L’Europe doit être technologiquement souveraine, y compris dans la 5G. C’est le message clef adressé, dimanche, par Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, dans un discours prononcé à Munich, dans le cadre de la conférence Digital Life Design.
L’ancien ministre français de l’Économie estime que le recours à des entreprises européennes ne retardera pas le déploiement du réseau de téléphonie mobile de 5e génération, avec ses normes de sécurité plus strictes. Il appelle l’Union européenne à préserver «sa souveraineté technologique» en développant des solutions alternatives à la Chine et aux États-Unis. Pas question, après avoir raté le virage des puces électroniques et des Gafa, que l’Europe dépende, en matière de réseaux de téléphonie, d’acteurs étrangers. D’autant que «l’Europe n’est pas en retard dans le déploiement de la 5G», a ajouté Thierry Breton.
Thierry Breton, commissaire européen au commerce intérieur, était l’invité du #GrandRDV, le dimanche 02 février 2020 – en partenariat avec Europe 1 et Les Echos.
Fidèle à l’ambiguïté des Européens, Thierry Breton refuse de stigmatiser Huawei et les risques d’espionnage dénoncé par les Américains, affirmant que la Chine restera un grand partenaire. Mais il assure que des investigations seront menées sur les fournisseurs chinois qui postuleront sur les réseaux 5G pour vérifier qu’ils n’ont pas profité d’aides d’Etat. Il a également apporté son soutien à la décision d’Orange cette semaine d’opter pour les européens Nokia et Ericsson pour son son réseau 5G.
« La 5G va faire communiquer 500 milliards d’objets connectés à l’horizon 2030, elle gérera des villes entières, l’énergie, etc : il faut évaluer les fournisseurs à risque », explique-t-il. Tout en assurant que l’Europe est en tête sur cette compétition avec 55 % de brevets détenus par les industriels européens.
Huawei et 5G : la tardive « boîte à outils » de l’UE
Dans le sillage du Royaume-Uni, qui a autorisé Huawei à prendre part au déploiement de la prochaine génération de communication mobile sous certaines conditions, Bruxelles a dévoilé ses recommandations, c’est-à-dire diverses limitations, à l’égard du groupe chinois.
Par Pierre Manière | 29/01/2020
Voilà qui va ajouter de l’eau au moulin de ceux qui pestent contre la lenteur des prises de position de Bruxelles, ou contre les difficultés des Etats membres à accorder leurs violons concernant les dossiers stratégiques. Ce mercredi, l’UE a enfin dévoilé sa doctrine concernant le déploiement de la 5G, et surtout sur la place donnée à Huawei. L’équipementier chinois suscite depuis longtemps la méfiance du continent. A l’instar des Etats-Unis, qui ont chassé Huawei du marché de la 5G, certains Etats membres redoutent que ses infrastructures servent de cheval de Troie à Pékin pour espionner les communications, ou les interrompre. Plusieurs hauts responsables de l’UE s’inquiètent, depuis des lustres, d’une loi chinoise de 2017, qui oblige ses entreprises à coopérer avec les services de renseignement de l’Empire du Milieu. Huawei, pour sa part, a toujours balayé avec force les soupçons d’espionnage.
Dans cet épineux dossier, l’Europe est prise entre deux feux. D’une côté, les Américains, en pleine guerre commerciale avec la Chine, ont investi de gros moyens pour pousser le Vieux Continent à chasser Huawei du marché de la 5G. Quitte, parfois, à se montrer menaçants. Le pays de l’Oncle Sam a notamment indiqué à Londres qu’un accord post-Brexit pourrait être remis en cause en cas de feu vert à l’équipementier chinois. De l’autre côté, la Chine n’a pas été en reste. Outre-Rhin, elle a par exemple brandi le spectre de mesures de rétorsions à l’égard de la puissante industrie automobile allemande, dont l’Empire du Milieu est le premier marché.
Huawei, un « fournisseur à risque »
L’UE a donc tranché. Elle a révélé, ce mercredi, sa « boîte à outils » pour la 5G. Ces règles qui encadrent le recours aux équipementiers télécoms par les opérateurs mobiles, ressemblent beaucoup à celles définies mardi par le Royaume-Uni. Dans un entretien au journal Le Monde, Thierry Breton, le nouveau commissaire européen au marché intérieur, en a défini les contours. En premier lieu, Huawei n’est pas interdit. Mais il est confronté à diverses limitations. En bon diplomate soucieux de ne pas froisser la Chine, Thierry Breton, qui se refuse à citer nommément Huawei, le qualifie, de manière indirecte, de « fournisseur à risque ». A ce titre, le groupe chinois – tout comme son compatriote ZTE – n’est pas le bienvenu à certains endroits. « Les opérateurs télécoms ne doivent pas sélectionner des fournisseurs à risques, qui pourraient permettre à un Etat par exemple de prendre la main sur les sites stratégiques que sont les capitales, les endroits abritant une activité militaire intense ou une centrale nucléaire », souligne Thierry Breton.
Un autre point important concerne la diversification, pour des raisons de sécurité, des équipementiers. « Il ne faut pas qu’un opérateur ne dépende que d’un seul équipementier », déclare le commissaire européen, car « si celui-ci devait avoir un souci, c’est tout le réseau qui serait menacé ». Cela revient, de facto, à fixer une limite aux parts de marché de Huawei dans l’UE, tout comme à celles, d’ailleurs, des autres équipementiers – soit essentiellement les européens Nokia et Ericsson. Sur ce point, le Royaume-Uni s’est montré plus explicite, en fixant un maximum de 35% de part de marché à Huawei dans les infrastructures mobiles jugées « non stratégiques ». Étrangement, Thierry Breton ne pipe mot sur une éventuelle interdiction de Huawei de certaines infrastructures sensibles, dites de « cœurs de réseaux », où transitent toutes communications. Sachant que le Royaume-Uni et la France ont, par exemple, interdit aux opérateurs de recourir ici aux équipements du groupe chinois.
« Quasi-cacophonie de l’Europe »
Quoi qu’il en soit, toutes ces règles de l’UE ne sont que des recommandations, et il appartiendra aux États de les suivre. Thierry Breton se veut confiant, il assure que « ce sont les 27 membres de l’UE qui en ont défini les contours », et que « tous se sont engagés à les mettre en œuvre ». Reste que ces mesures arrivent bien tard. De nombreux pays, comme l’Espagne, la Pologne, le Portugal ou la Hongrie ont déjà décidé de donner leur feu vert au groupe de Shenzhen. Puisque les Etats membres ont fait leur tambouille dans leur coin, une interdiction globale de Huawei, qui pouvait être légitime pour des questions de souveraineté, semblait dès lors impossible à mettre en œuvre au niveau européen.
La manière dont le dossier a été traité par l’UE a fait grincer des dents. Dans une étude publiée au printemps dernier, l’Institut Montaigne estimait que les divergences de vues concernant l’équipementier étaient révélatrices d’une Europe « en ordre dispersé ». « La fragmentation et la quasi-cacophonie de l’Europe vis-à-vis de Huawei rend bien plus difficile une approche cohérente à l’échelle du continent qui prend en compte non seulement les risques sécuritaires, mais aussi les enjeux géopolitiques et les rapports de puissance, pour lesquels le niveau technologique et économique est bien sûr structurant », dézinguaient ses auteurs. L’arrivée de la nouvelle « boîte à outils » ne suffira probablement pas à balayer les critiques.
La 5G prise au piège entre Huawei et les inquiétudes sanitaires et environnementales
Faut-il craindre le déploiement de la 5G en France comme en Europe ? Entre risques d’espionnage et risques sanitaires pour les populations, la question se pose réellement…
Par Paul Malo, le 1 Feb 2020
La 5G devrait arriver en France dans quelques mois. Mais alors que la Commission européenne en pose les conditions au niveau européen, l’Anses alerte pour sa part sur le manque de données sanitaires liées au déploiement de la 5G.
Déploiement de la 5G – Un guide de mesures non contraignantes
Huawei ne sera pas écartée des infrastructures de la future 5G en Europe, et ce malgré le lobbying américain sur le sujet. Néanmoins, la Commission européenne « établit des règles claires » à respecter. Le géant chinois ne sera donc pas interdit de séjour, le protectionnisme n’étant pas dans l’esprit de l’Union. Comme l’a expliqué le nouveau commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, « l’Union européenne a établi, pour la première fois, des règles extrêmement claires sur ce qu’il convenait de faire pour éliminer les risques au déploiement des infrastructures 5G ».
L’Union européenne a donc publié, afin d’éviter tout « risque pour la sécurité » une liste de recommandations à respecter pour le déploiement du réseau 5G en Europe. Toutefois, ce guide de mesures n’est en rien contraignant pour les 27 membres de l’Union. Si aucune entreprise n’est nommée, les États membres de l’Union comme l’exécutif européen recommandent donc « d’appliquer des restrictions pertinentes pour les fournisseurs considérés comme présentant un risque élevé ».
La crainte de « risques pour la sécurité »
Dans un communiqué de l’Union(1), il est ainsi préconisé, pour « atténuer les risques pour la sécurité » de procéder à des « exclusions nécessaires (concernant) les actifs critiques et sensibles (…) tels que les fonctions de gestion et d’orchestration du réseau ». Par ailleurs, chacun des opérateurs des pays de l’Union devra disposer de plusieurs fournisseurs, et ce afin d’ « éviter la dépendance vis-à-vis d’entreprises considérées comme à haut risque ».
Objectif clairement affiché, face aux dangers de dépendance comme d’espionnage : que « chaque pays, chaque opérateur, ait la capacité d’avoir plusieurs sources de fournisseurs car il faut mitiger les risques », a décrypté Thierry Breton.
Pour autant, les questions de cybersécurité et d’espionnage notamment par un géant chinois tel que Huawei, ne sont pas le seul souci que pose à l’heure actuelle le déploiement des réseaux 5G à travers l’Europe, et bientôt en France.
Des expertises de l’Anses pour début 2021
En effet, l’Anses alerte pour sa part sur le manque de données sanitaires liées à la 5G. Alors que les premières offres de téléphonie mobile 5G devraient être lancées fin 2020 en France, ce premier rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) pose la question de l’évaluation des risques sanitaires associés à l’exposition de la population aux puissants champs électromagnétiques inévitablement émis par la technologie 5G.
Deux ONG, Agir pour l’Environnement et Priartem-Electrosensibles de France, ont même déjà déposé un recours devant le Conseil d’État et lancé une pétition contre le démarrage de la 5G en France.
Quant à l’Anses, dans ce rapport préliminaire, elle a tenu à alerter quant à « un manque de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels liés à l’exposition aux fréquences autour de 3,5 GHz ». En effet, sur cette nouvelle bande de fréquence utilisée par la 5G, « les données de la recherche sont encore peu nombreuses », « ce qui est préjudiciable pour l’étude de leurs conséquences éventuelles sur la santé des populations et compte tenu de leurs utilisations à venir ».
En effet, jusque-là, la recherche s’est surtout concentrée sur les champs électromagnétiques dans les fréquences inférieures à 3 GHz. C’est pourquoi l’Anses demande aux opérateurs télécoms de fournir toute information technique utile afin de parvenir à mesurer précisément les niveaux d’exposition des populations à cette pollution électromagnétique. A priori, les résultats des expertises menées par l’agence devraient être disponibles dans le courant du premier trimestre 2021. Mais si des effets particulièrement inquiétants étaient constatés, l’Anses pourrait alors décider de revoir les seuils d’exposition autorisés pour la 5G.
5G – Un impact écologique immense
Tout cela sans compter que le déploiement à grande échelle de cette Cinquième Génération va inévitablement accélérer le gaspillage des ressources et le changement climatique.
Pour créer toujours plus d’objets, des millions de tonnes de minerais (argent, zinc, palladium…) vont continuées d’être extraites, avec une dépense énergétique énorme et des dégâts environnementaux et humains considérables.
Le raffinement de ces minerais a lui-aussi toujours un impact impact énergétique et environnemental colossal… tout comme la production et le transport de tous ces nouveaux appareils pour remplacer ceux que nous utilisons actuellement qui seront rendus obsolètes par cette nouvelle technologie.
Autre ressource rare et précieuse menacée par le déploiement la 5G : l’attention humaine
Côté humain, au-delà des risques de santé et de contrôle des individus par leurs données numériques, qui dit plus d’objets connectés dit plus d’exposition aux écrans et autres supports, et donc, en fin de compte davantage d’aliénation. À l’heure où les problèmes de surexposition des enfants et de vivre ensemble se posent déjà…
Au final, a-t-on vraiment besoin de subir tout cela pour regarder des films en THR (Très Haute Définition) sur un écran de 5 ou 6 pouces (soit 11/13 cm sur 6/7) ?
5G : Orange dit non à Huawei
Sabrina Fekih | 31/01/2020
Orange sélectionne Nokia et Ericsson en tant qu’équipementiers pour le lancement de la 5G. Prévu pour cet été, le déploiement de la 5G par Orange se fera avec ses « partenaires clés et de longue date » déclare Fabienne Dulac, directrice générale adjointe d’Orange France.
Le partenariat avec Nokia se concentre sur les régions Ouest et Sud-Est, zones sur lesquelles la société Nokia est déjà fournisseur de 2G/3G/4G sur le réseau mobile (RAN). Quant à Ericsson, ce dernier se concentre sur les régions Ile de France, Nord-Est et Sud-Ouest, détaille l’opérateur dans son communiqué.
Ce recours à des équipementiers européens intervient à la suite d’un appel d’offres lancé début 2019, et s’inscrit en plein débat sur le chinois Huawei. Accusé par Donald Trump d’espionnage pour le compte des services de renseignements chinois et soumis à des sanctions commerciales, l’avenir de Huawei en 5G était encore incertain en Europe.
Toutefois, il y a quelques jours le Royaume-Uni a annoncé accepter l’équipementier sur son territoire, suivi de près par l’Union européenne: « Nous en Europe, on accepte tout le monde mais on a des règles, ces règles sont claires, exigeantes », a déclaré Thierry Breton, Commissaire européen à l’Industrie. Un avis partagé par Stephane Richard, PDG d’Orange, qui s’était dit contre l’exclusion de Huawei.
Pour autant, Orange tout comme Free se sont orientés vers des européens car, bien que l’Europe autorise le géant chinois sur son territoire, ce n’est pas sans des limitations inscrites dans la « boîte à outils » de la Commission européenne qui vise à renforcer la sécurité des réseaux dans l’Union et sa souveraineté.
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