Vers la fin du droit de grève(?)

Transports : la proposition de loi sur le service minimum garanti, adoptée en commission.

Alors que la réforme des retraites est arrivée au Parlement cette semaine, le Sénat planche sur une loi visant à attaquer le droit de grève dans les transports publics en instaurant un service minimum. Un projet adopté aujourd’hui en commission des affaires sociales.

La commission des affaires sociales du Sénat a adopté, ce mercredi 29 janvier, la proposition de loi du sénateur LR, Bruno Retailleau visant à garantir la continuité du service public des transports en cas de grève. Toutefois la commission a amendé le texte, en laissant, par exemple, aux entreprises de transports les moyens d’assurer ce service minimal.

Fin novembre dans un entretien au JDD, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau annonçait le dépôt d’une proposition de loi créant « le droit aux transports publics garanti ». « Le principe de continuité des services publics a une valeur constitutionnelle et il n’est clairement pas respecté aujourd’hui dans les transports », estimait-il, en annonçant sa volonté d’instaurer une obligation pour ces entreprises par « la réquisition de personnels grévistes » afin « de garantir un tiers du trafic quotidien aux heures de pointe, c’est-à-dire le matin et le soir ».

Ce mercredi, la commission des affaires sociales a adopté cette proposition de loi composée de 8 articles mais l’a sensiblement amendé. Dans son article 3, le texte définissait ce « tiers » de service minimum garanti comme étant « deux plages horaires » le matin et l’après-midi « d’une amplitude de deux heures ». « Par rapport à la proposition de loi de Bruno Retailleau (…) on ne parle plus d’un tiers du service, on parle simplement de répondre aux besoins de la population dans un endroit donné. Ce qui fait que ça peut être un tiers, ça peut être 50% » explique Pascale Gruny, la rapporteure LR de la proposition de loi.

La commission des affaires sociales a en effet réécrit l’article 3 en confiant aux autorités organisatrices de transport, la responsabilité de définir le niveau minimal de service permettant de couvrir les besoins essentiels de la population. Après un délai de carence de trois jours, l’entreprise de transport pourra requérir à des travailleurs grévistes pour assurer ce niveau minimal. « C’est une question d’équilibre, on a le droit à la grève bien entendu, mais le législateur a le droit de l’encadrer et surtout de répondre à d’autres principes comme la continuité du service public » a précisé la sénatrice.

Le texte de la commission a aussi introduit des dispositions pour limiter ce qu’elle considère être « des abus du droit de grève » ou des « grèves surprises ». Un amendement prévoit de rendre caduc au bout de 5 jours, les préavis de grève s’ils ne sont suivis par aucun salarié.

Enfin le texte prévoit plusieurs modalités pour faciliter le remboursement des usagers pénaliser par la grève, comme le remboursement automatique dans les 7 jours pour les usagers qui pris leur billet par voie dématérialisée.

Source : www.publicsenat.fr – 29/01/2020 – Mis à jour le : 30/01/2020 à 09:36
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Service minimum:  “C’est une question d’équilibre, on a le droit à la grève bien entendu, mais le législateur a le droit de l’encadrer” estime Pascale Gruny

“Une loi permettant la réquisition des grévistes du transport public en discussion au Sénat”

Pablo Morao
mercredi 29 janvier

A chaque mouvement social son lot de répression contre les grévistes et de lois liberticides, visant à briser les marges des travailleurs en lutte. En 2007, quelques mois après un important mouvement de grève à la SNCF et à la RATP contre la réforme des régimes spéciaux, le gouvernement mettait ainsi en place l’obligation, pour les salariés des transports publics, de se déclarer grévistes 48 heures à l’avance afin de faciliter la réorganisation du transport. Une obligation de service minimum aux heures de pointe était également mise en place, tout en étant « laissée aux accords entre syndicats et autorités organisatrices des transports ».

Or, la grève massive de plus de 50 jours à la RATP et la SNCF, a démontré que face à une grève très massive l’obligation de déclaration 48 heures avait une utilité limitée, tandis que les contrats de « service minimum » étaient rendus caduques par l’impossibilité de réquisitionner les grévistes, comme cela s’est fait récemment dans les hôpitaux.

Dès le 13 septembre, le choc de la grève massive avait fait dire à de nombreuses figures politiques comme Valérie Pécresse ou Aurore Bergé que la question du service minimum devait être posée. Quelques semaines plus tard, le sénateur Bruno Retailleau avait alors évoqué la possibilité de passer un texte permettant de réquisitionner les grévistes https://www.revolutionpermanente.fr/Droit-de-greve-menace-Le-senateur-LR-Bruno-Retailleau-veut-pouvoir-requisitionner-les-grevistes].


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Or, si ce texte a plutôt été passé sous silence, son examen est bien en cours au Sénat. Alors que la réforme des retraites est arrivée cette semaine au Parlement, le projet de loi visant à créer « le droit aux transports publics garanti » était examiné aujourd’hui en commission des Affaires Sociales du Sénat, comme le rapporte Public Senat..

Comme le note Public Sénat, la commission a amendé le projet de loi dans le sens de confier la définition du volume horaire concerné par le service minimum aux « autorités organisatrices du transport », et « introduit des dispositions pour limiter ce qu’elle considère être « des abus du droit de grève » ou des « grèves surprises » ». Mais, comme l’a expliqué à la chaîne de télévision Pascale Gruny, sénatrice LR, l’un des éléments centraux de ce projet de loi réside dans la l’ouverture de la possibilité d’une « réquisition du personnel gréviste ».

« C’est une question d’équilibre, on a le droit à la grève bien entendu, mais le législateur a le droit de l’encadrer » a ensuite justifié la sénatrice, pour défendre ce qui constitue de manière évidente une attaque profonde contre le droit de grève. Une attaque passée largement sous silence, mais que les organisations politiques progressistes, les directions syndicales et les grévistes devraient dénoncer ouvertement et à laquelle il convient de répondre de façon urgente.

DÉCRYPTAGE – Dans sa chronique “Les indispensables” sur LCI, Fabien Crombé s’est intéressé le lundi 25 novembre 2019 à la proposition de Bruno Retailleau de réquisitionner des grévistes pour assurer un service minimum le 5 décembre.

Face à la grève du 5 décembre qui s’annonce massive dans les transports, le sénateur LR Bruno Retailleau propose de réquisitionner des grévistes afin d’assurer un service minimum. Ce droit de réquisition de grévistes existe-t-il déjà dans le droit français ? Qu’en est-il chez nos voisins européens ? 

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Droit de grève dans la fonction publique
Vérifié le 16 août 2019 – Direction de l’information légale et administrative (Premier ministre)

La grève est une cessation collective et concertée du travail destinée à appuyer des revendications professionnelles. Le droit de grève est reconnu aux agents publics. L’exercice du droit de grève est soumis à un préavis, fait l’objet de certaines limitations et entraîne des retenues sur rémunération.

Maintien d’un service minimum

Certains agents publics doivent assurer un service minimum (par exemple, certains services de la navigation aérienne, les agents hospitaliers, météo France, etc.). Dans la fonction publique hospitalière, notamment, c’est le directeur d’établissement qui a compétence pour organiser le service minimum.

  Rappel : en dehors des cas dans lesquels les agents sont tenus de se déclarer grévistes (enseignants en écoles maternelles ou élémentaire, service minimum, services territoriaux soumis à une obligation de continuité) c’est à l’administration d’établir le fait de grève. L’agent gréviste n’est pas tenu d’informer son administration de son intention de faire grève.

Qui peut faire grève ?
Certains agents publics n’ont pas le droit de faire grève :
Fonctionnaires actifs de la police nationale
Magistrats judiciaires
Militaires
Personnels des transmissions du ministère de l’Intérieur
Fonctionnaires des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire (gardiens de prison)

La reconnaissance du droit de grève dans la FP

La liberté syndicale a été reconnue en 1946, il aurait donc été logique que le droit de grève soit reconnu en même temps, mais non … → antinomie donc qui dit grève, dit atteinte à la continuité du Service Public

Jusqu’à la loi du 25 mai 1864, la grève était constitutive d’un délit pénal (délit de coalition).

A partir de cette loi, le droit de grève va demeurer une faute professionnelle. Dans ces 2 affaires, le CE affirme que les fonctionnaires commettent une faute disciplinaire grave en faisant grève → sanction = révocation. Raison : « en se mettant en grève, les agents des SP se placent eux-mêmes dans une situation illicite parce qu’incompatible avec une continuité des SP essentielle à la vie nationale». 

Le Statut Général des fonctionnaires de 1946 ne dit rien concernant le droit de grève …

Cela étant, dans le Préambule de 1946 (alinéa 7), il est dit « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » 

  • la C° fait un renvoi à des lois d’application Dans le secteur public, aucune loi en 1946 ! // CE 7 juillet 1950 « Dehaene » → droit de grève = PGD Ce droit vaut-il ou non dans la FP ?
  • « La reconnaissance du droit de grève (en tant que PGD) ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public » DONC exclusion de l’hypothèse du droit de grève absolu. → « En l’état actuel du droit, il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement des SP, de fixer lui-même la nature et l’étendue desdites limitations » DONC vu que le législateur ne veut pas le faire, c’est au gouvernement de fixer ces limitations dans

CE 7 août 1909 « Winkell » (grève dans les chemins de fer) & CE 22 octobre 1937 « Demoiselle Mimaire » (grève de 6000 agents à la Poste)  Les statuts particuliers (qui sont le fait de décrets) PB : il y a autant de statuts particuliers que de corps, donc énorme hétérogénéité(grand n’importe quoi). Finalement, il a fallu attendre la loi relative au droit de grève dans la FP → loi du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les SP.  Aujd, l’article 10 du Statut Général (post 1963, cad celui de 1983) dit « les fonctionnaires exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent ».