Le juge Tournaire s’est engagé à épargner le bras droit de Kadhafi, dont les dépositions à charge ont fondé la mise en examen de l’ancien président français.
Les révélations dans l’affaire libyenne se succèdent. Ce dimanche 11 août, le JDD (Le Jounal du dimanche) raconte comment le juge Serge Tournaire a obtenu des déclarations à charge contre l’ancien président de la République.
Les juges chargés de l’enquête sur le présumé financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ont passé un accord avec l’accusation. C’est ainsi qu’ils auraient obtenu des déclarations à charge du beau-frère du colonel Kadhafi sur l’ancien président de la République.
Grâce à cet arrangement, Abdallah Senoussi, chef des services de renseignement, a obtenu l’indulgence de la justice française alors que lui-même ne nie pas son statut de pivot du système de corruption. Le JDD rappelle que ce traitement de faveur apparaît d’autant plus troublant que « l’intéressé, condamné à mort et emprisonné en Libye depuis la chute de Kadhafi, est considéré par ailleurs comme l’organisateur de l’attentat de 1989 contre un DC-10 de la compagnie UTA (170 morts, dont 54 Français) ». Pour ce crime, il a d’ailleurs été condamné par contumace en 1999.
Clause d’indulgence
Le beau-frère de Kadhafi a été interrogé en février dernier, à Tripoli, par le juge Serge Tournaire. Comme le rapporte le Journal du dimanche, cette clause d’indulgence a été explicitement évoquée lors de l’interrogatoire, mais n’a pas été retranscrite lors de la traduction. En effet, le compte rendu précisait : « Me Trabelsi [l’avocate de Senoussi] insiste sur le fait que son client est auditionné comme témoin et qu’il n’avait aucune autonomie dans la prise de décision à l’époque », cite le journal. Des mois plus tard, une seconde traduction de l’interrogatoire a permis d’avoir connaissance de cet échange.
La phrase suivante a alors été écrite : « Le conseil de Senoussi insiste sur le fait que son client n’est pas impliqué [dans les] actes reprochés à M.Sarkozy et M. le juge d’instruction de lui expliquer que les autorités françaises n’ont aucun lien avec les actes de M. Senoussi et que celui-ci n’aura pas de comptes à rendre à ce propos. » Une promesse qui lui permet donc de ne pas être inquiété alors qu’il s’est lui-même accusé du transfert de 7 millions d’euros pour la campagne de Nicolas Sarkozy.
Comme le précise le journal, le juge Tournaire a accepté que l’audition de Senoussi se fasse sans enregistrement ni photo. Enfin, le JDD affirme que cet accord ne figure nulle part dans les correspondances entre le juge et le Quai d’Orsay ou le personnel du ministère de la Justice.
Dossier Djouhri, les petits arrangements du juge Serge Tournaire – 25 février 2019 :
Le juge français Serge Tournaire était apparemment prêt à toutes les compromissions avec le régime dictatorial de Djibouti pour pouvoir interroger un témoin clé dans le dossier du possible financement libyen de Nicolas Sarlozy où est mis en cause Alexandre Djouhri. https://mondafrique.com/france-les-petits-arrangements-du-juge-serge-tournaire/?fbclid=IwAR0h0nxeyoA_1zeRajsqWgzz-LI9ZkAaStV7a0MASubqA_OWsp_Dd6G9svY
Le juge de Sarkozy, Tapie et Fillon quitte Paris pour Nanterre : 29/07/2019
Le juge d’instruction Serge Tournaire, célèbre pour la garde à vue et le renvoi en correctionnelle de l’ancien président, laisse de lourds dossiers, pas tous achevés.
La page Tournaire est tournée. Le jour de la Fête nationale, le célèbre juge a officiellement quitté le tribunal de Paris pour rejoindre celui de Nanterre, avec le titre de premier vice-président chargé de l’instruction, une jolie promotion. Le statut de la magistrature interdit d’occuper le même poste plus de dix ans. Comme il refusait de quitter l’instruction, il a dû changer de juridiction. Oui, c’est un magistrat hypermédiatique, surtout pour avoir placé en garde à vue, mis en examen et ordonné le renvoi en correctionnelle de Nicolas Sarkozy.
Mais Serge Tournaire a obtenu cette forte notoriété bien malgré lui. Ce natif de Marseille il y a 53 ans fuit la presse, les journalistes et les photographes. En 2014, il a piqué une vraie colère lorsqu’un cliché de lui, shooté en pleine rue, a été publié par un magazine.
Donc Tournaire change d’air. Oh, pas très loin, Nanterre étant l’un des tribunaux parmi les plus proches de la capitale, juste après le périphérique, près des tours de la Défense. Que vont devenir les dossiers les plus sensibles qu’il abandonne, notamment ceux qui visent des personnalités politiques, comme Nicolas Sarkozy mais aussi François Fillon ? Les enquêtes judiciaires devraient se poursuivre sans grandes difficultés puisque pour ces affaires délicates, il y a toujours deux, voire trois, juges d’instruction co-saisis.
Affaire Fillon : le juge Serge Tournaire, la force de l’ombre – 25-04-2019
Serge Tournaire est en charge de l’instruction du dossier visant François Fillon. Alors que l’ancien premier ministre et Penelope Fillon sont renvoyés devant le tribunal correctionnel, portrait d’un juge d’instruction objet de bien des interrogations.
C’est le juge des grands dossiers politico-financiers du moment?: le financement occulte de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2002, l’arbitrage Tapie/Adidas, les achats de voix par Serge Dassault à Corbeil-Essonnes… Il est aussi celui qui vient de décider la mise en examen de François Fillon dans le Penelopegate. Sa discrétion absolue fait qu’il ne répond pas aux attaques dont il est l’objet. Serge Tournaire poursuit sa tâche sans se détourner.
Du banditisme au politique
On lui reproche d’appliquer aux hommes de pouvoir les méthodes de la lutte contre le grand banditisme. Le juge du pôle financier a en effet connu plusieurs vies. Né à Marseille de mère corse, il réussit le concours de la magistrature en 1991 et apprend le métier à Ajaccio. Un premier poste qui le conduit à instruire les dossiers des criminels nationalistes. De la Corse, il passe à Marseille en 2003 où il rejoint la courte liste des magistrats nommés à la Jirs (juridiction interrégionale spécialisée) dès sa création. « Déjà à l’époque, il faisait partie des meilleurs », se souvient le magistrat Bruno Dalles avec lequel il a fait ses classes à l’ENM. De cette époque, le juge d’instruction gardera une certaine culture de l’aveu acquise dans la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière.
En 2009, le juge Tournaire souhaite rejoindre Paris avec son épouse magistrate. Son objectif?: rester juge d’instruction. Il est alors nommé au pôle financier et obtient les dossiers Wendel, EADS, « pétrole contre nourriture »… Pour son ami Bruno Dalles, « il fait partie des juges instructeurs auxquels on confie un dossier pour qu’il sorte ». Une analyse contredite par certains avocats se plaignant de sa lenteur à instruire d’autres dossiers. Quoi qu’il en soit, l’ancien élève-inspecteur des impôts est en rupture avec les méthodes classiques du pôle financier?: « Il avance avec une vision globale du dossier plutôt qu’avec des idées préconçues, analyse Christophe Ingrain, un des avocats de la défense dans l’affaire Bygmalion. Je n’ai pas encore trouvé le moyen de la faire évoluer. »Autrement dit, de le contrer. Les mots de Bernard Tapie résonnent alors?: « Chez lui, les règles du code pénal sont inversées?: il faut prouver qu’on est innocent. » Serge Tournaire n’est d’ailleurs pas de ceux qui parlent avec les avocats. « Ce sont les méthodes de tous les juges d’instruction »,nuancent certains pénalistes, tout en soulignant qu’avec Renaud Van Ruymbeke un certain dialogue est possible.
Une part de fantasmes
Le mystère qui entoure Serge Tournaire véhicule inévitablement une part de fantasmes. Ceux qui le connaissent démentent que le juge use de son pouvoir à des fins politiques et soulignent l’absence d’esprit militant chez cet homme très discret. Dès lors, aucun ne l’imagine adhérent au très critiqué Syndicat de la magistrature (SM). « Opiniâtre, il est certain qu’il n’écoute personne », confie Bruno Dalles. « Rien dans les dossiers ne m’a jamais fait penser qu’il pouvait être instrumentalisé », confirme Thibault de Montbrial, un des avocats sur le dossier de la campagne de Sarkozy. Le pénaliste, qui, par ailleurs, ne mâche pas ses mots pour décrire le SM et le traitement récent des politiques par la justice, n’a jamais décelé d’intérêt politique dans le comportement du juge d’instruction. Serge Tournaire serait simplement impassible, froid. « Lors des interrogatoires, il descend sa grille de questions pour fermer les portes une à une, poursuit Christophe Ingrain. Aucune émotion ne transparaît jamais sur son visage. » S’interdisant de parler du travail dans le privé, l’homme serait tout de même sensible aux critiques. Mais aucune interview ne le confirmera.
1991 Intègre l’ENM puis est nommé à Ajaccio
2004 Intègre la Jirs à Marseille
2009 Est nommé au pôle financier de Paris
Juin 2013 Met en examen Bernard Tapie
Avril 2014 Met en examen Serge Dassault
Février 2016 Met en examen Nicolas Sarkozy
Mars 2017 Met en examen François Fillon
Comments are closed, but trackbacks and pingbacks are open.