Dans l’Aude, vers Carcassonne, le décor naturel idyllique de la vallée de l’Orbiel cache une triste réalité. Des collines imprégnées d’arsenic et autres métaux lourds, génèrent une pollution invisible et colossale. Un héritage de l’ancienne mine de Salsigne, qui s’avère alarmant pour les habitants.
Après un siècle d’extraction, notamment d’or, le sol de la vallée de l’Orbiel est ravagé par l’arsenic, le soufre et le plomb. Cet héritage explosif a été mis en lumière en 2018 par les inondations de l’Aude. Une audience vient de se tenir pour « mise en danger d’autrui ».
Une rivière qui serpente au milieu des cailloux blancs, des bassins bleu turquoise, des petits bois, le panorama est magique. Depuis le promontoire au-dessus de sa maison à Limousis (Aude), Robert Montané balaie à toute vitesse : « Ici c’est Montredon : 2,5 millions de tonnes de résidus et encore 500 000 t de produits toxiques. Là, cette colline n’en est pas une, c’est l’Artus, une zone de stockage qui abrite 10,5 millions de tonnes de résidus de minerais, dont 500 000 t de produits toxiques. Et là, il y avait une vallée avant, ce n’est plus que de la merde, un tas haut de 70 m. Vous voyez ? »
Par Emilie Torgemen, envoyé spéciale dans la vallée de l’Orbiel (Aude) Le 13 avril 2021
Après l’arsenic, des habitants de la Vallée de l’Orbiel découvrent leur exposition à d’autres produits toxiques
En 2018, l’Aude connaissait de graves inondations. Les fortes pluies avaient déplacé des éléments polluants des anciennes mines de la Vallée de l’Orbiel, exposant notamment ses habitants à l’arsenic. De récentes analyses viennent de révéler la présence d’autres produits toxiques.
Publié le 18/10/2020
C’est un feuilleton qui dure depuis maintenant deux ans. En octobre 2018, l’Aude connaissait de très violentes inondations. En plus des dégâts matériels engendrés, les pluies ont aussi déplacé des substances toxiques des anciennes mines de la Montagne Noire. Des substances, qui ont des conséquences directes sur la santé des habitants, et notamment des enfants : des analyses ont démontré en 2019 que certains d’entre eux avaient été exposés à l’arsenic.
De nouvelles analyses sur des échantillons de cheveux
Pour les associations locales, le combat continue. Récemment, trois d’entre elles ont décidé de lancer une expérimentation pour détecter d’éventuelles expositions à d’autres produits toxiques : les analyses ont été réalisées par un laboratoire indépendant sur des échantillons de cheveux.
Le résultat est sans appel : sur les 100 volontaires de la Vallée de l’Orbiel testés, 62 répondent positivement à un ou plusieurs des 49 éléments chimiques à risque recherchés. « Nous remarquons que 30 métaux sont particulièrement présents », ajoute Gérard Balbastrede la délégation du Secours Catholique du Cabardès.
Les associations craignent un « effet cocktail », c’est à dire que la combinaison de plusieurs produits toxiques soit néfaste pour la santé, à moyen ou long terme.
« Il faut que les pouvoirs publics se bougent ! »
Alexandrine Castel habite le village de Mas-Cabardès depuis cinq ans. Avec sa fille, elles ont participé aux derniers tests lancés. Sans surprise, ces derniers révèlent la présence d’autres substances à risque : fer, manganèse, mercure, argent, galium…
Il y a quelques mois, la mère de famille avait déjà appris l’exposition de sa fille à l’arsenic. Aujourd’hui, après ces nouvelles analyses, elle crie son ras-le-bol.
C’est une preuve de plus qu’il y a quelque chose. Maintenant, il faut que les pouvoirs publics se bougent ! Ce n’est pas normal !
Une nouvelle étude sanitaire sur l’exposition à l’arsenic doit commencer dans les prochaines semaines dans la Vallée de l’Orbiel. Les associations souhaiteraient que tous les polluants soient pris en compte.
18/09/2019 – Vallée de l’Orbiel : l’arsenic testé sur 191 enfants, les nouveaux résultats des analyses
Si c’est la proportion qui importe, l’Agence régionale de santé Occitanie (ARS) peut se montrer optimiste : dans le dernier bilan, rendu public ce mercredi 18 septembre, le pourcentage d’enfants de la vallée de l’Orbiel qui présentent dans les urines des taux d’arsenic supérieurs au seuil statistique de 10 µg/g de créatinine, reste d’un tiers environ. Tout comme celui des enfants présentant un taux de plus de 15 µg (l’ancien seuil statistique). Article réservé aux abonnés
Pollution dans l’Aude: des tonnes d’arsenic déversées et un silence gêné
23 FÉVRIER 2019 PAR CHRISTOPHE GUEUGNEAU ET OLIVIER SAINT-HILAIRE (PHOTOS)
Les inondations d’octobre près de Carcassonne ont aggravé les vastes pollutions engendrées par l’ancienne mine d’or, et surtout d’arsenic, de Salsigne. Mais sur place, l’État et les riverains minimisent le problème. Si les cancers se multiplient, il ne faut pas que les maisons perdent de leur valeur.
Ouverte à la fin du XIXe siècle, la mine de Salsigne a fermé définitivement ses portes au début des années 2000. Elle fut pendant longtemps l’une des plus grandes mines d’Europe de l’Ouest. Mais parler de mine d’or à Salsigne est déjà jouer sur les mots.
Certes 120 tonnes d’or ont bien été extraites pendant l’exploitation, mais dans le même temps, ce sont 397 000 tonnes d’arsenic – naturellement présent dans le sol – et 1 708 tonnes de bismuth (un additif pour certains alliages métalliques), qui sont sorties de terre.Cette production a généré des montagnes de déchets. Au sens propre. Deux montagnes pour être précis : le Pech de Montredon et l’Artus, situés respectivement sur les rives droite et gauche de l’Orbiel, un ruisseau qui se jette, en aval, dans l’Aude. Montredon abrite deux millions de tonnes de déchets miniers, dont des dizaines de milliers de tonnes d’arsenic. L’Artus, c’est pire : dix millions de tonnes dont 200 000 d’arsenic.
Ces collines de plus de 200 mètres de haut n’existaient pas. Elles hantent à présent le paysage de la vallée de l’Orbiel. Peu de choses y poussent. Et de pauvres panneaux « attention danger » ne risquent pas d’effrayer grand monde …
Revoir « Salsigne : le prix de l’or », un documentaire alarmant sur les dégâts de l’ancienne mine de la vallée de l’Orbiel
Mis à jour le 06/04/2021
Réforme du Code minier : «Ouvrir une mine, c’est ouvrir une décharge»
Annoncée depuis une dizaine d’années, la refonte du vieux Code minier, contraire au droit de l’environnement, a été intégrée au projet de loi Climat. «Pas parfaite», cette réforme est néanmoins «indispensable pour que l’on puisse enfin refuser les projets miniers», explique Olivier Gourbinot, juriste à FNE.
Olivier Gourbinot est juriste à France Nature Environnement (FNE) et chargé du suivi de la réforme pour la fédération des associations de protection de l’environnement.
Reporterre — Quand on entend «Code minier», on imagine les mines de charbon au XIXe siècle, comme une activité du passé. En quoi l’industrie minière nous concerne-t-elle toujours en France, en 2021?
Olivier Gourbinot — La France compte des milliers d’anciens sites miniers, dont certains polluent encore énormément aujourd’hui, avec des conséquences graves sur la santé et les écosystèmes. C’est la délicate question du «passif minier». Dans le Limousin, lors de la fermeture des mines d’uranium dans les années 1980, on a fait un trou, on y a mis les déchets, les infrastructures et les outils irradiés, puis on l’a rebouché. À Salsigne, dans l’Aude, on a extrait de l’or et de l’arsenic notamment à l’aide de produits chimiques nocifs comme le cyanure. Aujourd’hui, il reste des collines de déchets qui polluent les rivières et impactent la santé des habitants. Les pluies qui érodent les terrils dispersent l’arsenic jusque dans les cours d’école et finalement dans la chair des habitants. Il s’agit d’une des pollutions les plus graves d’Europe.
Reporterre – 10 avril 2021 – https://reporterre.net/Reforme-du-Code-minier-Ouvrir-une-mine-c-est-ouvrir-une-decharge
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