Depuis le covid, la surveillance de masse s’accélère

Le 10 avril dernier le CNRS a publié un article édifiant. La France fait partie des pays qui ont adopté en mars 2020 les règles de confinement les plus strictes pour lutter contre la pandémie de Covid-19.

Une surveillance de masse de la population qui nous inquiète et que nous vous expliquons ci-dessous.

Covid-19 : bilan d’une surveillance massive

10.04.2024, par Marina Julienne – Journal du CNRS

EXTRAITS 

Historien et sociologue, Nicolas Mariot s’est interrogé sur cette expérience d’obéissance de masse.

Nicolas Mariot, vous avez coécrit avec Théo Boulakia un ouvrage sous forme d’enquête, L’Attestation (Anamosa, 2023), qui dresse un bilan de ce versant coercitif de l’enfermement national. Face à une même menace sanitaire, les pays n’ont pas du tout adopté les mêmes mesures de lutte contre le virus ?

 
Nicolas Mariot.
 Effectivement, au printemps 2020, tous les gouvernements se sont retrouvés au même moment dans la même situation : il fallait prendre 100 % des décisions avec 50 % d’informations, comme l’a dit alors le Premier ministre néerlandais. Or, les États ont adopté des politiques radicalement différentes. Pour s’en tenir à l’Europe, cinq pays du Sud – la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et Chypre – ont adopté les mesures parmi les plus strictes, avec attestation, soumettant toute circulation de leur population à des règles sévères, contrôlées par les forces de l’ordre. Dans le même temps, les pays nordiques comme la Suède, la Finlande, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas mais aussi la Suisse ou la Bulgarie ont adopté comme partout des mesures sanitaires (port du masque, interdiction des rassemblements, recommandation de lavage des mains, etc.), mais ont laissé les sorties totalement libres. Résultat, en France, la fréquentation des espaces verts au printemps 2020 a diminué de moitié par rapport à l’hiver, tandis qu’au Danemark, à la même période, elle a été multipliée par deux.

En deux mois, 21 millions de personnes ont été contrôlées en France. Dans certains départements, il y a eu autant de contrôles que d’habitants adultes !

Les contrôles de police ont-ils été beaucoup plus fréquents en France qu’ailleurs ? 
N. M.
Nous sommes un des rares pays à avoir introduit la fameuse « attestation de sortie », présentée comme un dispositif de responsabilisation mais vite devenue un outil de contrôle massif. Transformer chacun en gendarme de soi-même : c’est ce dispositif (emprunté aux Italiens) qui a permis de vider l’espace public. Selon l’enquête « La vie en confinement » (Vico4), que nous avons lancée dès avril 2020 et à laquelle ont participé 16 000 personnes, 28 % des gens déclarent avoir été contrôlés au moins une fois du 17 mars au 11 mai 2020, donc en 55 jours seulement !

Le ministère de l’Intérieur a avancé pour la même période le chiffre de 21 millions de contrôles sur la France entière (pour 67 millions d’habitants), incluant des personnes qui peuvent avoir été contrôlées plusieurs fois. Dans des départements comme la Sarthe ou le Lot, police et gendarmerie ont réalisé autant de contrôles qu’il y avait d’habitants adultes. Et pour le Lot, on relève même plus de contrôles (153 000) que d’habitants âgés de 15 ans et plus (149 000) ! Mais l’important, c’est d’appréhender ce que nous avons appelé le « choc moral » du contrôle.

Alors que de nombreuses enquêtes montrent qu’en temps « normal » ce sont très majoritairement les hommes, jeunes et d’aspect « étranger » dont on vérifie l’identité. Cette fois ce sont les femmes, les cadres, les personnes âgées de 30 ans et plus, quasiment jamais concernés, qui ont été très largement contrôlés.  

Qu’est-ce qui vous a surpris dans cette enquête ? 
N. M.
J’ai été très étonné de voir qu’aucun grand média, mais également qu’aucune équipe de recherche, en France et même, sauf erreur, en Europe, ne se soit intéressé à dresser un bilan de cette période du point de vue non pas sanitaire, mais réglementaire. Il y a pourtant beaucoup de leçons à tirer de cette expérience, car nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle pandémie. Par ailleurs, avec le recul, on constate que ce confinement, qui était accepté car il concernait tout le monde quels que soient sa classe sociale, son âge, son niveau de revenu, son lieu de résidence, fut en fait relativement inégalitaire dans ses modalités d’application, du fait de la grande liberté laissée aux autorités locales et aux forces de l’ordre. Enfin, en tant qu’historien spécialiste de la guerre de 14-18, j’ai déjà étudié une telle expérience d’obéissance à grande échelle. Et j’ai été surpris qu’une nouvelle forme d’union sacrée justifiant suspension des libertés et gouvernement sans contrôle ait pu se répéter presqu’un siècle après à l’identique.

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Origines de la surveillance de masse

Aux États-Unis, la surveillance de masse, c’est une affaire de Bush, et même de George Bush. Début des années 90, George Bush est à la Maison-Blanche, il ne lutte pas encore contre le terrorisme, mais contre les cartels de la drogue. La NSA n’existe pas encore. En 1992, la justice américaine ordonne à tous les opérateurs téléphoniques de fournir la liste de tous les appels depuis les États-Unis vers des pays qui seraient susceptibles de participer à du trafic de drogue. Ce programme s’appelle le USTO, c’est le premier programme de surveillance de masse américain. En tout, 116 pays ont été concernés par ce qu’on qualifie d’espionnage.

Le USTO est resté en activité jusqu’en 2013, c’est grâce aux révélations d’Edward Snowden que les États-Unis y ont mis fin officiellement. En 2001, l’autre Bush va se servir des attentats du 11 septembre pour mettre en place un système de surveillance encore plus sophistiqué que celui de son père. Avec la création du Patriot Act, extension des prérogatives de la NSA, agence de sécurité intérieure américaine. Tout cela sera dénoncé à de multiples reprises, parfois même jusqu’ici en France. Les attentats de 2015 et les élus français ont commencé à réclamer la même technique pour nous protéger.

La surveillance de masse désigne le recueil par des autorités d’informations concernant les activités d’un grand nombre de personnes sur leur téléphone, ordinateur et autres appareils électroniques. Sommes-nous tous espionnés ?

Podcast de Radio France :  » La surveillance de masse, tous espionnés ?« 

Le 23 mars, l’Assemblée nationale a voté en faveur d’une expérimentation de la surveillance assistée par intelligence artificielle en vue des J.O de 2024 à Paris. Amnesty International estime que cette décision légalise pour la première fois le recours à la surveillance assistée par l’intelligence artificielle en France et dans l’Union européenne, et que cela risque d’instaurer de manière permanente une surveillance d’État et de permettre des violations à grande échelle des droits humains.

La France ne doit pas devenir la championne de la surveillance de masse​

Face aux enjeux sécuritaires, la France se tourne de plus en plus vers les technologies de surveillance, au mépris de ses engagements en matière de droits humains. Un virage inquiétant qui compromet nos droits fondamentaux.

La France en passe de devenir championne de la vidéosurveillance ? L’inquiétude est réelle. Dernier exemple en date : une loi vient d’autoriser le recours à la vidéosurveillance algorithmique à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Votée par le Parlement en procédure accélérée, elle soulève de nombreuses préoccupations. Avec l’adoption de cette loi, la France devient le premier Etat membre de l’Union européenne à légaliser, à titre expérimental, ce type de surveillance assistée par intelligence artificielle. Il s’agit d’un véritable tournant, qui ouvre la voie à l’utilisation de technologies toujours plus intrusives.

Expérimentations de la reconnaissance faciale dans plusieurs villes, utilisation des drones pendant les manifestations et maintenant vidéosurveillance algorithmique… En France, la surveillance gagne du terrain. Tandis que les outils de surveillance envahissent inexorablement l’espace public en France, nos libertés, elles, reculent en silence.

Signez ici LA PETITION de Amnesty International

L'utilisation de la reconnaissance faciale pourrait prendre de plus en plus d'ampleur en Europe, malgré les efforts de l'UE pour la réglementer.

En décembre dernier, l’UE a conclu un premier accord sur l’intelligence artificielle qui limiterait son utilisation à des contextes très spécifiques et sous autorisation judiciaire. Une attaque terroriste ou la recherche de personnes enlevées en font partie.

Alors que le Parlement européen souhaitait une interdiction, des pays comme la France ont fait pression pour une série d’exceptions qui permettraient une utilisation plus étendue. Et ont même annoncé l’utilisation de l’IA pour contrôler les activités suspectes pendant les Jeux olympiques.

Les organisations de défense des droits numériques dénoncent le fait que la nouvelle législation européenne n’exclut pas totalement la surveillance massive.

« Nous pouvons nous attendre à une augmentation potentielle de l’utilisation des systèmes de reconnaissance faciale dans nos espaces publics, en particulier lorsque ces systèmes sont utilisés en direct. L’idée est donc que lorsque vous vous promenez dans un espace public, que vous allez dans les magasins, à l’école, chez le médecin, à une manifestation, les forces de l’ordre pourraient avoir davantage de pouvoirs pour utiliser cette technologie de reconnaissance faciale en direct afin de vous suivre dans le temps et l’espace, où que vous alliez. « ,  Ella Jakubowska, « Reclaim Your Face« .

CONTRE LA SURVEILLANCE BIOMÉTRIQUE DE MASSE : SIGNEZ LA PÉTITION EUROPÉENNE

C’est à nous de façonner le futur.
La reconnaissance faciale peut être et sera utilisée par les gouvernements et les entreprises contre chacun et chacune d’entre nous – en fonction de ce que nous sommes et de ce à quoi nous ressemblons.
Reprenons le contrôle de nos espaces publics. Interdisons la surveillance biométrique de masse !
Rejoignez le mouvement  Reclaim Your Face
 
 

L’Union européenne envisage d’étendre la coopération policière entre ses États aux images de reconnaissance des visages – Article de février 2020

Notre alerte d’octobre 2019 – « On assiste en France à de plus en plus d’expérimentations sur la reconnaissance faciale »