Affaire Griveaux : Certains en profitent pour réclamer l’interdiction de l’anonymat sur les réseaux sociaux
Après la diffusion de vidéos privées de l’ex-candidat LREM à la mairie de Paris, des politiques ont fait part de leur volonté de mettre fin à l’anonymat sur les réseaux sociaux. Et ce, bien que cet acte délictueux ait été revendiqué par un activiste. Victime d’une diffusion de vidéos intimes à caractère sexuel, le candidat LREM à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux, a renoncé à être candidat aux prochaines élections municipales en mars 2020.
Tandis que son avocat a annoncé des suites judiciaires, d’autres réclament des peines plus lourdes avec la mise en place d’un « droit à l’intimité numérique » et même l’interdiction de l’anonymat sur les réseaux sociaux.
Parmi les comptes Twitter les plus influents ayant relayé illégalement le lien vers le site internet hébergeant les vidéos de Benjamin Griveaux, on trouve deux personnalités loin d’être anonymes : le chirurgien Laurent Alexandre (74 000 abonnés) et le député Joachim Son-Forget (61 000 abonnés), ancien membre de La République en marche (LREM).
Le président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains), a été l’un des premiers à appeler à une «régulation» des réseaux sociaux. «Il est grand temps de réguler les torrents de boue qui se déversent sur les réseaux sociaux. La liberté d’expression doit s’arrêter aux frontières de la vie privée que chaque citoyen est en droit d’exiger», a-t-il écrit dans un Tweet ce 14 février.
« Le droit au respect de sa vie privée a été instauré dans le code civil par une loi de 1970. Mais à l’heure des smartphones et des réseaux sociaux, il faut totalement repenser le concept de vie privée pour que nous soyons davantage protégés. Notre intimité est devenue vulnérable », poursuit Me Bensoussan, qui réclame des peines beaucoup plus lourdes, tant pour le montant des amendes que la durée possible d’incarcération. (…)
Dans la soirée vendredi, le célèbre tenor du barreau Eric Dupont-Moretti a, lui, réclamé une mesure encore plus radicale : se débarrasser de l’anonymat sur les réseaux sociaux.
On vous rappelle que Eric Dupont- Moretti a annoncé défendre Julian Assange le créateur de Wikileaks, plateforme qui prône l’anonymat pour les lanceurs d’alerte!
L’anonymat sur Internet, de la poudre aux yeux ?
Agressions verbales, propos haineux et fake news sont monnaie courante sur Internet aujourd’hui. En France, pour lutter contre ces dérives, Emmanuel Macron souhaite progressivement abolir l’anonymat sur Internet, mais cette proposition de loi suscite des avis très contradictoires. La levée de l’anonymat pourrait-elle réellement être une arme efficace pour contrer les débordements du web ? Yves Collard de Média Animation et Ivan Verstraeten, juriste spécialisé dans le droit à la vie privée sur Juristes.be, étaient au micro de Véronique Thyberghien pour apporter quelques éléments de réponse.
L’anonymat, un eldorado ?
Dans le cadre d’une utilisation traditionnelle et quotidienne d’Internet (excluant donc les hackers et autres spécialistes), il est intéressant de constater que l’anonymat n’existe pas vraiment. Les technologies actuelles permettent en effet de tracer le passage de tout le monde, notamment avec les fameux cookies. De plus, paradoxalement, nous sommes plus que jamais présents sur les réseaux sociaux. Il y a donc une tension entre la volonté d’être visible sur les différentes plateformes numériques et celle de devenir anonyme lorsqu’on le choisit. La plupart des défenseurs de l’anonymat affirment que la protection de la vie privée passe avant tout, surtout maintenant que le RGPD est installé et contrôle nos données personnelles. Or, en pratique, les utilisateurs ont une attente trop élevée de ce droit à la vie privée qui est en fait très limité. Un autre argument avancé et que certains intellectuels et journalistes ne peuvent s’exprimer librement et partager de l’information que parce qu’ils sont protégés par cette forme d’anonymat sur Internet. Dès lors, comment aider ces personnes qui œuvrent pour la démocratie dans les régions du monde où la liberté d’expression est particulièrement restreinte ?
Des « haters » pas si anonymes
Certains diront qu’il ne sert à rien de s’abriter derrière un pseudo, qu’il faut assumer ses opinions et prendre ses responsabilités. En réalité, ces personnes qui véhiculent des propos haineux à tout-va ne se cachent pas du tout et parlent au nom de leur véritable identité. Même dans la société physique, notamment avec la montée des mouvements populistes, la haine de l’autre s’est banalisée et les individus ne se gênent donc pas pour donner leur avis en toute transparence. Au contraire, celui qui voudrait passer pour anonyme ferait comprendre qu’il ne veut pas être identifié et qu’il n’est donc pas si convaincu de la validité de ses opinions. Qu’il s’agisse de groupes Facebook dédiés ou de sites web, les gens se retrouvent dans une sorte de bulle et n’ont plus conscience de la portée de leurs écrits à cause de l’aspect communautaire d’Internet, autrement appelé illusion groupale : tout le monde développe les mêmes propos, défend les mêmes convictions, donc tout semble normal dans le meilleur des mondes. Finalement, la question n’est pas de savoir qui ils sont, mais comment les bannir.
Une éducation primordiale
L’objectif est désormais de développer des attitudes positives par rapport au web et cela passe en grande partie par l’éducation : éducation aux médias, éducation au civisme et à la citoyenneté et surtout éducation permanente, tout au long de la vie. Les utilisateurs peuvent ainsi se renseigner, discuter avec leurs proches ou des associations spécialisées pour tenter de faire le tri dans les nombreuses fake news ou de se défendre en cas de problème. Il existe par exemple des lois condamnant les propos haineux, mais il s’agirait également de mieux informer au sujet de ces lois puisqu’en définitive, il n’y a que très peu de réelles actions intentées en justice. L’éducation est donc primordiale chez les enfants, dans les écoles et pour les adultes.
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