des espèces dont la vente est interdite au Canada. Le reste des échantillons problématiques étaient mal identifiés en vertu des normes fédérales canadiennes, c’est-à-dire que le nom qui apparaissait sur l’étiquette ne correspondait pas au nom commercial acceptable qui figure sur la « Liste des espèces » de l’ACIA. Par exemple : l’appellation générique « thon » est utilisée à tort sur le marché pour désigner 12 variétés qui devraient être nommées plus clairement. Le problème est plus marqué dans les restaurants : 45 des 61 échantillons étaient mal présentés. Dans les épiceries, c’est 34 % des poissons qui étaient faussement identifiés.
16 % des poissons remplacés par des espèces potentiellement nocives
Parmi les espèces carrément substituées à une autre : 16 % avaient été remplacées par une sorte de poisson pouvant entraîner de graves conséquences. Connaissez-vous « l’escobar » ? Ce poisson baptisé « laxatif des mers » est banni au Japon, en Corée du Sud et en Italie. Sa vente est permise ici, même si sa consommation peut entraîner de la diarrhée, des nausées et des vomissements. Il est peu recommandé chez les femmes enceintes ou qui allaitent. Au Québec, l’escolar a été vendu sous l’appellation « thon blanc » ou « poisson-beurre ». Des « Limandes à queue jaune » ont aussi été vendues comme étant des sérioles du Japon. Ce poisson peut contenir une toxine naturelle appelée ciguatera, qui peut entraîner des effets neurologiques débilitants à long terme.
78,93 $ (70 €) le kilogramme pour du saumon frauduleux
Selon Sayara Thurston, responsable des campagnes pour la fraude alimentaire chez Oceana, les poissons mal étiquetés sont majoritairement remplacés par des variétés moins chères. Voici deux exemples relevés à Montréal l’été dernier : du saumon sauvage du Pacifique à 78,93 $ le kilogramme avait été remplacé par du saumon d’élevage de l’Atlantique à 34,94 $ le kilogramme. Du bar rayé commun à 75,29 $ le kilogramme avait été remplacé par de la dorade à 19,95 $ le kilogramme. Aucun commerce n’a été identifié par les auteurs. « Les études montrent que la fraude se fait à chaque étape de la chaîne alimentaire, donc les commerces aussi peuvent en être victimes. C’est vraiment un problème qui a besoin d’une solution qui vient du gouvernement », explique Mme Thurston.
Environ trois fois moins de fraude en Europe en trois ans
Du bateau à l’assiette, le Canada doit se doter d’un véritable système de traçabilité, selon Oceana. Depuis la mise en place d’un tel système en 2014, l’Europe a vu les cas de fraude alimentaire dans le poisson fondre de 23 % en 2011 à 7 % en 2014. « On est encouragés de voir dans les plateformes électorales qu’il y a des partis qui sont engagés à [s’occuper de] ce problème-là. On voit que les libéraux, les conservateurs et le NPD ont pris des engagements en ce sens », explique Sayara Thurston. Cette dernière souligne par ailleurs que les entreprises canadiennes qui exportent leurs produits vers l’Europe sont déjà tenues d’y souscrire. « En ce moment, on demande plus des industries canadiennes que des industries d’ailleurs qui veulent vendre leurs produits au Canada », déplore Mme Thurston.
« L’enquête nationale pluriannuelle effectuée par Oceana Canada, la plus grande étude sur la fraude et l’étiquetage trompeur des produits de la mer vendus dans les restaurants et épiceries jamais effectuée au Canada, a démontré que sur 472 échantillons prélevés dans six grandes villes canadiennes entre 2017 et 2019, près de la moitié, soit 47 %, étaient mal identifiés. Nous avons testé des échantillons provenant d’Halifax (38 % mal identifiés), Montréal (61% mal identifiés), Ottawa (46 % mal identifiés), Toronto (59 % mal identifiés), Vancouver (26 % mal identifiés) et Victoria (67 % mal identifiés). » Il est temps de mettre fin à la fraude afin que les Canadiens puissent consommer leurs poissons et fruits de mer en sachant qu’ils sont sécuritaires, étiquetés honnêtement et capturés légalement.
RAPPORT | OCTOBRE, 2019 https://oceana.ca/fr/publications/reportages/mal-identifie-comment-resoudre-le-probleme-de-la-fraude-des-produits-de-la
ALERTE – Radio-Canada
Publié le 3 octobre 2018
Du sel, du sucre… et du mercure. Le thon en conserve cache parfois des ingrédients peu recommandés.
Devant l’embarras du choix, le consommateur doit rester vigilant.
Il se vend quelque 140 millions de boîtes de thon en conserve chaque année au Canada. Et l’offre est considérable. Dans l’eau, dans l’huile ou aromatisé, le thon en boîte se multiplie dans les rayons d’épicerie.
Il est vendu principalement en deux familles : le thon pâle et le thon blanc. Le thon pâle est généralement issu de deux espèces, soit le listao et le thon à nageoires jaunes. Le thon blanc est de l’espèce germon, ou albacore, en anglais.
Du thon contaminé au mercure
Et c’est justement le thon germon qui pose le plus de problèmes pour la santé publique. Plus gros que ses confrères, ce thon emmagasine avec le temps du mercure, un contaminant dangereux pour la santé humaine.
La contamination au mercure est surtout dangereuse pour les femmes enceintes. « Le foetus peut développer des problèmes neurotoxicologiques avec une baisse de quotient intellectuel, de retard moteur, de retard verbal », explique l’écotoxicologue et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie et changements mondiaux de l’Université de Montréal Marc Amyot. « Mais ça prend de bonnes concentrations quand même. Ce n’est pas un phénomène qu’on retrouve couramment. »
Quantités relevées de mercure
La quantité limite permise au Canada de mercure dans le thon est de 0,5 partie par million (ppm). L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) analyse chaque année une centaine de boîtes de conserve. Résultat : le taux de mercure dépasse la limite permise dans 3 % à 12 % des cas, selon les années.
Ce qui n’inquiète pas outre mesure les autorités, qui jugent alors si le produit doit être retiré du marché. Les rappels sont extrêmement rares, confirme-t-on à l’ACIA.
Les grandes entreprises qui vendent du thon en conserve ont aussi l’obligation d’analyser régulièrement des lots et doivent rapporter les résultats à l’ACIA.
Santé Canada recommande de ne pas consommer plus de 300 g de thon germon (blanc) par semaine quand on est une femme enceinte ou en voie de le devenir, pas plus de 150 g pour les enfants de 5 à 11 ans et 75 g pour les plus petits.
Tout le reste de la population n’a pas à se retenir ni pour le thon pâle ni pour le thon blanc en conserve.
Marc Amyot, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie et changements mondiaux (UdeM)
Encore trop de sodium
En fait, plus inquiétant que le mercure, c’est encore le sel qui se trouve parfois en trop grandes quantités dans le thon en conserve.
Des 40 conserves de thon étudiées, 11 se retrouvent au banc des punitions pour excès de sodium.
Alors que certains thons ne contiennent que 15 mg de sodium par portion, d’autres en cachent jusqu’à 620 mg.
Si on mange la conserve au complet, avec de 600 à 620 milligrammes de sodium, on est pratiquement dans le groupe des charcuteries.
Catherine Lefebvre, nutritionniste
Protéines et oméga-3
« Le thon en conserve, c’est une très bonne source de protéines. Encore une fois, c’est pratique », rappelle Catherine Lefebvre.
« On n’a pas besoin de le cuire, de le préparer. Si on se cuisine une salade, on peut ajouter autre chose comme des noix ou du fromage, qui sont d’autres sources de protéines. »
Côté oméga-3, ces gras bons pour la santé du cœur, le thon est moins intéressant, selon la nutritionniste. « Si on compare avec d’autres poissons gras, le saumon sauvage offre deux fois plus d’oméga-3 qu’une même portion de thon blanc. »
Du sucre dans le thon
Surprise : on trouve aussi du sucre dans certains thons en conserve, essentiellement des thons assaisonnés, qui en contiennent jusqu’à 9 g par portion.
Pour une conserve, c’est deux cuillères à thé de sucre. C’est du thon, pas de la confiture!
Catherine Lefebvre, nutritionniste
Ces produits à valeur ajoutée sont de plus en plus populaires, surtout auprès de la jeune clientèle. Selon le responsable des ventes chez Clover Leaf Guy Boucher, ils représentent plus de 20 % de toutes les conserves de thon vendues, un segment en forte croissance.
Du thon durable
Certaines marques, comme RainCoast, WildPlanet ou Ocean’s sont en tête du peloton des conserves de thon les plus écoresponsables, selon un classement de Greenpeace.
Elles arborent en général un des deux logos auxquels le consommateur peut se fier : Oceanwise et MSC. Ils garantissent une pêche responsable, qui tient compte de la surpêche et de l’absence de prises accessoires comme les tortues, les dauphins ou toutes sortes d’oiseaux. Ils sont cependant plus chers.
Écoresponsabilité
«Les fruits de mer sont vraiment des produits très à risque», souligne la chargée de campagne contre la fraude dans le secteur des fruits de mer à Oceana Canada.
Sayara Thurston
SPÉCIALISTE DE CAMPAGNE, FRAUDE DES FRUITS DE MER
PERSONNEL
Australienne d’origine, Sayara vit à Montréal depuis plus de dix ans. Depuis qu’elle habite au Canada, elle a travaillé à faire progresser plusieurs causes relatives à la justice sociale et la protection des animaux.
Avant de se joindre à l’équipe d’Oceana Canada, elle a travaillé au sein de We Animals Media à la promotion du photojournalisme axé sur les animaux. Elle a aussi travaillé pour Humane Society International/Canada, où elle a dirigé différentes initiatives de sensibilisation au bien-être des animaux d’élevage dans les chaînes d’approvisionnement corporatives ; elle a également collaboré avec plusieurs sphères gouvernementales afin d’améliorer les politiques de protection des animaux d’élevage, incluant celles relatives à l’étiquetage des produits. Sayara détient une maîtrise en étude de la paix et des conflits de l’Université de Sydney.
Sayara a développé un profond attachement envers les écosystèmes marins tout au long de son enfance, où elle eut la chance d’explorer les magnifiques plages d’Australie. Elle est heureuse de se joindre à l’équipe d’Oceana Canada et militer pour la protection des océans
RAPPORT | AOÛT, 2018
Qu’est-ce que le Ceta ?
Vu du Canada – Article de www.lapresse.ca – Publié le 17 juillet 2019
Négocié pendant plus de sept ans, l’« Accord économique et commercial global » (AECG) -en anglais Ceta-avait été approuvé par le Parlement européen en février 2017. Il est entré pour partie en vigueur de manière provisoire il y a bientôt deux ans.
Pour être définitivement reconnu, ce document doit être validé par les 38 assemblées nationales et régionales d’Europe, d’où son examen au Palais-Bourbon mercredi puis au Sénat à une date pas encore fixée. Treize États dont l’Espagne et le Royaume-Uni l’ont déjà ratifié.
Concrètement, le Ceta, qui concerne au total 510 millions d’Européens et 35 millions de Canadiens, supprime les droits de douanes sur 98 % des produits échangés entre les deux zones, élargit certains services à la concurrence et renforce la coopération en matière réglementaire.
Il permet aussi la reconnaissance au Canada de 143 produits d’origine géographique protégée (AOP), dont 42 françaises (roquefort, saint-nectaire, pruneaux d’Agen…). L’agriculture canadienne gagne à l’inverse un accès accru au marché européen.
Quel impact ?
Le Ceta a déjà eu un effet « très positif » en France avec des exportations vers le Canada en hausse « de 6,6 % entre 2017 et 2018 », selon le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne. En 2018, les exportations de produits laitiers, en particulier, ont augmenté de 19 %.
Les importations canadiennes en France ont elles chuté de 6 % sur la même période. Ce repli est attribué par le Canada au recul des achats de colza et du minerai de fer pour des raisons conjoncturelles. L’excédent commercial français avec le pays nord-américain est lui passé de 50 à 450 millions d’euros entre 2017 et 2018.
Quid de la filière bovine ?
Selon des chiffres canadiens, le pays n’a exporté que 1000 tonnes de viande de bœuf, soit à peine 2 % du quota accordé par le Ceta, cette filière n’étant pas encore prête aux exigences européennes et à l’interdiction notamment de la viande aux hormones de croissance.
« Ce sont des quotas infimes », a assuré M. Lemoyne, qui veut rassurer les agriculteurs français. « Le Canada n’est pas outillé en termes de filières pour répondre aux normes européennes », d’après lui. Sur 70 000 fermes, seules 36 élèvent leur bétail selon les normes européennes.
Télescopage avec le Mercosur
La ratification du Ceta par la France intervient en pleine controverse sur la conclusion, fin juin, d’un autre accord commercial, entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). Ce traité est dénoncé par les agriculteurs, qui se sont rassemblés mardi dernier dans toute la France pour manifester leur mécontentement, ainsi que par les groupes d’opposition parlementaires. La majorité centriste LREM-MoDem à l’Assemblée plaide pour éviter un « amalgame » entre les deux accords.
«Veto» climatique
Le député et rapporteur Jacques Maire (LREM, parti présidentiel) a dévoilé devant la presse un document dans lequel le Canada s’engage sur le principe d’une forme de « veto climatique ». Cette disposition doit permettre à l’UE et au pays nord-américain de bénéficier d’une marge de manœuvre lorsqu’une entreprise privée contestera notamment l’une des normes environnementales au nom de l’application de l’accord.
Mais certains dénoncent une version édulcorée du veto, à l’instar de la Fondation Nicolas Hulot pour laquelle « ce n’est pas un vrai veto climatique » dans le sens souhaité par l’ex-ministre de la Transition écologique. « Rien ne peut arrêter la procédure » de contestation d’une entreprise, selon Samuel Leré, représentant de la FNH.
Au-delà de ses avantages économiques, le CETA représente donc, en principe, un cas type de libre-échange équilibré et harmonieux, sur les plans social et éthique. C’est même un excellent antidote aux mouvements de repli sur soi qui se sont manifestés en Europe et en Amérique. ( ALAIN DUBUC – www.lapresse.ca – 21 février 2017)
Comments are closed, but trackbacks and pingbacks are open.