De 400 à 500 fois moins épaisses qu’un cheveu, les fibres d’amiante sont invisibles dans les poussières de l’atmosphère. Inhalées, elles peuvent se déposer au fond des poumons et provoquer des maladies respiratoires graves : plaques pleurales, cancers des poumons et de la plèvre (mésothéliome), fibroses (ou asbestose)…
Amiante dans les égouts : grève illimitée à Eau de Paris
Des salariés d’Eau de Paris sont en grève illimitée depuis le 25 février dernier pour obtenir des compensations à l’exposition au risque amiante.
A Eau de Paris (régie autonome de la ville de Paris chargée de l’approvisionnement en eau de Paris), des salariés sont en grève illimitée depuis le 25 février dernier et ont même battu le pavé de la place de Grève demandant à être reçu par la maire de Paris.
Depuis 2011, plusieurs rapports ont mis au jour l’exposition des agents aux fibres d’amiante et aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). En 2014, une grève de plusieurs jours avait débouché sur la signature d’un accord de sortie de grève prévoyant la compensation de cette exposition. Mais selon les syndicats, rien n’a été fait depuis cette date.
Le problème se situerait plutôt sous les pavés : en 2014, ils avaient appris que quelque 30 % des 1700 km de conduites souterraines sur lesquelles ils travaillaient au quotidien étaient « amiantées ». Et donc qu’ils avaient été exposés pendant des années aux particules d’amiante ainsi qu’aux HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) contenus dans le revêtement de ces conduites. Il s’agit d’un revêtement bitumineux en brai de houille (également cancérogène), appelé glutinage, qui comprend souvent de l’amiante dont les fibres se dispersent quand on travaille à même la canalisation.
Mais « rien n’a été fait depuis », ont déploré plusieurs syndicats, dont FO, dans un communiqué commun. Et ce alors même que l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a publié en juin 2016 un avis « relatif aux facteurs de risques professionnels éventuellement en lien avec la surmortalité des égoutiers » et en 2017 des recommandations pour améliorer les conditions de travail des égoutiers.
«Il y a six ans, les salariés ont fait grève sur ce même parvis pour revendiquer pour leur santés un congé de fin de carrière», a rappelé au Figaro Benjamin Morand, délégué syndical CFTC «Eau de Paris». À l’époque, «Madame Hidalgo nous avait promis d’ouvrir des droits car il y a de l’amiante en égouts. Aujourd’hui ces droits n’ont pas été respectés. Cela fait six ans que l’on attend, et six ans qu’on espère», regrette-t-il.
Pour compenser cette exposition, les grévistes «exigent le doublement des droits concernant le congé de fin de carrière, avec effet rétroactif». Depuis 2010, les salariés bénéficient déjà d’un congé de fin de carrière par le cumul de jours de congé de fin de carrière qui atteint environ un an et demi après 40 ans de carrière.
Eau de Paris a répondu dans un communiqué diffusé cet après-midi: «Les discussions ont débuté le 24 février et vont se poursuivre pour permettre de renforcer la connaissance de l’exposition passée au risque d’amiante et d’améliorer le suivi des agents», peut-on lire. La direction rappelle que des mesures de compensation ont déjà été mises en place en 2014. «Les salariés perçoivent ainsi une compensation financière de 4 à 14 euros par jour, en fonction de la fréquence des interventions en milieu insalubre et/ou confiné».
Amiante dans les écoles
Dans une enquête publiée mardi 4 février, « Libération » révèle une cartographie des établissements scolaires contenant de l’amiante. Le résultat est sans appel : la majeure partie des écoles construites avant 1997 contiennent des fibres de ce matériau désormais interdit.
Hippolyte Radisson, le 05/02/2020
Que révèle le fichier obtenu par Libération ?
La majorité des établissements construits avant 1997 contiennent toujours de l’amiante. C’est ce qu’affirme une étude réalisée en 2016 par l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement (ONS) à la demande du ministère de l’Éducation nationale et révélée par Libération, le mardi 4 février 2020.
L’enquête porte sur près 20 000 établissements, soit un tiers du total. Parmi ceux construits avant 1997, 80 % des lycées professionnels, 77 % des lycées généraux et technologiques, 73 % des collèges et 38 % des écoles contiennent de l’amiante, selon le quotidien.
La fibre, utilisée comme isolant, a été interdite en 1997. Les écoles construites avant cette date doivent fournir un diagnostic qui permet de localiser la présence du matériau et de lister les travaux réalisés. L’enquête révèle des manquements à la législation : sur 19 922 établissements répondants, 5 847 déclaraient ne pas avoir réalisé le dossier technique amiante (DTA). Et 70 % affirmaient que le dernier contrôle remontait à plus de trois ans, seuil au-delà duquel une actualisation est requise.
« Les collectivités locales sont responsables des DTA, analyse Alain Bobbio, secrétaire national de l’Andeva, association de défense des victimes de l’amiante. Elles retardent les dépenses tant qu’elles le peuvent, en sous-estimant le danger. »Dernier chiffre évocateur : plus de 700 DTA prescrivaient la réalisation de travaux, parfois non faits depuis des années.
► Quels sont les risques pour les élèves et le personnel ?
L’amiante se trouve dans les faux plafonds, sur les tuyauteries, dans la colle de carrelages… Tant qu’elles ne se retrouvent pas dans l’air, les fibres ne présentent pas de danger. « Mais l’amiante, beaucoup utilisé dans les années 1960-1970, se dégrade », note Alain Bobbio, ce qui augmente les risques d’exposition pour les enfants et le personnel. La réalisation de travaux, facteur de risques, est encadrée par un diagnostic spécifique mais « la maintenance courante est souvent faite par un personnel non formé », estime Alain Bobbio.
Une exposition peut entraîner « des fibroses » mais aussi « des cancers broncho-pulmonaires ou des mésothéliomes – cancers spécifiques à l’amiante », détaille-t-il. Les maladies se déclarent 30 à 40 ans après l’exposition. Un rapport de Santé publique France publié en 2019 estime que 1 100 nouveaux cas de mésothéliome surviennent annuellement en France.
Comment réagissent le gouvernement et les collectivités ?
L’État a la charge de définir la politique de prévention et d’action sanitaire dans les écoles, mais il « n’est pas maître d’œuvre », affirme une source au ministère de l’Éducation, qui reconnaît tout de même que « des progrès considérables doivent être réalisés ». Selon celle-ci, « le responsable de la nouvelle cellule bâti scolaire, recruté cet été, vient de rendre un plan d’action très épais pour répondre à ces enjeux ». Le plan d’action vise à « conduire en 2020 un recensement exhaustif de la présence d’amiante dans les établissements scolaires », indique-t-on au ministère.
Chez les collectivités locales chargées de l’entretien des bâtiments, on assure prendre le problème à bras-le-corps. La vice-présidente de l’Association des maires de France, Agnès Le Brun, affirme que « les collectivités sont extrêmement attentives à l’état des bâtiments, qui sont régulièrement visités et évalués ». « Dès qu’il y a des travaux dans un collège, on désamiante », explique Bruno Faure, président de la commission éducation de l’Assemblée des départements de France, qui annonce le lancement d’une « enquête urgente » sur la tenue des DTA dans les collèges. Contactée, l’association Régions de France n’a pas répondu à nos sollicitations.
Jeudi 6 février, les opposants à la réforme des retraites étaient de nouveau sur le pont. Reporterre était aux côtés des égoutiers de Paris, maillons essentiels du traitement des eaux usées. Rencontre avec une profession ignorée mais essentielle.
7 février 2020 / Alexandre-Reza Kokabi et NnoMan (Reporterre)
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