Au lendemain d’une veillée pacifique, le mouvement pro-démocratie hongkongais tente à nouveau de galvaniser les foules après avoir été critiqué pour les violences survenues cette semaine à l’aéroport, sur fond de menace d’intervention chinoise.
Le mouvement pro-démocratie compte galvaniser les foules malgré les violences – AFP 17/08/19
Des manifestants ont appelé à des rassemblements samedi à Hung Hom et To Kwa Wan, quartiers du front de mer prisés des touristes venant de Chine continentale, deux manifestations qui n’ont pas été autorisées.
Mais la principale manifestation du week-end est attendue dimanche, véritable test de la détermination des militants pro-démocratie comme de celle des autorités pro-Pékin.
Mais la principale manifestation du week-end est attendue dimanche, véritable test de la détermination des militants pro-démocratie comme de celle des autorités pro-Pékin.
« La marche de dimanche devrait encore rassembler un million de personnes. Le peuple hongkongais ne peut pas être battu », a déclaré sur Facebook la députée prodémocratie Claudia Mo.
L’appel a été lancé par le Front civil des droits de l’homme, organisation non violente à l’origine des manifestations géantes de juin et juillet. La police a donné son feu vert au rassemblement dans un grand parc de l’île de Hong Kong, mais a interdit aux manifestants de défiler dans la rue. Ce genre d’interdiction a presque systématiquement été ignoré par les manifestants ces dernières semaines, donnant lieu à des heurts avec les forces de l’ordre. Vendredi soir des milliers de manifestants se sont retrouvés dans un parc de la ville pour une veillée destinée à appeler les pays étrangers à adopter des sanctions contre les responsables du gouvernement.
Hong Kong : les conséquences sur l’économie de deux mois de manifestations (vidéo)
Après de vives tensions l’aéroport, où des milliers de manifestants étaient rassemblés dans la semaine, Pékin a musclé son discours contre ces derniers, disant voir dans leur mouvement des « signes de terrorisme ». Et de troupes chinoises ont été positionnées dans la ville frontalière de Shenzhen, laissant planer la menace d’une répression par la force.
Les jeunes forment le plus gros contingent des protestataires, se disant particulièrement inquiets de la réduction des libertés publiques à Hong Kong sous la pression du gouvernement chinois. S’ils continuent de former la majorité des manifestants, ces jeunes sont rejoints par des personnes plus âgées. Et Samedi 10 aout c’était des familles entières qui ont défilé dans le calme près du quartier financier de la ville.
Que se passe-t-il à Hong Kong ?
Territoire semi-autonome situé au sud de la Chine, Hong Kong est une des « régions administratives spéciales » (RAS) de la République populaire. Ex-colonie britannique rétrocédée à Pékin en 1997, elle bénéficie d’un régime spécifique. Haut lieu de la finance internationale, le territoire est régi par une loi fondamentale spécifique, possède sa propre monnaie (le dollar hongkongais), ses équipes sportives nationales, pratique le multipartisme et jouit de libertés inconnues en Chine continentale. Ce statut est en principe garanti jusqu’en 2047, mais de nombreux Hongkongais accusent le gouvernement central chinois de vouloir mettre le territoire au pas avant cette date. Les leaders du « mouvement des parapluies » de 2014 qui réclamait le suffrage universel ont été condamnés à de la prison, tandis qu’un parti indépendantiste a été interdit en 2018.
Pourquoi y manifeste-t-on depuis deux mois ? Dans ce contexte tendu, l’annonce fin avril par le gouvernement pro-Pékin d’un projet de loi devant permettre les extraditions vers la Chine continentale a mis le feu aux poudres. Une partie de la société hongkongaise dénonce le caractère opaque et politisé de la justice chinoise, et redoute une utilisation « politique » des extraditions par Pékin.
Le 9 juin, un million de Hongkongais descendent dans la rue pour demander le retrait de ce projet de loi. C’est la plus grosse manifestation depuis 1997. Au bout d’une semaine de rassemblements et de blocages, la cheffe de l’exécutif Carrie Lam annonce que le projet est « suspendu ». Mais la mobilisation ne faiblit pas : les manifestants réclament désormais sa démission et l’élection de son successeur au suffrage universel, au lieu de sa désignation par Pékin comme c’est le cas actuellement. Ils dénoncent aussi le recul des libertés et les ingérences de la Chine dans les affaires intérieures de Hong Kong.
Pire crise depuis 1997
Il s’agit du plus grand défi posé à la souveraineté de Pékin sur sa région semi-autonome et le gouvernement central a musclé son discours, assimilant au « terrorisme » les actions les plus violentes du mouvement. L’ex-colonie britannique vit depuis début juin sa pire crise politique depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, avec des manifestations quasi quotidiennes. Il s’agit du plus grand défi posé à la souveraineté de Pékin sur sa région semi-autonome et le gouvernement central a musclé son discours, assimilant au « terrorisme » les actions les plus violentes du mouvement.
Née en juin du refus d’un projet de loi controversé autorisant les extraditions vers la Chine, la mobilisation a depuis élargi ses revendications pour demander notamment l’avènement d’un véritable suffrage universel, sur fond de crainte d’une ingérence grandissante de Pékin. Les médias publics chinois ont récemment diffusé des images de militaires et de blindés massés à Shenzhen, ville voisine de Hong Kong. Washington a mis en garde la Chine contre une intervention qui, aux yeux des experts, serait pour Pékin désastreuse en termes d’image ou de conséquences économiques.
Les manifestants prévoient pour dimanche un grand rassemblement qui se veut « rationnel, non violent », afin de montrer que la mobilisation demeure populaire malgré les violences qui ont émaillé la fin de l’action à l’aéroport. Après des journées dans le hall des arrivées à sensibiliser pacifiquement les personnes atterrissant à Hong Kong, la mobilisation avait pris un tour conflictuel mardi quand des manifestants avaient empêché des voyageurs en partance d’embarquer, puis agressé deux hommes accusés d’être des espions de Pékin.
Ces images ont considérablement entamé l’image d’un mouvement qui avait su se rendre très populaire et ne s’en était jusqu’alors pris qu’aux forces de l’ordre et aux institutions.
La police a procédé à plus de 700 arrestations depuis début juin.
Trump inquiet
Après être resté silencieux pendant des semaines, ce qui lui a valu d’être accusé d’être bienveillant envers le régime chinois, le président américain Donald Trump a commencé cette semaine à se dire inquiet de la tournure des événements dans l’ex-colonie britannique, sur fond de guerre commerciale avec Pékin. Pékin a aussi haussé le ton contre toute entreprise soupçonnée de sympathie pour le mouvement pro-démocratie, à l’instar de la compagnie aérienne Cathay Pacific dont le directeur général Rupert Hogg a démissionné vendredi. La crise politique divise par ailleurs la communauté chinoise en Australie. Des centaines de manifestants nationalistes chinois ont défilé à Sydney samedi à Sydney pour répondre au nombre croissant de manifestations favorables au mouvement pro-démocratie hongkongais dans les villes du pays.
Les médias d’Etat chinois, relayés par des réseaux sociaux étroitement contrôlés, ont multiplié les appels à boycotter des entreprises soupçonnées de soutenir les manifestants pro-démocratie qui envahissent quotidiennement les rues de Hong Kong, telles que la compagnie aérienne hongkongaise Cathay Pacific.
Plusieurs centaines de familles et leurs enfants dans les rues pour manifester leur soutien au mouvement pro-démocratie, le 10 août 2019 à Hong Kong
Lors de ce dixième week-end de manifestation 10 et 11 aout, les affrontements semblent se durcir.
Les forces de l’ordre ont procédé à des tirs de gaz lacrymogènes tandis que des cocktails Molotov ont explosé dans le quartier animé de Wan Chai dans le centre de la ville.
Dimanche des manifestations antigouvernementales ont été organisées à différents endroits du centre financier asiatique, notamment à l’aéroport international pour la troisième journée consécutive.
L’exécutif hongkongais a condamné des « rassemblements illégaux » et affirmé qu’un cocktail molotov avait été jeté sur un policier. « Il n’y a plus de lieux ou de durées définis susceptibles d’accueillir ces actes violents et illégaux qui privent la population de son droit de se vivre sa vie quotidienne », a prévenu un porte-parole du gouvernement. Samedi 10 août, la police avait déjà procédé à des tirs de gaz lacrymogènes pour disperser les protestataires qui se sont rassemblés à travers la ville, dont des milliers occupaient le hall des arrivées de l’aéroport international.
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