Nestlé, c’est fou !

Perrier, Vittel, Hépar, Contrex, … La qualité sanitaire des eaux minérales Nestlé n’est pas garantie

« La sécurité sanitaire de nos produits a toujours été garantie et reste notre priorité absolue ».

Telle fut la réponse faite par  le groupe Nestlé, fin janvier, lors des révélations de franceinfo sur l’utilisation de traitements illicites de purification de ses eaux minérales naturelles.

Des sources qui ne devraient plus être exploitées pour de l'eau en bouteille

Après un rapport remis en octobre dernier au gouvernement, l’image du géant de l’agro-alimentaire Nestlé est une fois de plus controversée. Les conclusions de l’expertise ont été dévoilées ce jeudi 4 avril.

Aux origines de ces révélations, le directeur de l’ARS Occitanie Didier Jaffre a fait appel à l’Anses en juin 2023, concernant la qualité de l’eau de la marque Perrier produite dans sa région, par Nestlé.

Des contrôles sont alors menés pour l’Anses par le laboratoire d’hydrologie de Nancy.

Au mois d’octobre de la même année, l’Anses rend au ministère de la Santé un rapport qu’elle estime « tronqué et parcellaire », car elle dit avoir été limitée dans l’obtention de renseignements nécessaires. Les premières informations confirment néanmoins une non-conformité qui empêche un niveau de confiance suffisant pour « garantir la qualité sanitaire des produits finis », soit l’ensemble des eaux en bouteilles commercialisées par le groupe Nestlé.

Le bilan est inquiétant pour le groupe. Perrier, Vittel, Contrex, Hépar… La qualité de ces eaux «n’est pas garantie», d’après l’Anses. En plus d’être traitées et purifiées par des méthodes interdites et strictement réservées à l’eau du robinet, l’expertise menée sur les eaux du groupe fait état d’une contamination généralisée des sources exploitées.

La contamination des eaux minérales de la marque concerne des bactéries, des pesticides et des Pfas, polluants éternels nocifs qui sont d’ailleurs au cœur d’une proposition de loi étudiée ce jeudi 4 avril à l’Assemblée nationale.

Les experts de l’Anses jugent la concentration de bactéries «parfois élevées» avec la présence notamment d’Escherichia coli ou d’entérocoques intestinaux. Par exemple, la quantité de Pfas dépasse 0,1 microgrammes par litre, soit le seuil réglementaire pour l’eau minérale naturelle.

Dans leurs conclusions, les experts recommandent aux autorités de mettre en œuvre un plan de surveillance renforcé des usines Nestlé, « considérant les multiples constats de contaminations d’origine fécale », « la présence chronique notable de micropolluants », et « l’absence de paramètre permettant le suivi de la contamination virale des eaux ». Mais surtout, ils affirment ne formuler « aucune recommandation » pour les produits finis, car les non-conformités détectées « ne devraient pas conduire à la production d’eaux embouteillées ».

En clair, les sources contaminées ne devraient plus être exploitées pour produire de l’eau minérale naturelle, comme cela semble pourtant être encore le cas.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement est alerté d’un potentiel risque sanitaire. Dans un rapport remis au gouvernement en juillet 2022, mais resté confidentiel jusqu’aux révélations de la Cellule Investigation de Radio France, des inspecteurs de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) affirmaient déjà qu’il « ne serait pas prudent de conclure à la parfaite maîtrise du risque sanitaire », notamment « microbiologique » des eaux du groupe Nestlé. Les inspecteurs s’inquiétaient alors du potentiel retrait des traitements illicites mis en place pour purifier les eaux, « qui serait de nature à engendrer un risque sanitaire ».

Si Nestlé continue d’utiliser, avec l’assentiment du gouvernement, des micro-filtres interdits par la réglementation européenne, l’entreprise assure avoir retiré tous les autres traitements illicites (filtres à charbon, UV) pourtant nécessaires pour assurer une désinfection efficace de l’eau.

En ayant recours à des traitements, la réglementation ne permet pas à Nestlé de continuer à commercialiser ses produits sous l’appellation eau minérale naturelle, mais sans eux, la qualité sanitaire de ses eaux ne semble pas être garantie. C’est donc peut-être la continuité de l’exploitation de ses usines de production d’eau qui est désormais interrogée.

Le groupe Nestlé détient également les marques San Pellegrino et Nestlé Pure Life.

Des pratiques délibérément dissimulées

Nestlé Waters, a informé en 2021 les autorités sanitaires françaises qu’il avait recouru à des traitements interdits d’ultraviolets et de filtres au charbon actif sur certaines de ses eaux minérales pour maintenir « leur sécurité alimentaire ». Sans réaction immédiate de la part des services de l’Etat : le gouvernement ne saisit pas la justice malgré le caractère illégal des opérations, et n’informe pas la Commission européenne alors que la France s’y est engagée dans le cadre d’une directive européenne.

C’est seulement à l’été 2021, lorsque l’affaire est rendue publique grâce au signalement d’un lanceur d’alerte, ancien salarié du groupe Alma, que le scandale pousse la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à ouvrir une enquête sur les pratiques des producteurs français d’eaux en bouteille.

Un rapport de l’inspection générale des affaires sociales, remis en juillet 2022 (PDF) au gouvernement, estimait qu’au moins 30 % des marques d’eau en bouteille avaient recours à des traitements interdits par la réglementation, dont la totalité des marques exploitées par Nestlé. Selon les inspecteurs, le taux de non-conformité serait en réalité « très probablement supérieur », compte tenu « des difficultés pour les services de contrôle d’identifier des pratiques délibérément dissimulées ».

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